Rentrée parlementaire : Les «bureaucrates» rappelés à l’ordre

La première année de la 10e législature sera certainement marquée par le grand chantier de la réforme administrative, après que le mot d’ordre du précédent mandat ait été celui de la réforme constitutionnelle. Les relations entre les administrés et l’État doivent absolument se détendre pour que le changement politique initié et vécu depuis la Constitution de 2011 soit ressenti par les citoyens.
Après la sonnette d’alarme tirée, durant le précédent mandat, au sujet de l’état déplorable de l’enseignement et du cadre de vie au sein de la ville de Casablanca, l’ouverture de la nouvelle session parlementaire a été l’occasion, pour le souverain, de soulever l’un des problèmes à l’origine de la crise de confiance qui persiste entre l’État et le citoyen, à savoir le rendement de l’administration. Pour le souverain, la question devient encore plus pesante, durant cette étape de mise en œuvre de la Constitution de 2011, et a pour la première fois souligné le devoir de l’État d’assurer un service public de qualité aux usagers, mais aussi aux contractants de la puissance publique.
Avec son franc-parler habituel devant les députés, le roi n’a pas voulu étaler un chef d’inculpation pur et dur envers les administrateurs de l’État, mais a procédé selon une démarche qui met, encore une fois, le civisme au cœur de la problématique de l’efficience des rouages administratifs. «L’étape que nous abordons est autrement plus importante que les précédentes. Elle induit la nécessité de se pencher sérieusement sur les questions et les préoccupations réelles des citoyens, d’impulser l’action des services publics de l’Administration et d’améliorer la qualité de ses prestations», a indiqué le roi pour attirer l’attention sur l’importance de la vitesse d’exécution et de l’esprit d’équité, qui manquent cruellement au sein de plusieurs services, qu’ils soient destinés aux usagers nationaux, aux MRE ou aux entreprises. Outre la facilitation des procédures qui reste fragmentée et n’arrive pas encore à toucher les grands services publics, le malaise des citoyens provient essentiellement de l’absence de modalités de recours efficace, poussant certains d’entre eux à demander l’intervention personnelle du roi pour pouvoir échapper à la machine aveugle des abus administratifs. «Si certains ne comprennent pas que des citoyens s’adressent à leur roi pour régler des problèmes et des questions simples, c’est qu’il y a maldonne quelque part», a noté le souverain à propos de cette logique implacable autour d’une frange importante des bureaucrates des administrations publiques.
Cette montée jusqu’au sommet de la hiérarchie de l’État vide le processus de déconcentration et de régionalisation de toute sa substance. Le roi a mentionné plusieurs entraves qui se dressent encore devant les administrés, malgré l’insistance du souverain à maintes reprises sur le fait que le nouveau concept d’autorité doive émaner des membres les plus influents au sein du circuit administratif, qui parfois usent de la «politique de la chaise vide» pour échapper soit à la motivation de leurs décisions, soit à exprimer leur incapacité à expliquer la médiocrité des services rendus aux citoyens. «L’Administration souffre essentiellement d’une culture ancienne chez la majorité des Marocains. Elle représente, pour beaucoup d’entre eux, un abri qui leur garantit un salaire mensuel, sans avoir à rendre compte de leur performance», a indiqué le roi pour résumer l’hypertrophie des problèmes rencontrés par les Marocains avec les administrations publiques.
Les solutions pour baliser le chemin de la réforme administrative
Le discours royal devant les députés n’a pas uniquement emprunté la voie de la critique. Plusieurs pistes ont été indiquées par le souverain en vue de mettre le train de la réforme administrative sur les rails, à commencer par reproduire le modèle des plans sectoriels. Ceci requiert essentiellement la formation des fonctionnaires, qui sera le meilleur rempart contre la mentalité qui prévaut au sein des principaux services. En contrepartie de la reddition des comptes et des sanctions disciplinaires qui seront mises en œuvre, les fonctionnaires devront évoluer au sein d’un climat de travail incitatif, qui respecte la dignité des fonctionnaires d’abord, avant celle des usagers. Les horizons ouverts par l’administration électronique doivent pour leur part dépasser le cadre restreint qui domine actuellement, et qui fait que certain services névralgiques de l’État échappent encore aux NTIC. Cet isolement, selon le roi, est la source de la corruption et du trafic d’influence dénoncés par les usagers, difficiles à combattre par les recours hiérarchiques ou judiciaires.
Les problèmes qui peuvent être surmontés
• La non proportionnalité des dédommagements octroyés pour certaines affaires liées à l’expropriation pour cause d’utilité publique
• Les problèmes de communication et l’absence d’accueil digne des usagers des services publics
• La lourdeur inexplicable pour obtenir des certificats, même en fournissant les documents demandés dans les délais imposés par les procédures
• Les consulats confondent les exigences du contrôle tatillon avec l’absence de dispositif de suivi des dossiers des MRE ainsi qu’avec l’imputation des erreurs commises aux seuls administrés
• Le Code de la famille reste la parfaite illustration de la méconnaissance du droit d’information qui incombe aux services administratifs envers les MRE, 12 ans après l’entrée en vigueur de cette loi
• L’effet inverse des guichets uniques, qui a fini par devenir un guichet unique pour encombrer les investisseurs de documents supplémentaires
• Le gel des dispositions de la lettre royale relative à la régionalisation de l’acte d’investir, 14 ans après sa publication