Comptes spéciaux du Trésor : La fin de l’opacité ?
Avec des ressources qui s’élèvent à plus de 156 MMDH, les Comptes spéciaux du Trésor suscitent, chaque année, un débat houleux entre gouvernement et parlementaire quant à l’opacité qui entoure leur gestion. La loi organique des finances y introduit de nouvelles règles, mais plusieurs zones d’ombre demeurent.
Les Comptes spéciaux du Trésor (CST) ont toujours fait l’objet d’une polémique à couteaux tirés entre le gouvernement et les parlementaires. Et pour cause, les «caisses noires» de l’État, qui gèrent des sommes colossales, échappent au contrôle des élus de la nation. Le montant total des ressources réalisées par les CAS (Comptes d’affectation spéciale) s’élève en 2015 à 156,3 MMDH contre 147,1 MMDH en 2014 et 122,8 MMDH en 2013, soit une progression de près de 12,8% en moyenne par an sur la période 2013-2015. Mieux encore, les ressources des CAS ont été constituées en 2015 à hauteur de 93,7 MMDH, de soldes de recettes reportées, contre 80,2 MMDH et 67,8 MMDH respectivement en 2014 et 2013. Ces soldes ont ainsi affiché une croissance annuelle moyenne de 17,5% sous la période 2013-2015. En d’autres termes, la plus grande partie des ressources allouées à ces fonds n’est pas mobilisée et continue, d’année en année, de gonfler leur solde au détriment du budget général de l’État qui affiche un déficit abyssal. D’où le mécontentement des parlementaires qui dénoncent l’opacité qui entoure la gestion de ces caisses.
Réforme
Mais cette année, des modifications de taille ont été introduites sur le mode opératoire de ces caisses, ce qui devrait changer la donne. En effet, de nouvelles règles sont ainsi introduites par la loi organique relative à la loi de Finances, à l’effet de mieux définir les champs d’intervention des CST et, particulièrement, la catégorie des CAS qui s’adjuge le plus grand paquet. Ainsi, «les comptes ne pourront prendre en charge que les dépenses relatives à la réalisation de programmes, projets ou actions de développement. Ils ne peuvent supporter les dépenses résultant du paiement des traitements, salaires ou indemnités à des fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités territoriales, ainsi qu’au personnel des établissements et entreprises publics (EEP)», lit-on dans le rapport sur les Comptes spéciaux du Trésor qui accompagne le projet de loi des finances 2017.
Le document précise aussi que le versement de crédits par prélèvement sur compte d’affectation spéciale au profit d’un CST ou d’un Service de l’État, géré de manière autonome (Segma), n’est plus autorisé. «L’objectif étant de rationaliser la gestion desdits comptes et de réserver les crédits disponibles à la réalisation des opérations et actions de développement programmées», poursuit le document. Autre mesure phare, les CAS, dont les recettes affectées n’auraient pas atteint 40% de l’ensemble de leurs ressources, à compter de la 3e année de leur création ou ceux qui n’auraient réussi à réaliser aucune dépense pendant trois années consécutives à leur création, seront proposés à la suppression afin de garantir l’existence de moyens financiers suffisants à la mise en œuvre des programmes et projets pris en charge totalement ou partiellement par les CSA. Enfin, les projets d’opérations programmées dans le cadre des CAS sont présentés aux commissions parlementaires concernées, en accompagnement des projets de budgets des départements ministériels ou institutions auxquels ils se rattachent. Une disposition qui devrait faire plaisir aux élus de la nation…
Regroupement
L’analyse de l’évolution des Comptes spéciaux du Trésor fait ressortir une réduction de leur nombre. Il a connu une baisse sensible au cours des dernières années, passant de 156 en 2001 à 75 en 2008, sous l’effet d’une logique de rationalisation et d’efficience, avant d’enregistrer une stabilité relative durant la période 2009-2015. Entre 2015 et 2016, ce nombre s’est inscrit dans une tendance baissière avec la suppression des comptes d’affectation spéciale intitulés «Fonds de péréquation et de développement régional» et «Fonds des tabacs pour l’octroi de secours», ainsi que des comptes de dépenses sur dotations intitulés «Fonds spécial de développement régional» et «Fonds de développement des collectivités locales et de leurs groupements». Et ce, en dépit de la création des comptes d’affectation spéciale intitulés «Fonds de mise à niveau sociale» et de «Fonds de solidarité interrégionale». Par ailleurs, 15 CST ont été modifiés en 2016, afin d’adapter leurs textes juridiques aux nouvelles dispositions de la loi organique, notamment ceux qui émettaient ou recevaient des versements à partir d’un CAS ou d’un Segma.