Les dossiers à caractère administratif dominent
Les affaires d’ordre administratif arrivent en tête des doléances que reçoit l’Institution du médiateur. Il s’agit d’une tendance structurelle, selon le médiateur du royaume, Abdelaziz Benzakour, qui est à la tête de cette institution qui a succédé à Diwam Al Madhalim en mars 2011.
Les Inspirations ÉCO : Pensez-vous que les citoyens ont bien assimilé les missions de votre institution ?
Abdelaziz Benzakour : L’assimilation par les citoyens de la mission de l’institution se fait progressivement en raison du caractère novateur de la médiation administrative institutionnelle, qui se différencie du concept classique et traditionnel d’ordre essentiellement judiciaire.
Mais grâce aux campagnes de communication multiples et diversifiées, le citoyen est de plus en plus au fait du rôle et de la mission de cette intermédiation administrative actuellement inspirée du modèle européen de ces dernières décennies.
Quelle est l’issue des doléances ne relevant pas de la compétence de l’institution ?
Les doléances ne relevant pas de la compétence du médiateur sont orientées, après leur examen approfondi, vers les instances officielles concernées, et leurs auteurs reçoivent toutes les indications nécessaires pour leurs nouvelles démarches, grâce à l’information susceptible de les aider dans leurs réclamations.
L’Institution du médiateur note, dans son dernier rapport, une progression des affaires à caractère administratif, suivies des dossiers relatifs au foncier, puis de ceux ayant trait au volet financier. Cette tendance se confirme-t-elle en 2015 et 2016 ?
Cette tendance est structurelle puisqu’elle traduit la prépondérance des dossiers à caractère administratif relevant pour la plupart du département de l’Intérieur et surtout des collectivités territoriales sous contrôle. Mais leur nature n’est pas homogène. Elle est très variée, allant du règlement d’une situation administrative du personnel à des contentieux plus substantiels, tels que, par exemple, des voies de fait, à savoir la mainmise sur des propriétés foncières en dehors des procédures légales d’expropriation pour utilité publique.
Quel regard portez-vous sur l’examen des plaintes par l’administration, qui connaît un retard et où se situe l’urgence en matière de dysfonctionnements à dépasser ?
Pour ce qui est des dysfonctionnements administratifs à l’origine des retards, les administrations sont relancées après écoulement du délai qui leur est fixé et, grâce à la présence, dans les différents départements, d’interlocuteurs permanents auprès des services de l’institution, on arrive à un meilleur suivi et à accélérer le traitement des plaintes. L’existence, par ailleurs, de commissions mixtes entre l’Institution du médiateur et les principales administrations à l’origine des retards aide à résoudre les problèmes épineux et les litiges restés longtemps en souffrance.
Quelle place occupe le volet des auto-saisines pour votre institution ?
L’auto-saisine est une nouvelle attribution du médiateur, lorsqu’il constate des difficultés pour l’usager à le saisir directement par ses propres moyens. Il pourrait généralement intervenir, de manière spontanée, en cas de catastrophe intervenue dans une région du territoire national, ou bien un problème concernant toute une catégorie de la population et dont il a eu l’occasion d’avoir connaissance, et non seulement un litige spécifique concernant un particulier pouvant l’en informer par voie de plainte personnelle.
Dans ce cas, le médiateur intervient spontanément pour prendre en charge le dossier aux fins de le traiter également dans les meilleures conditions possibles.
La place de l’auto-saisine reste quand même marginale, à l’heure actuelle, car elle suppose une veille permanente, une présence accrue et beaucoup moins de plaintes particulières.
Cependant, l’implantation régionale programmée vise le développement du recours à ce mécanisme très utile.
L’Institution du médiateur et le Conseil national des droits de l’Homme ont certaines attributions qui se ressemblent. Comment évitez-vous le chevauchement avec certaines missions du CNDH ?
Les deux institutions agissent séparément, chacune dans le domaine de sa propre compétence, mais sont complémentaires dans le cadre de la saisine réciproque légalement établie entre les deux institutions. Le médiateur du royaume n’examine que les plaintes à caractère administratif à l’occasion de différends entre usagers et administrations, tandis que le CNDH s’intéresse davantage, voire exclusivement, aux plaintes relatives aux atteintes aux droits de l’Homme (dignité et respect de l’intégrité physique des plaignants …).
Les natures des plaintes ne sont pas homogènes
Le dernier rapport rendu public par l’Institution du médiateur souligne que la répartition par nature des plaintes confirme l’augmentation des affaires à caractère administratif, suivies des plaintes ayant trait à des problèmes fonciers, puis celles relatives à la non-exécution des jugements définitifs et celles à objet financier. La majorité des affaires d’ordre administratif portent quasiment sur les régularisations de situations financières et administratives des fonctionnaires, l’expropriation pour cause d’utilité publique, la voie de fait, l’inexécution des jugements par les administrations, des requêtes relatives aux pensions civiles et militaires, le règlement des arriérés de marchés publics de travaux et de fournitures, le refus de délivrance de documents administratifs, les demandes de relogement dans le cadre de projets sociaux, l’établissement de plans d’aménagement et l’obtention de bourses d’étude.
Le rapport fait état de bon nombre de dysfonctionnements: la non-exécution des jugements à l’encontre des administrations, les voies de fait, les conséquences des plans d’aménagement, le refus de délivrance d’attestations administratives ou de régularisation de situations matérielles, le retard ou la contestation du versement des sommes dues aux entreprises pour travaux supplémentaires effectués en dehors du marché conclu, les malversations relevées dans les caisses des tribunaux, les salaires réclamés par les enseignants suppléants, la responsabilité de l’administration dans les opérations de relogement, la mise en œuvre d’une véritable déconcentration administrative…
Le médiateur, rappelons-le, a pour mission d’examiner des cas où le comportement de l’administration s’avère contraire à la loi et aux principes de justice et d’équité et de recevoir les plaintes et doléances relatant les cas qui lui porteraient préjudice en raison de tout acte de l’administration considéré comme contraire à la loi, notamment entaché d’excès ou d’abus de pouvoir ou contraire aux principes de justice et d’équité. Il est également chargé de contribuer à l’enracinement des valeurs de la gouvernance dans le gestion des services publics ainsi que de la médiation et la conciliation entre l’administration et les usagers.