Maroc

Orientation : le talon d’Achille du système éducatif

Une fois leur bac en poche, de nombreux jeunes se retrouvent face à un choix déterminant, celui de l’orientation. Pourtant, entre décisions précipitées ou encore manque d’accompagnement, des erreurs d’aiguillage peuvent se produire, au point de compromettre des parcours entiers. Dans un contexte où le capital humain est un enjeu stratégique, le Maroc doit repenser son système d’orientation, encore largement perfectible, pour mieux guider sa jeunesse vers des choix éclairés et durables.

Après avoir décroché le baccalauréat, bien des perspectives s’offrent aux nouveaux bacheliers, mais comment être sûr qu’il s’agit bien du bon choix. En effet, opter pour une orientation post-bac reste une décision fondatrice qui détermine souvent l’ensemble d’un parcours de vie.

Or, le choix judicieux continue de poser problème à de nombreux jeunes. Chaque année, ils sont des dizaines de milliers à s’engager dans une filière, souvent par défaut, par mimétisme ou sur un conseil non éclairé, pour finalement faire machine arrière après un ou deux ans d’études, voire, dans certains cas, après avoir achevé tout le cursus.

Ce phénomène n’est ni marginal ni anecdotique. Il traduit les lacunes persistantes dans le système d’accompagnement à l’orientation et révèle les limites d’une architecture éducative encore largement perfectible. L’ampleur du malaise est bien réelle. Une étude récente (à l’international) a mis en lumière un chiffre alarmant : un jeune sur deux, âgé entre 18 et 24 ans, estime s’être trompé d’orientation après le bac. Ce constat résonne d’autant plus fort que le pays fait face à des enjeux cruciaux de capital humain.

Lorsque la moitié d’une génération ressent un écart entre ses aspirations, ses aptitudes et le cursus engagé, c’est l’efficacité globale du système éducatif qui est remise en question. Ce décalage, bien souvent synonyme de démotivation et de décrochage, alimente une spirale d’échec que ni les établissements ni les familles ne parviennent à endiguer durablement.

Le privé a pris place
Le dispositif public d’orientation s’est certes étoffé ces dernières années. La plateforme Tawjihi, devenue centrale dans le processus d’admission aux établissements à accès régulé, a permis d’introduire une forme de rationalisation et de transparence. Mais malgré ses mérites, elle ne répond que partiellement aux besoins des élèves. Elle informe, mais elle n’accompagne pas. Elle centralise les choix, mais elle ne guide pas. Et ce manque de suivi personnalisé constitue l’un des angles morts du système.

Dans ce vide, de nouveaux acteurs ont émergé, en particulier dans le secteur privé. Plusieurs établissements supérieurs, notamment des écoles de commerce et d’ingénierie, ont pris conscience de la nécessité d’investir dans l’accompagnement en amont de l’inscription. Des sessions de coaching, des bilans d’orientation, des tests d’aptitude, des rencontres avec des professionnels, autant d’initiatives qui visent à mieux cerner les attentes des futurs étudiants et à leur proposer un parcours plus adapté.

Cette démarche proactive, portée autant par un impératif pédagogique que par une logique commerciale, vient partiellement pallier l’absence d’une politique d’orientation structurée au niveau national. Les cabinets spécialisés, eux aussi, occupent un rôle croissant. Ils interviennent parfois dès la première année du lycée, proposant des diagnostics approfondis, basés sur l’analyse des traits de personnalité, des intérêts professionnels et des compétences cognitives.

L’objectif est clair, éviter l’orientation par défaut. Ces structures, souvent onéreuses et donc difficilement accessibles à toutes les franges sociales, introduisent cependant une culture nouvelle, fondée sur l’écoute, la projection et la connaissance de soi. Elles montrent que l’orientation ne peut plus être un acte isolé, figé au seuil du bac, mais doit s’inscrire dans un processus continu d’accompagnement.

Nécessité d’une stratégie
La question de l’orientation ne saurait être dissociée de celle de l’offre de formation elle-même. Très souvent, les choix s’opèrent en fonction de la notoriété des établissements, du prestige supposé d’un diplôme ou de la promesse d’une carrière stable, sans réel lien avec les compétences des élèves ou les besoins du marché du travail.

Cela explique en partie la surreprésentation dans certaines filières, comme le droit, les lettres ou les sciences économiques, et la sous-représentation chronique dans d’autres secteurs pourtant porteurs, tels que l’agro-industrie, la cybersécurité ou les métiers du soin. Le désajustement entre l’orientation des jeunes et les priorités économiques du pays contribue à fragiliser encore davantage l’employabilité des futurs diplômés. Face à ce constat, plusieurs recommandations s’imposent. Il est essentiel, tout d’abord, de revaloriser le rôle des conseillers d’orientation dans les lycées.

Aujourd’hui peu nombreux et souvent cantonnés à une mission administrative, ces professionnels devraient bénéficier d’une formation continue et être mieux intégrés dans la vie scolaire. Ensuite, il est impératif de renforcer les liens entre les établissements d’enseignement secondaire et le monde universitaire afin de mieux faire connaître les débouchés, les exigences et les réalités des cursus. Enfin, une coordination plus étroite avec le tissu économique permettrait d’ancrer les choix d’orientation dans une logique d’insertion professionnelle durable.

L’orientation post-bac ne peut plus être laissée au hasard ou à l’intuition. Elle nécessite une stratégie nationale, partagée entre les pouvoirs publics, les institutions éducatives et les acteurs privés, pour accompagner chaque jeune dans un choix éclairé, cohérent et porteur de sens. Car il ne s’agit plus simplement de choisir une filière, il s’agit de construire un avenir.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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