Maroc-Union africaine : Le grand retour
Le retour du Maroc dans l’Union africaine permettra au royaume de défendre son intégrité territoriale au sein de l’institution continentale. Fort du soutien de ses alliés, la partie marocaine pourra s’y imposer rapidement sur plusieurs fronts en partageant son modèle de développement avec l’ensemble des pays membres.
Se défendre de l’intérieur
32 ans après sa sortie de l’OUA, le Maroc amorce son retour vers la plus haute instance continentale, entre-temps devenue Union africaine (UA). Le royaume, dont le départ avait été effectif suite à la reconnaissance de la «RASD» par l’OUA en 1982, veut regagner la grande famille panafricaine. Cette réintégration permet à la partie marocaine d’ouvrir un front interne au sein de l’UA, afin de venir à bout de la quinzaine de pays qui apportent encore leur soutien à cette «entité» non reconnue par l’ONU. Ces pays (voir carte), essentiellement anglophones, sont menés par l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Nigeria, qui forment un bloc puissant dans l’union, car ils en étaient jusque-là les principaux contributeurs financiers. En face, les pays francophones, qui ont toujours publiquement souhaité le retour du Maroc afin de le «défendre de l’intérieur», réaffirment leur disposition à rester fidèle à leur partenaire. En plus des tractations bilatérales sur le plan diplomatique, la bataille se passera surtout au niveau de la Commission de l’UA. Sur ce point, le profil du futur président de la Commission sera déterminant. Lors du 27e Sommet qui s’est achevé hier à Kigali, les présidents africains n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les 3 candidats à la succession de la Sud-africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma. L’élection du nouveau président est reportée au prochain sommet, prévu en janvier 2017.
Éviter les blocages
Si l’amorce de la réintégration du Maroc dans l’UA est globalement saluée sur le continent, certains observateurs ne manquent pas d’y voir une possible source de blocage au sein de la poussive institution continentale. Les craintes portent notamment sur la possible focalisation des débats par le Maroc sur l’exclusion de la «RASD», au détriment des grands dossiers de l’UA. Ce scénario est souvent la règle lors des événements où le royaume croise les délégués de la «RASD». Ce fut notamment le cas fin mars dernier à Addis-Abeba, lors de la «Semaine du développement africain» co-organisée par l’UA et la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA). Lors de ce grand rendez-vous, les travaux avaient été considérablement retardés par un clash entre le Maroc et l’Union africaine (www.leseco.ma). Une fois le processus de réintégration achevé, le royaume veillera certes à défendre son intégrité territoriale, mais devra en même temps adopter une démarche «soft» pour éviter d’apparaître comme un facteur de blocage au sein de l’UA.
Miser sur l’expertise marocaine
Dans son message adressé à l’UA, le roi Mohammed VI a insisté sur la présence du Maroc en Afrique malgré son départ de l’institution panafricaine. Le souverain a ainsi indiqué que «par ce retour, le Maroc entend poursuivre son engagement au service de l’Afrique et renforcer son implication dans toutes les questions qui lui tiennent à cœur». Le royaume «s’engage», selon le chef de l’État, «à contribuer, de manière constructive, à l’agenda et aux activités de l’UA». C’est une évidence que l’apport du Maroc peut contribuer à donner plus d’efficacité à l’action de l’UA. Dans un contexte où les principaux contributeurs de l’institution sont confrontés à de sérieuses difficultés financières, le royaume, dont l’économie dépend moins de la rente pétrolière, inspire de nombreux États africains de par son modèle de développement. Le retour à l’UA permettra de partager cette expertise dans plusieurs secteurs, notamment en termes de développement humain et de mise à niveau des infrastructures.
Ismaila Nimaga
Ambassadeur de la République centrafricaine au Maroc, doyen du corps diplomatique
Les Inspirations ÉCO : Comment interprétez-vous la demande du Maroc de retourner au sein de l’UA ?
Ismaila Nimaga : C’était notre souhait à tous et celui du Maroc. Tous les pays frères et amis du Maroc voulaient restituer les choses dans leur contexte. Personnellement, j’œuvre depuis 2010, en tant qu’ambassadeur de la Centrafrique au Maroc, en faveur du retour du royaume dans l’Union africaine. J’ai amené mon gouvernement à prendre une position radicale sur ce dossier, en apportant son soutien au Maroc. C’est également le cas de l’ensemble des pays amis du Maroc, qui constituent un bloc solide.
Pensez-vous que le bloc opposé au Maroc facilitera ce retour ?
Il faut dire que c’est à cause de l’attitude de certains pays du continent que le Maroc a toujours refusé de regagner son siège à l’Union africaine. Ils essaient d’embrigader d’autres États, mais nous restons fidèles à notre position vis-à-vis du Maroc. Même si ce bloc ne lâche pas, il faut que l’UA prenne ses responsabilités et fasse preuve du courage politique qui s’impose.
Avec le retour envisagé parle Maroc, la «RASD» doit-elle continuer de siéger à l’UA ?
La décision d’intégrer cette entité alors que son sort était encore discuté sur le plan international, à savoir au niveau des Nations Unies, reflète un manque de prudence de la part de l’OUA (ancêtre de l’UA) alors que le Maroc en était un membre fondateur. Le moment est venu de rectifier le tir et notre bloc restera solidaire avec le Maroc.