Les gouvernements appelés à s’appuyer sur les villes
On s’attend à Marrakech à des annonces sur le plan des financements des villes et les nouveaux instruments financiers. Les gouvernements sont appelés à s’appuyer sur leurs villes pour mettre en œuvre l’Accord de Paris. C’est le message politique véhiculé pour amener les pays encore réticents à œuvrer de concert avec les responsables locaux.
«Il faut que les gouvernements s’appuient sur leurs villes pour mieux mettre en œuvre l’Accord de Paris». C’est le message politique que tient à véhiculer la championne française de haut niveau pour le climat Laurence Tubiana sur le rôle des villes et des gouvernements locaux dans le combat planétaire contre le réchauffement climatique. Elle estime qu’il est, on ne peut plus, nécessaire de sensibiliser les pays sur cette question qui s’avère de la plus haute importance pour la mise œuvre des contributions nationales et la concrétisation de l’ambition internationale.Les villes et les gouvernements doivent dorénavant marcher main dans la main pour mettre en œuvre l’Accord de Paris. Il ne s’agit pas d’un choix, mais d’une nécessité. «Il ne faut pas sous-estimer le fait que dans beaucoup de pays, la question est nouvelle et il est difficile d’accepter que des gouvernements locaux soient au tour de la table et fassent entendre leurs voix. Il faut montrer qu’il s’agit d’une synergie totale», précise la championne française de haut niveau pour le climat. Il faut dire que les villes peuvent faire beaucoup mieux que ce que les gouvernements pensent.
À titre d’exemple, certaines villes dont des cités chinoises ont annoncé des réductions d’émissions plus élevées que les engagements des gouvernements. Certaines villes lancent des green bonds pour financer leur transformation. Durant le sommet de Marrakech, beaucoup d’annonces devront être faites sur le plan des financements des villes et les nouveaux instruments financiers. L’accélération de l’action s’impose pour faire face à l’urbanisation galopante d’autant plus que les villes sont les principaux contributeurs du changement climatique : même si elles couvrent moins de 2% de la surface de la terre, elles émettent environ 70% des émissions mondiales liées à l’énergie. Le secteur des bâtiments et de la construction représente, à lui seul, plus de 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Une réduction de 80% des émissions de CO2 d’ici à 2050 pour ces secteurs, comme le prévoit l’Agence internationale de l’énergie, sera essentielle pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris.
Les villes doivent agir car les mesures prises par les gouvernements nationaux ne sont pas suffisantes. Selon la Banque mondiale, l’adaptation au changement climatique pourrait coûter entre 80 et 100 milliards de dollars par an, dont 80% devront être investis dans les zones urbaines. Au Maroc, la question était au centre des débats au cours des dernières années, en raison de l’augmentation du taux d’urbanisation qui est passé de 29% à 60% actuellement. Selon les prévisions, la population urbaine constituera les deux tiers de la population totale du Maroc en 2020.
Les enjeux sont ainsi de taille aussi bien au niveau économique qu’environnemental. Pour relever les défis, des actions ont été mises en place par les pouvoirs publics marocains : adoption de la loi sur l’efficacité énergétique, établissement d’un guide des bonnes pratiques de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables dans l’aménagement urbain et dans l’habitat (2010), promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables dans le bâtiment et l’élaboration de normes techniques portant sur les performances thermiques des matériaux de construction et sur le concept de la durabilité des bâtiments. Le processus est lancé. Néanmoins, le rythme demeure encore long. Le renforcement de la sensibilisation des différents acteurs est, ainsi, de mise.
ONU-Habitat tire la sonnette d’alarme
Les villes sont fortement vulnérables aux changements climatiques, comme le souligne ONU-Habitat. Selon cette organisation onusienne, des centaines de millions de personnes dans les zones urbaines à travers le monde, seront affectées par la hausse du niveau des mers, l’augmentation des précipitations, les inondations, les cyclones, les tempêtes plus fréquentes et plus fortes, les périodes de chaleur extrême et de refroidissement. Plusieurs grandes villes côtières aux populations de plus de 10 millions de personnes sont déjà menacées. «Le changement climatique peut également avoir un impact négatif sur les infrastructures et détériorer l’accès aux services urbains élémentaires et la qualité de vie dans les villes. En outre, la plupart des infrastructures économiques et sociales, des installations gouvernementales et des actifs sont situées dans les villes», précise l’organisation. Les citadins sans ressources sont les populations les plus touchées (les habitants des bidonvilles dans les pays en développement). Dans plusieurs villes, ces habitants vivent le long des berges, sur les coteaux et les pentes sujettes aux glissements de terrain, près de sols pollués, sur des terres désertifiées, au sein de structures instables vulnérables aux tremblements de terre, et le long de quais dans les zones côtières.