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“Seule l’action devrait entretenir le signal politique de la COP21”

Hakima el haité : Ministre déléguée chargée de l’environnement

Hakima El Haité compte réussir sur deux fronts : inscrire l’agenda de l’action au cœur de la COP22 tout en structurant le processus de haut niveau des deux championnes pour renforcer le pré-2020 et dynamiser toutes les initiatives qui sont lancées pendant la COP21.

La Conférence de Marrakech sera l’occasion d’opérationnaliser tous les aspects de l’Accord de Paris et de maintenir l’esprit de solidarité et de confiance construit lors de la COP21. Quels sont les mécanismes pour réussir cet enjeu ?
Effectivement, la COP21 représente une réelle avancée à l’heure où le multilatéralisme était en crise. Le défi qui se présente donc à Marrakech est de maintenir l’élan du cadre politique international et de mobiliser les acteurs étatiques et non étatiques pour l’action. Seule l’action devrait entretenir le signal politique qui a été généré par le cadre universel de l’Accord de Paris. Un autre aspect à faire prévaloir, c’est l’innovation. Nous devons être créatifs dans les solutions à proposer pour garantir un impact direct sur le mode de vie des populations, et plus particulièrement celles qui souffrent le plus des effets du changement climatique. Pour revenir à votre question précise, le Maroc en tant que président de la COP22 va devoir animer et coordonner les discussions entre les parties et tous les autres acteurs afin de parvenir à l’adoption de mécanismes d’opérationnalisation de l’Accord de Paris.

Quelles sont vos attentes en tant que championne du climat ?
Je ne peux pas espérer plus que de réussir sur deux fronts essentiels: D’abord faire en sorte que l’agenda de l’action (GCAA) soit au cœur de la COP22. Il faut signaler que tous les acteurs porteurs d’initiatives liées au climat, que ce soit sous forme d’alliances ou de coalitions ou individuellement, espèrent voir et avoir des résultats de l’agenda de l’action émanant de la COP22. Ensuite, clairement structurer le processus de haut niveau des deux championnes, bien évidemment en partenariat avec la championne et amie française Laurence Tubiana. Nous portons haut le message relatif à l’importance de l’action pour la COP22.

Ce processus doit engager la Communauté internationale à tous les niveaux sur l’agenda de la COP22. Il doit consolider et entériner l’idée que les deux championnes sont désignées pour renforcer le pré-2020, pour dynamiser toutes les initiatives qui sont lancées pendant la COP21 et aussi pour en identifier et promouvoir de nouvelles. Nous deux championnes avons décidé de travailler sur 4 aspects: D’abord la façon de renforcer les initiatives et les mettre en œuvre encore davantage pour les aligner avec la trajectoire qui limiterait l’augmentation de la température du globe en dessous de 2°C, voire même 1,5°C.

Ensuite, la manière de mettre et de renforcer le lien entre l’agenda de l’action et les contributions déterminées aux niveaux nationaux des États (NDCs) sans pour autant oublier leurs relations avec les objectifs de développement durable (ODDs). Il s’agit après de la  façon de faire inscrire les initiatives dans les esprits des parties en vue de garantir une certaine crédibilité au processus de sélection des initiatives. De telles initiatives doivent nécessairement avoir des impacts dans un contexte d’augmentation de la température de 2°C/1,5°C. Enfin, il y a lieu de citer l’événement de haut niveau ; un événement qui est institutionnalisé aujourd’hui sachant que le premier événement sera organisé à Marrakech. Il est prévu que nous menions des consultations avec toutes les parties, la société civile, le secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) et le Secrétariat général des Nations Unies afin d’identifier comment l’événement de haut niveau peut être opérationnel, et comment en faire sortir des choses concrètes, notamment en termes de système de crédibilité et de gouvernance.

L’argent est le nerf de la guerre. Croyez-vous que l’appui financier sera au rendez-vous alors que les engagements étatiques ne sont pas juridiquement contraignants ?
Je conviens parfaitement avec vous que le financement est le défi majeur qui se pose depuis un bon moment au sein de la sphère des négociations climatiques, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la présidence marocaine a affiché clairement sa priorité sur l’accès au financement lors de la COP22.

Comment évaluez-vous les pertes et dommages de l’Afrique en matière de réchauffement climatique ?
Concernant les pertes et dommages (P&D) en Afrique, il faut rappeler qu’à Paris, un compromis a été trouvé pour ne pas fusionner le sujet P&D qui concerne les dommages irréversibles dus aux impacts négatifs du changement climatique avec le volet adaptation qui est lié à des impacts certes graves du changement climatique mais qui ne sont pas nécessairement irréversibles. Pour passer à l’estimation des coûts, ce dont on dispose actuellement pour l’Afrique, c’est d’une étude qui évalue le coût de l’adaptation et non pas des pertes et dommages. Il s’agit d’une étude qui a été entreprise par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Ce rapport a été accompli pour informer les décideurs politiques des lacunes et des opportunités en termes d’adaptation au changement climatique en Afrique. Les résultats montrent qu’une action retardée aujourd’hui entraînera certainement une augmentation exponentielle des coûts dans le futur. Les coûts d’adaptation liés aux émissions passées sont estimés entre 7 et 15 milliards de dollars par an à l’horizon 2020.

Les conclusions du rapport démontrent que – même si l’écart des émissions de gaz à effet de serre est comblé, et même si nous nous mettons sur une trajectoire qui contiendrait le réchauffement en dessous de 2° C – d’ici 2050, les coûts de l’adaptation pourraient osciller autour de 35 milliards de dollars par an. Si par contre, on se contente des INDCs ayant été soumises au secrétariat de la CCNUCC, nous risquerons de mettre le monde sur une trajectoire d’augmentation de la température globale de 3,5 à 4° C à l’horizon 2100, et le coût de l’adaptation pour l’Afrique pourrait atteindre les 50 milliards de dollars américains par an à l’horizon 2050.

Comment la mise en œuvre des NDCs peut-elle renforcer les politiques nationales d’adaptation ?
Il est à rappeler que l’Accord de Paris n’a été contraignant pour les parties que sur une poignée de dispositions. Je cite essentiellement l’obligation pour les parties d’entreprendre des processus de planification et de mise en œuvre de mesures d’adaptation. L’Accord de Paris oblige donc toutes les parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique à s’engager pour la mise en place ou le renforcement de plans et de politiques liés à l’adaptation, notamment à travers l’évaluation de la vulnérabilité aux effets du changement climatique en vue de formuler des mesures prioritaires déterminées au niveau national ainsi que l’engagement dans un processus visant à formuler et à réaliser des plans nationaux d’adaptation (PNA). Citons également la réalisation de mesures et d’initiatives dans le domaine d’adaptation et le suivi et l’évaluation des plans, des politiques, des programmes et des mesures d’adaptation et les enseignements à retenir. S’y ajoute le renforcement de la résilience des systèmes socioéconomiques et écologiques. En conséquence, le Maroc aura beaucoup à gagner si on intègre l’effort de répondre à ces engagements spécifiques à l’adaptation dans le processus de développement/révision, et de mise en œuvre de la contribution déterminée au niveau national (NDC). Et ceci en gardant à l’esprit, toujours à travers l’Accord de Paris, l’appui international qui devra être renforcé et fourni en permanence aux pays en développement tels que le Maroc, afin de les aider à répondre à ces engagements.  



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