Benkirane, enfin prêt?
C’est sa seule stratégie pour débloquer la situation et asseoir les bases d’un gouvernement harmonieux avant la fin du mois. Le RNI continuera seul ou avec l’UC à peser sur les pourparlers poussant Benkirane dans ses retranchements.
C’est une semaine décisive pour la constitution du gouvernement après plus d’un mois de négociations mêlé d’attentisme. Abdelilah Benkirane, chef de gouvernement désigné, aura donc du pain sur la planche pour reprendre langue avec l’USFP qui vient d’annoncer sa disposition à participer, le RNI qui joue la locomotive avec l’UC, le MP et l’Istiqlal, qui compte tirer le maximum. Avec le PPS, les choses sont beaucoup plus claires et le soutien des camarades semble être indéfectible. Le parti de la rose qui suivait jusqu’ici une politique de yoyo a finalement tranché à la faveur de sa participation samedi lors de la réunion de la commission administrative du parti. Le premier secrétaire, Driss Lachgar, y a réitéré son accord de principe de faire partie de l’aventure.
Maintenant, c’est à Benkirane de faire son bout de chemin en proposant aux ittihadis une offre politique claire. Toutefois, comme il s’agit seulement d’un accord de principe et non d’une décision définitive, il se pourrait que le chef du gouvernement prenne aussi son temps avant de réagir. D’un point de vue constitutionnel, rien n’urge pour constituer une majorité gouvernementale qui risque de coûter cher en concessions. D’un point de vue arithmétique, avec ses 19 députés, l’USFP représente la carte qui manque à Benkirane pour boucler une majorité avec l’Istiqlal et le PPS. Mais il y a eu, entre-temps, un changement majeur dans le landerneau politique avec l’arrivée d’Aziz Akhannouch à la tête du RNI. En s’alliant à l’UC, les indépendants, toujours en respect de la logique arithmétique, ont voulu damer le pion à l’Istiqlal dans toute négociation pour le prochain gouvernement. S’y ajoute le Mouvement populaire qui a lié sa participation à celle du RNI dans une tentative de diminuer les marges de manœuvre de Benkirane, mais ce dernier ne semble pas s’en émouvoir, outre mesure, lui qui a reçu le feu vert des instances de son parti pour jouer l’ouverture et la patience.
Dans cette configuration, contrairement aux annonces de campagne sur un gouvernement ramassé, l’on se retrouvera face à une majorité de 5 voire 6 partis et plus d’une quarantaine de ministères et ministères délégués. De la sorte, Benkirane fera d’une pierre deux coups. D’abord en évitant le blocage qui commençait à sérieusement menacer sa position de chef du gouvernement, ensuite en s’assurant de la continuité d’une architecture gouvernementale avec des contrepoids politiques au sein des ministères clés comme l’Intérieur, les Affaires étrangères, l’Économie et les finances, etc. La tactique de Benkirane n’est pas dénuée de sens. Elle s’inscrit dans la continuité de sa politique de conciliation avec les forces politiques du pays pour continuer à gouverner. Il n’est pas tant soucieux de la volonté des urnes pour jouer les refuzniks.
À cela s’ajoute le discours royal de Dakar qui sur un ton ferme a exhorté les parties prenantes au jeu politique à privilégier les programmes et l’intérêt du citoyen sur la course aux strapontins. Lors d’une rencontre samedi dernier, Hamid Chabat a néanmoins été moins optimiste quant à l’issue des tirs à la corde pour la constitution du gouvernement. Pas avant la fin de l’année, selon ses dires. Néanmoins, le chef des istiqlaliens n’a pas non plus ignoré le rôle que le souverain peut jouer pour débloquer la situation, si les partis en lice n’arrivent pas à se mettre d’accord. En tout cas, il faut s’attendre tout au long de cette semaine à des rencontres marathoniennes ; de Benkirane d’abord avec le nouveau président du RNI afin de discuter sérieusement du sort de l’UC, car quand bien même certains responsables de ce dernier avaient exprimé leur volonté de quitter l’opposition, la décision finale revient au RNI et sa capacité de négocier un ticket d’entrée pour les constitutionnels.
La théorie du complot
Certaines voix ont colporté la volonté du PAM de peser sur les négociations gouvernementales à partir de sa position dans l’opposition. Ilyas El Omari, SG du PAM s’est empressé alors de contacter Benkirane pour démentir toute velléité dans ce sens, mais c’est sans compter sur Hamid Chabat, SG de l’Istiqlal, qui a mis en avant l’hypothèse d’un complot ourdi par le PAM pour faire tomber Benkirane. Il aurait lui-même refusé une proposition dans ce sens. Vrai ou faux, le chef des pjdistes n’est pas né de la dernière pluie. Il a préféré jouer le conciliateur jusqu’au bout afin de barrer la route à toute tentative de blocage. Jusqu’ici, il ne s’est pas déclaré vaincu, au contraire, il compte même, selon des sources concordantes, tirer profit de cette course des partis aux postes ministériels pour asseoir la force de son parti.