Migration : Ilias… un aller simple vers l’Europe

Ils sont des centaines de Marocains à avoir tenté la traversée vers l’Europe, depuis la Turquie. Ilias Meziani, 19 ans, est mort durant ce voyage. Récit d’un voyage meurtrier.
Ilias Meziani, 19 ans, est mort pour son rêve d’Europe et de vie meilleure. Le voyage de ce jeune originaire de Nador commence en novembre 2015. Il quitte le Maroc vers la Turquie depuis l’aéroport Mohammed V, à Casablanca. «Ils étaient plusieurs à faire le voyage ensemble», raconte un membre de la famille, joint par téléphone par Les Inspirations ÉCO.
Des passeurs marocains en Turquie
À partir d’Istanbul, ce groupe d’amis rejoint la région de Çanakkale, au Nord-Ouest du pays. Le jour J, ils sont emmenés par des passeurs, dont des Marocains, vers le point le plus proche pour faire la traversée de la mer Égée les menant sur l’île grecque de Lesbos. Le groupe réussit la périlleuse traversée. Ilyass et ses amis continuent leur périple pour atteindre la Macédoine, sauf que cet État d’Europe du Sud, situé dans la péninsule des Balkans, décide en août 2015, de fermer sa frontière aux demandes d’asile, provenant d’autres pays que la Syrie et l’Afghanistan. Les ressortissants du Maroc, d’Algérie, de l’Iran, d’Érythrée, de Pakistan ou de Somalie sont considérés venants de «pays sûrs», selon la Macédoine. La frontière est partiellement fermée sur décision gouvernementale et sous la pression de l’Union européenne. L’ambiance est tendue au poste frontière d’Idomeni, situé au Nord de la Grèce. Les Marocains vivent dans des campements de fortune dans des conditions difficiles. La pose d’une clôture métallique par la Macédoine à sa frontière avec la Grèce crée des tensions avec les migrants qui cherchent à gagner l’Europe de l’Ouest. Plusieurs centaines de migrants originaires du Maroc, d’Iran et de Pakistan tentent, le 3 décembre, de se frayer un passage vers la Macédoine. Le 4 décembre dernier, un jeune Marocain est gravement brûlé par électrocution alors qu’il essayait de monter sur le toit d’un wagon.
Portant le corps de l’homme brûlé, un groupe de Marocains s’est avancé vers la frontière en criant : «Allah akbar». La police grecque leur a répondu par des gaz lacrymogènes. Un autre Marocain avait été déjà sévèrement brûlé dans des circonstances similaires, une semaine auparavant, rapportait l’AFP. Ce dernier succombe à ses blessures à l’hôpital de la ville grecque de Kilkis. «On ne sait pas s’il s’agit d’Ilyas ou non, mais les conditions de la mort de mon frère demeurent inconnues», explique le frère du défunt. Depuis trois mois, la famille se bat pour rapatrier le corps de son fils se trouvant à la morgue de cet hôpital. «Nous avons contacté toutes les administrations concernées. Ils nous ont promis que le corps sera rapatrié. Notre attente dure depuis trois mois», regrette-t-il. Ambassade du Maroc en Grèce, ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires migratoires, ministère des Affaires étrangères, Conseil de la communauté marocaine à l’étranger… tous promettent à la famille que le corps sera rapatrié «dans les deux prochains jours». L’ambassadeur du Maroc en Grèce a pris contact avec la famille pour lui confirmer le rapatriement du corps d’Ilias. Selon des sources locales, le transfert se fera aujourd’hui, vendredi 19 février.
Bloqués, les Marocains sont de retour
Environ 2.000 jeunes Marocains auraient quitté le pays, depuis novembre 2015, à destination de la Turquie pour atteindre l’Europe. «Nous n’avons pas de chiffres exacts sur le nombre parti de Nador et ses environs, mais on sait qu’une dizaine de familles n’ont plus de nouvelles de leurs enfants», explique un membre de l’Association marocaine des droits de l’Homme, à Nador. Des jeunes sont aussi partis de Laroui, de Zghenghen, ainsi que de Safi. Le verrouillage des frontières grecques et macédoines obligent un bon nombre d’entre-eux, qui n’ont pas atteint l’Europe de l’Ouest, à rebrousser chemin.
L’Organisation internationale des migrants (OIM) a lancé un programme d’assistance, en ce début février. «À la mi-décembre, nous avons pu lancer ce programme d’urgence, entièrement financé par la Commission européenne», explique Daniel Esdras, directeur de l’OIM à Athènes. «Environ 70 pour cent des demandes proviennent de migrants marocains», a-t-il ajouté. Selon l’OIM, 262 migrants marocains sont retournés au Maroc, au cours des trois premières semaines de cette année, grâce au programme de retour volontaire.
Et l’Organisation s’attend à atteindre environ 1.000 retours volontaires de migrants marocains à la fin du mois de février. «Nos employés se rendent au centre de détention à Corinthe pour expliquer notre programme de retour. Nous faisons la même chose dans les centres d’accueil à Athènes», explique Esdras. En retournant dans son pays, chaque migrant perçoit, 400 euros en guise d’aide à la réinsertion.
Le calvaire des centres de rétention
Plusieurs centaines de Marocains se trouvent dans des centres de rétention en Grèce dans des conditions difficiles. Fouzia El Bayed, député UC, avait mené une campagne pour rapatrier ces Marocains. En 2013, leur nombre était de 495 migrants. Un nombre qui sera en forte augmentation, au vu de la crise migratoire actuelle et l’afflux des migrants depuis la Turquie vers l’Europe. «Les Marocains, vivant dans ces centres, subissent le racisme au quotidien et des maltraitances. Le gouvernement doit assumer ses responsabilités et suivre ce dossier», exige El Bayed.