Système financier : Le warning de Bank Al-Maghrib
Dans le cadre de sa mission de surveillance des risques systémiques pesant sur le système financier, Bank Al-Maghrib vient de rendre public un rapport qui dresse un état des lieux de l’exercice 2015. Principaux développements macroéconomiques sur le plan international et leurs impacts sur le système financier, situation financière des ménages et entreprises et leur aptitude à respecter leurs obligations financières, principaux risques afférents au secteur bancaire et aux régimes de retraite… Un document riche en enseignements. Tour d’horizon.
Les ménages, endettés jusqu’au cou !
Avec un patrimoine de 700 MMDH en 2015, les ménages marocains demeurent fortement endettés. Leur dette financière culmine à 297 MMDH, en croissance de 5,1% en 2015 contre 4,8% un an auparavant. Le ratio de cette dette rapportée au PIB s’est établi à 30%, niveau quasi similaire à celui de l’année 2014. «Comparé à d’autres économies, ce ratio est situé à un niveau plus élevé que celui des pays en développement et émergents, et demeure en deçà des niveaux observés dans les économies avancées», observe la Banque centrale. La répartition de la dette financière des ménages est demeurée généralement stable. En moyenne, les crédits à l’habitat en constituent près de 64% contre 36% environ pour les crédits à la consommation. Les crédits contractés par les ménages pour financer l’achat de biens immobiliers ont poursuivi leur rythme baissier entamé depuis 2010. Leur croissance est revenue de 6,7% en 2014 à 5% en 2015, du fait notamment d’un repli de 1,6% de la nouvelle production du crédit qui a totalisé près de 27 MMDH à fin 2015. Ce ralentissement intervient, cette année, dans un contexte caractérisé par une baisse de 3,5% des ventes des biens immobiliers résidentiels, concomitante à une hausse de leur prix de 0,9%.
Entreprises, une ardoise de 696 MMDH
L’endettement financier des entreprises non financières (publiques et privées) s’élève à 696 MMDH, soit 71%. La dette financière des entreprises privées s’est repliée pour représenter 48% du PIB à fin 2015, alors qu’elle se situait à 52% un an plus tôt. Mais en dépit de cette lourde ardoise, les défauts de remboursement sont en recul. Ainsi, après des hausses significatives enregistrées au cours des quatre dernières années, les défauts des entreprises non financières voient leur rythme de progression ralentir à 10,6%, en 2015, pour totaliser 44 MMDH. Après s’être établi à 8,6%, le ratio de ces défauts par rapport à la dette bancaire des entreprises a augmenté à 9,7%, accentué par la baisse du volume des crédits. Par secteur d’activité, les défauts des entreprises ont évolué à des rythmes différenciés. Les dettes en souffrance du secteur du BTP ont progressé de 5%, en net ralentissement par rapport à 2014. Celles détenues sur les entreprises opérant dans le secteur industriel ont augmenté de 24%, en lien avec les difficultés de certaines branches. Les défauts des entreprises du secteur de l’Hôtellerie ont affiché, quant à eux, une baisse de près de 1%, après une forte hausse de 63% en 2014.
Banques, alerte sur les «grands débiteurs»
La Banque centrale met en garde contre les engagements bilan portés par les banques sur les «grands débiteurs» (crédits dépassant 5% des fonds propres) qui ont cumulé 54% des crédits accordés aux entreprises en 2015. En intégrant les engagements hors-bilan portés par les banques, ces dettes représentent près de trois fois leurs fonds propres, en retrait par rapport à 2014 où elles se situaient à 3,4 fois et à la moyenne enregistrée entre 2004 et 2013 de 3,5 fois. Cette baisse s’explique notamment par le processus de désendettement de certains grands débiteurs en difficulté, notamment ceux opérant dans le secteur de la promotion immobilière. «Quoiqu’en baisse, le niveau de ces engagements reste important, résultant notamment de l’accroissement des expositions des banques sur certains grands groupes sans disposer d’éléments complets sur leur situation financière consolidée et sur leur recours à la dette privée», alerte Bank Al-Maghrib. D’ailleurs, elle a entrepris une réforme visant à améliorer la transparence financière des groupes d’entreprises vis-à-vis des banques. Par ailleurs, les créances en souffrance portées par les banques se sont accrues de 9,2% en 2015, après 20% en 2014, pour atteindre 57,7 MMDH, ramenant ainsi le ratio des créances en souffrance à 7,4% contre 6,9% en 2014 et 5,9% en 2013. Autre indicateur inquiétant, les créances classées dans la catégorie compromise constituent 77% du total des créances en souffrance. Leur part a ainsi largement augmenté d’une année à l’autre, soit un additionnel de 5,6 MMDH enregistré depuis la fin de l’année 2014.
Assurances, un «risque de contrepartie»
De son côté, le secteur des assurances, qui a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires, mesuré par les primes émises, de 30,4 MMDH, en progression de 7%, fait face à plusieurs menaces. Selon la Banque centrale, le secteur encourt un risque de contrepartie lié à son exposition à certains émetteurs en matière de placements. En effet, ladite exposition atteint dans certains cas 30% des fonds propres du secteur. En moyenne, 27% des parts des cessionnaires sont garanties par des dépôts, 73% sont cédées à la Société centrale de réassurance (SCR), qui bénéficie de la garantie de l’État, et 2% sont portées par des réassureurs étrangers dont la quasi-totalité bénéficie d’une notation BBB et plus. Les rétrocessions effectuées par la SCR sont, quant à elles, effectuées à hauteur de 81% auprès de réassureurs disposant d’un rating de AA- et plus. L’exposition des compagnies d’assurances au risque d’impayés provenant des assurés et des intermédiaires d’assurances est restée quasiment stable. En effet, les parts de ces impayés dans les fonds propres s’élèvent en 2015 à, respectivement, 19,3% et 12,9%. Les actifs liquides des compagnies d’assurances ont représenté près de 2,5 fois leurs passifs exigibles, reflétant une forte capacité à couvrir leurs éventuelles sorties de trésorerie.
Régimes de retraite, déséquilibre technique
«L’équilibre technique des régimes de retraite reste globalement précaire et dénote de la sous-tarification des droits accordés dans le cadre de ces régimes», note la Banque centrale. Ce constat se manifeste à travers les niveaux faibles des taux de préfinancement (31% pour le régime des pensions civiles (RPC), 32% pour la CNSS et 46% pour le RCAR). S’agissant de la CIMR, et bien que son taux de préfinancement se situe à 71%, son équilibre technique reste sensible au facteur démographique de par le caractère facultatif du régime. Les réserves de la CIMR devraient rester positives tout au long de la période de projection. Celles des régimes obligatoires s’épuiseront à des horizons différents. Le cas du RPC est critique puisqu’il a enregistré un déficit technique pour la deuxième année consécutive avec un épuisement prévu de ses réserves en 2022. Les réserves du RCAR s’épuiseront en 2038 contre 2039 pour la CNSS. Le solde global du RCAR et celui de la CNSS devraient se maintenir positifs jusqu’en 2020 pour le premier et 2023 pour le second. Pour le cas du RPC, la gestion financière de ses réserves ne permet plus d’absorber le déficit technique du régime, conduisant ainsi à un déficit du solde global à partir de 2016.