Logistique : «2016 sera une année charnière»
Dans un environnement mondialisé, le coût de la logistique est un facteur déterminant dans la compétitivité des entreprises. Or, en dépit du lancement d’une stratégie nationale dédiée à la logistique en 2010, l’économie marocaine continue à en pâtir. Le point avec Younes Tazi, DG de l’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL).
Les ÉCO : Quelles sont vos priorités pour 2016 ?
Younes Tazi : Cette année sera une étape importante dans la mise en place de la stratégie logistique nationale. Concernant les zones logistiques, il y a de la visibilité sur les premiers nouveaux projets qui seront lancés dans plusieurs régions, notamment à Casablanca et à Tanger. Dans le cadre de la logistique urbaine, des projets de parkings pour les poids lourds, financés en partenariat avec des acteurs locaux, sont en cours de finalisation. Le besoin en zones logistiques demeure important dans plusieurs régions et nous comptons combler ce manque. Les appels à manifestation d’intérêt pour la sélection des investisseurs qui vont développer des zones dans ces régions seront lancés au cours de l’année. Les volets législatif et réglementaire ne sont pas en reste. Certains maillons de la supply chain doivent être encadrés, nous travaillons donc en étroite collaboration avec des acteurs publics et privés sur un projet de loi pour mettre de l’ordre dans certaine filières de la logistique et donner des conditions favorables aux investisseurs dans ce domaine. Sur ce chantier, nous sommes assistés par une équipe mobilisée par la Banque mondiale et nous souhaitons mettre le texte dans le circuit législatif le plus tôt possible pour adoption cette année.
Une stratégie nationale lancée en 2010, un contrat-programme, plusieurs acteurs dont l’AMDL… Des moyens importants sont déployés, mais les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous ?
C’est une tâche difficile d’évaluer l’évolution d’un secteur comme la logistique. Et si on doit le faire, il n’y a pas mieux que de se référer à des éléments factuels. Je ne dis pas que le secteur a réalisé tous ses objectifs mais on évolue d’une manière importante. D’abord le chiffre d’affaires des acteurs structurés du secteur du transport et de la logistique a augmenté depuis 2010 de 23%, cela fait une évolution de 5,2% chaque année. Sachant qu’il y a une partie non déclarée, émanant de l’informel, qui reste importante. Le deuxième indicateur est celui des investissements. Depuis le lancement de la stratégie nationale, en 2010, ils ont progressé de 30%, ce qui fait que le secteur investit chaque année 5,5MMDH. Il y a d’autres indicateurs qui sont visibles comme la modernisation de la flotte de transport de marchandises, l’amélioration de l’immobilier logistique, les équipements…
Mais en termes de zones logistiques, l’un des objectifs principaux de la stratégie nationale, l’on compte à peine celle de Zenata et de Mita…
La logistique, ce n’est pas seulement ce que va développer l’AMDL ou certains opérateurs. C’est la somme des acquis logistiques du pays. Avant 2010, il n’y avait pas beaucoup de superficies destinées à recevoir la logistique. Aujourd’hui, l’on dispose dans l’ensemble des régions de quelque 550 hectares aménagés prêts à recevoir les investissements logistiques. Pas moins de 200 hectares à Casablanca, le poumon de l’économie nationale et le reste un peu partout sur le territoire national (Tanger, Agadir). Cela dit, beaucoup de travail nous attend. Dans certaines zones, il n’y a pratiquement pas d’offre logistique, certains types d’immobiliers logistiques sont inexistants…nous y travaillons.
Le statut de l’AMDL, sa mission et son champ d’intervention ne sont pas très clairs, même dans l’esprit des professionnels. Pourquoi ?
Il est vrai que l’AMDL reste un modèle original. Pour créer une structure, les gens ont tendance à chercher ailleurs les institutions qui lui ressemblent pour s’en inspirer. L’Agence est une institution publique à but non lucratif, porteuse de la coordination d’une stratégie volontariste avec un champ d’action national et multisectoriel. Notre mission est de contribuer à unifier la vision et les efforts du pays dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de la logistique.
Mais le terrain vous a été balisé puisque l’AMDL n’a vu le jour qu’en 2012, deux ans après le lancement de la stratégie nationale…
L’Agence devait être créée en 2010, mais cela ne s’est fait effectivement que deux ans plus tard, sachant qu’il fallait du temps pour mettre les choses en place et recruter les collaborateurs. Certains croient que la stratégie de 2010 était tout à fait définie et qu’il ne fallait que mettre en place l’Agence pour dérouler les chantiers. La réalité est toute autre. Dans plusieurs domaines, il n’y avait encore rien de concret. Pour la logistique urbaine, à titre d’exemple, ce n’est que maintenant que nous disposons d’un programme avec les ressources nécessaires. Le chantier sera ouvert bientôt d’ailleurs.
L’ambition de la stratégie nationale est de réduire le coût de la logistique qui s’élève à près de 20% du PIB national. Où en êtes-vous ?
En vérité, on s’est interdit d’évaluer les objectifs de la stratégie parce que nous sommes une partie prenante. En principe, l’Observatoire national de la logistique doit se charger de cette mission, mais nous sommes convaincus que le coût de la logistique a significativement baissé. Plusieurs indicateurs le confirment : la baisse des prix des hydrocarbures, le développement des autoroutes, le coût de la traversée du Détroit…