Loi de finances 2017 : El Othmani va-t-il revoir la copie de Benkirane ?
Outre son programme d’action pour le nouveau quiquennat, le gouvernement El Othmani devra soumettre le projet de loi de Finances 2017 au vote du Parlement. Les opérateurs économiques suivront de près les modifications qui seront apportées à la version héritée du gouvernement sortant. L’application de certaines mesures fiscales promulguées par le décret de 31 décembre est suspendue à la sortie des textes d’application.
Ce n’est pas la première fois que le Maroc accuse un retard si manifeste dans l’approbation d’une loi de Finances. Une situation quasiment similaire a été vécue en 2012 lorsque le gouvernement Benkirane I (nommé le 4 janvier) a dû compter près de cinq mois avant d’arriver au bout du circuit législatif et de pouvoir publier son projet de budget au Bulletin officiel (17 mai). Quid maintenant du nouveau gouvernement? Saâd-Eddine El Othmani ira-t-il encore plus vite pour rattraper le retard, lui qui a réussi à composer sa majorité moins de dix jours après sa désignation? Au-delà du casting et de la répartition des ministères entre les six partis formant son équipe, le nouveau chef de gouvernement sait qu’il devra d’abord chercher la confiance du Parlement en soumettant au vote son programme gouvernemental.
Le budget définitif de l’année en cours doit sans doute s’en inspirer. «La loi de finances 2017 n’en est encore qu’au stade de projet. Elle a été juste déposée sur le bureau de la Chambre des représentants. Le nouveau gouvernement peut toujours y introduire des modifications», souligne Khalid Mabrouki, professeur de Finances publiques à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à l’Université Hassan II-Mohammedia.
Le nouvel Exécutif peut, ajoute-t-il, ajouter ou supprimer des mesures spécifiques et présenter une nouvelle mouture budgétaire afin de se conformer à l’esprit de son programme gouvernemental. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que les débats sur le budget peuvent commencer dans l’hémicycle. Tout, en effet, porte à croire que le projet hérité de la team Benirane II sera revu de fond en comble. «Le contexte à la fois national et international ayant guidé le gouvernement sortant dans la préparation du projet de loi de Finances 2017 a beaucoup changé», constate Mehdi El Fakir, expert comptable, conseiller juridique et fiscal. Pour illustrer ses propos, il fait référence à la saison agricole qui s’annonce plus ou moins bonne, le retour du Maroc à l’Union africaine, le demande d’intégration à la CEDEAO, le Brexit, etc. Encore faut-il tenir compte de l’arrivée au gouvernement des deux Ex-partis de l’opposition, l’USFP et l’UC, qui n’étaient pas associés dans la version initiale du budget déposé en octobre dernier. En attendant que le gouvernement tranche, la continuité du service public demeure assurée grâce aux deux décrets approuvés mi-décembre qui autorisent le gouvernement sortant, d’une part, à débloquer les dépenses nécessaires au fonctionnement normal de l’appareil administratif de l’État et, d’autre part, à recouvrer certaines ressources. Côté fiscalité, certaines mesures introduites par un décret publié fin décembre restent subordonnées à la sortie des textes réglementaires, à l’image des exonérations octroyées aux entreprises industrielles dont une définition sera arrêtée de manière claire et précise via un décret d’application.
C’est le cas également des incitations prévues pour les organismes de placement collectif en immobilier (pour encourager le financement d’immeubles à usage professionnel) et les groupes en phase de restructuration. «Les entreprises ont tendance à reporter la décision d’investir en l’absence de ces clarifications réglementaires», souligne Mehdi El Fakir. Le manque de visibilité quant à l’investissement public en 2017 ne fait que compliquer les choses et, partant, justifier le climat d’attentisme ambiant. C’est dire que le gouvernement El Othmani a du pain sur la planche. Avant même de soumettre aux parlementaires une éventuelle nouvelle mouture du budget 2017, il doit d’abord chercher leur approbation, cette fois-ci pour les décrets validés en Conseil de gouvernement au mois de décembre, en particulier celui relatif aux dépenses de fonctionnement. «À titre exceptionnel, le gouvernement a été à l’origine de l’autorisation donnée pour ces dépenses. Or, le principe constitutionnel veut que chaque dépense soit approuvée par le Parlement», affirme le spécialiste des Finances publiques, Khalid Mabrouki.