Politique nationale migratoire : Encore du pain sur la planche
Trois ans après le lancement de la politique nationale d’immigration et d’asile, de grandes avancées ont été enregistrées. Il s’avère désormais nécessaire d’inscrire les réalisations dans la durée et d’accélérer la cadence des actions.
Le Maroc a commencé à construire un nouveau système de gouvernance en matière de gestion de la migration, pour reprendre l’expression de certains participants à la conférence dédiée à l’évaluation de la stratégie migratoire du Maroc, tenue vendredi dernier à Rabat. Le bilan dressé ressort globalement positif. A cette rencontre, le ministre chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, Anis Birou (photo), affichait la mine des grands jours. Le ministre a souligné que l’heure n’est pas seulement à l’énumération des réalisations, mais aussi à l’évaluation des insuffisances et des dysfonctionnements afin de pouvoir accélérer le rythme des actions et dépasser les obstacles actuels et futurs. «Le chemin à parcourir reste encore long», a-t-il précisé.
Les défis sécuritaire et humanitaire
Parmi les grands enjeux, celui du défi sécuritaire. À ce titre, les autorités marocaines ont déployé de grands efforts, comme l’a souligné Noureddine Boutayeb, wali-secrétaire général du ministère de l’Intérieur. L’approche sécuritaire a été renforcée pour resserrer l’étau autour des réseaux criminels transnationaux de trafic d’êtres humains au niveau des frontières terrestres et à travers le renforcement des opérations maritimes. Le combat contre les passeurs et les trafiquants, depuis 2013, a donné ses fruits. Il a, en effet, permis d’appréhender quelque 320 réseaux criminels.
Outre l’approche sécuritaire, le volet humanitaire est au centre de la politique de l’immigration. L’intégration des migrants est une condition sine qua none pour la réussite de toute stratégie migratoire. À cet égard, tout le monde s’accorde sur la nécessité de garantir aux enfants des migrants le droit d’accès à l’école. Le nombre des étrangers bénéficiaires du système scolaire formel au Maroc au titre de l’année scolaire 2015/2016 est de 6.905 élèves dont 3.326 filles soit 48,16% de l’effectif inscrit. Il reste encore un grand effort à déployer pour généraliser l’accès des migrants à l’enseignement. Des actions seront déployées pour une meilleure mise en application de la circulaire du ministère de l’Éducation nationale autorisant les immigrés et les réfugiés à accéder aux écoles publiques et privées et à l’éducation formelle au Maroc, indépendamment de leur situation administrative.
L’information sera davantage diffusée, notamment auprès des parents immigrés et réfugiés qui ne sont pas informés de la circulaire. D’autres actions seront axées sur la sensibilisation et l’orientation ainsi que l’accompagnement auprès des directeurs d’établissements pour intégrer les parents d’enfants immigrés et réfugiés et les orienter. Pour favoriser la réussite des enfants d’immigrés, des classes de soutien scolaire ont été organisées grâce au partenariat tripartite entre le ministère des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, le département de l’Éducation nationale et la société civile. À ce titre, les associations jouent un rôle important dans l’opération d’intégration des migrants. Le président du Conseil national des droits de l’Homme, Driss El Yazami, appelle à doter les associations chargées des affaires de la migration des moyens nécessaires afin qu’elles puissent atteindre les objectifs escomptés dans tous les domaines.
Insertion socio-économique… état des lieux
Parallèlement à l’enseignement des enfants, les immigrés ont de grandes attentes, dont l’insertion socio-économique. La formation professionnelle est la pierre angulaire de ce processus. Le secteur est ouvert aux migrants au même titre que les Marocains. Quelque 660 migrants dont 50% des femmes ont bénéficié en 2014/2015, dans le cadre de partenariats avec les ONG, des formations dans plusieurs domaines (hôtellerie, cuisine, pâtisserie, informatique, bâtiment, éducation des enfants, entrepreneuriat, accompagnement et création de coopératives et d’activités génératrices de revenus. Les migrants bénéficient aussi des services dispensés par l’ANAPEC.
Cependant, il reste encore un long chemin à parcourir en matière d’insertion professionnelle des immigrés. La phase pilote lancée le 20 octobre 2015 au niveau de cinq agences de l’ANAPEC a permis l’insertion de seulement huit migrants dans le marché de l’emploi. Pour pouvoir améliorer la connaissance de la situation de l’emploi des migrants et leur profil, une étude pilote sur la sociologie et l’employabilité des migrants dans l’axe Casablanca-Rabat a été menée avec le concours de l’Agence de coopération allemande. Selon cette étude, 60% de la population a actuellement une activité professionnelle dont la majorité dans le secteur informel. La population interrogée souhaite rester au Maroc pour retrouver la stabilité recherchée. Les principaux domaines de compétences sont la coiffure et l’esthétique, la couture, l’informatique, la boulangerie, la pâtisserie, la restauration et le commerce .
Appui des Agences des Nations unies à la stratégie marocaine
Les organisations internationales sont appelées à participer à la concrétisation des objectifs de la stratégie nationale de l’immigration et de l’asile. Dans ce cadre, le ministre chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, Anis Birou, le coordonnateur résidant du système des Nations unies au Maroc, Philippe Poinsot, et la cheffe de la mission de l’organisation internationale de la migration, Ana Fonseca, viennent de signer un accord pour le lancement d’un programme conjoint en appui de la stratégie nationale. Une enveloppe budgétaire de 13 millions de dollars sera mobilisée à l’horizon 2021 par le Système des Nations unies au Maroc. Un fonds commun a été mis en place dans le cadre du programme conjoint. L’objectif est de renforcer les capacités des autorités marocaines en matière de gestion migratoire en termes de gouvernance, d’éducation, d’assistance aux migrants et réfugiés vulnérables, d’insertion professionnelle, de traite des êtres humains et de coopération Sud-Sud.