Mobiliser les finances, une priorité pour sauver le climat
Ériger une économie décarbonée est désormais une priorité dans le secteur financier. Conscient de son rôle de catalyseur des investissements économiques, le Climate Finance Day et le Forum IDFC Climate Finance tenus les 4 et 5 novembre ont été l’occasion pour la communauté financière mondiale d’échanger sur les étapes à franchir pour transformer la finance afin qu’elle soit au service de la préservation de la planète.
Réunis deux jours durant, les financiers du monde entier se sont attelés à la question du financement en faveur de la préservation du changement climatique. Si aujourd’hui, la volonté et la mobilisation de la communauté financière sont bien avérés, il manque néanmoins encore les moyens et mécanismes adéquats pour que les fonds soient correctement orientés vers des projets qui vont dans le sens de la protection du «climat». Pour Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace, le réchauffement climatique constitue un véritable challenge, du fait qu’il ne sera pas seulement une catastrophe écologique mais aussi économique. Un challenge qui nécessitera 1.000 milliards de dollars d’ici 2030 pour être relevé. Or, le problème n’est pas le manque de financements, estime Mohamed Boussaïd, ministre de l’Économie et des finances, mais plutôt la carence en instruments pour attirer les investisseurs. Un objectif par ailleurs, qui ne peut être atteint sans l’implication des autorités publiques et réglementaires. Quant à Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères et de la coopération et président du Comité de pilotage de la COP22, il souligne que «80% du changement attendu viendra des opérateurs non étatiques».
Des mécanismes financiers adéquats
C’est à cette lourde question qu’ont essayé de répondre les 600 participants et 20 panélistes ayant pris part aux travaux de la Climate Finance Day 2016, dans sa deuxième édition organisée par Casablanca Finance City. Il en ressort la nécessité de mettre en place avant tout, un dispositif de tarification carbone efficace. Comme il s’agit d’un outil destiné à intégrer dans les prix les coûts cachés des dommages causés par les émissions de gaz à effet de serre, afin d’orienter les décisions des agents économiques vers des solutions à bas contenu en carbone, il s’avère que ces deux matérialisations – la taxe carbone ou encore le système de quotas carbone – ne sont pas très efficaces. Marilyn Ceci, managing director, Head Of Green Bonds à J.P. Morgan, déplore l’absence de mécanismes permettant d’intégrer les crédits carbone (quotas carbone) dans les portefeuilles. L’évaluation du risque climat et son intégration dans les décisions d’investissement est aussi une question qui a été soulevée, du fait que si les obligations vertes et les obligations normales offrent les mêmes prix, elles n’offrent pas la même liquidité, estime David Harris, group head of sustainable business, London Stock Exchange Group.
La conscience également
Pour Olivier Rousseau, directeur exécutif du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), il est nécessaire de développer la conscience des investisseurs. Ces derniers connaissent en effet les risques pour l’environnement mais quand il s’agit de constituer leur portefeuille, ce sont d’autres critères qui entrent en jeu. De même, le directeur estime que le privé ne peut pas tout faire par lui-même. Le gouvernement doit mettre en place une tarification carbone, adopter des politiques en faveur du climat et définir le profil de risque du changement climatique. Un point justement soulevé par Salaheddine Mezouar, qui soulignait que la mobilisation du secteur passe par la réglementation.
La nécessité d’adopter de nouveaux modèles économiques
La seconde journée des travaux, Forum IDFC Climate Finance, organisée pour sa part par CDG Capital à l’initiative de l’International Dévelopment Finance Club, (IDFC), un club de 23 banques de développement internationales, régionales et nationales, a été l’occasion pour les participants d’étudier les multiples processus et dispositifs institutionnels qui permettent de concevoir, de financer et de mettre en œuvre dans les pays en développement, une action intelligente en matière de climat et de transformer l’Accord de Paris en climat concret. Les deux résultats majeurs de cette journée de travail consistent en l’activation, l’extension et l’accélération des transactions climatiques et la mise en place des outils pour promouvoir l’adaptation et la résilience. Ainsi, concernant le premier résultat, l’IDFC s’est engagé à jouer un rôle de premier plan dans la promotion des transitions nécessaires vers des voies de développement à faible intensité de carbone et résilientes au climat.
Décliner les NDCs en plans d’investissements
Concrètement, l’IDFC s’est engagé à contribuer de façon décisive à la transformation des contributions déterminées au niveau national de chaque État, les fameux NDCs (les contributions qui permettent de mesurer les efforts nationaux envisagés dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique), en politiques incitatives et en plans d’investissement et programmes financiers. Quant au second résultat, une large coalition de banques de développement comprenant l’IDFC et les Banques multilatérales de développement (BMD) a décidé de renforcer encore ses efforts de collaboration pour améliorer la qualité, la robustesse et la cohérence de la comptabilité et de la métrique des finances climatiques avec notamment un programme de travail conjoint dans le domaine de l’adaptation et de la résilience. La décision s’appuie sur la collaboration existante et fructueuse entre les deux groupes sur des définitions communes de programmes de développement respectueux du climat. Elle repose également sur la reconnaissance qu’un soutien accru est nécessaire de toute urgence pour disposer d’une infrastructure plus résiliente au climat et pour les écosystèmes naturels et autres mesures d’adaptation. Hormis la mise en œuvre de l’Accord de Paris, entré en vigueur vendredi dernier, les membres de l’IDFC oeuvrent pour mieux intégrer l’action climatique dans l’ensemble de la communauté financière.