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Union constitutionnelle : Mohamed Sajid détaille ses idées pour le parti

Mohamed Sajid : secrétaire général de l’UC

L’ambition du secrétaire général de l’UC est de redonner un nouveau souffle au parti. Plus concrètement, Sajid veut maintenir la base militante actuelle et renouveler le fonctionnement de l’appareil politique afin d’affiner le positionnement du parti dans l’opposition et apporter plus de clarté et de pédagogie dans son action politique. En clair, mieux répondre aux besoins des citoyens.

Les ÉCO : Vous êtes à la tête e l’UC depuis mai 2015. Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de ces quelques mois ?
Mohamed Sajid : En fait, j’ai pris les rênes du parti en avril 2015. Dans le contexte des élections locales, je ne me suis véritablement penché sur les problématiques qu’à partir du mois d’octobre. L’UC est un parti bientôt trentenaire. Son histoire et son identité ont été forgées aux heures de gloire à l’époque où Maâti Bouabid présidait le gouvernement. Comme vous le savez, le champ politique marocain a, pendant longtemps, été erratique et imprévisible. Nous avons à cet effet connu un petit essoufflement ces dix dernières années. Néanmoins, notre parti a pu se maintenir dans l’opposition avec un groupe parlementaire de 23 députés.

Aujourd’hui, mon ambition pour le parti est claire : maintenir la base militante actuelle et renouveler le fonctionnement de l’appareil politique afin d’affiner notre positionnement dans l’opposition et apporter plus de clarté et de pédagogie dans notre action politique. Il n’est plus question aujourd’hui de suivre les tendances générales de l’opposition. Je souhaite renforcer l’identité du parti et lui conférer une dimension idoine au contexte marocain actuel et surtout aux aspirations réelles du citoyen marocain, qui a certainement évolué plus vite que le champ politique. Comme vous avez pu le remarquer durant ces derniers mois, nous avons formulé des positions claires et parfois exclusives sur des sujets stratégiques pour notre pays (l’héritage, l’éducation, la libéralisation du secteur des hydrocarbures, la Suède, etc). À travers une cellule de veille active, nous allons durant les prochains mois nous assurer que le discours et les actions politiques du gouvernement actuel seront en parfait accord avec les besoins urgents du pays.

Je pense que l’opposition doit être constructive. Elle doit être une sorte de garde-fou de l’action gouvernementale, sans démagogie ou populisme. L’opposition doit se recentrer sur les difficultés de nos citoyens et proposer des solutions concrètes et innovantes. Tous les partis politiques doivent prendre conscience que l’avenir de notre pays ne peut passer que par une réconciliation du citoyen avec le champ politique. Aujourd’hui, le citoyen a tendance à fuir et c’est très dommageable !

Justement, comment vous évaluez le bilan de ce mandat ?
Le gouvernement actuel pense avoir enregistré à son actif de nombreuses réalisations, mais à mon sens, le discours du gouvernement actuel n’est que présomption et conjectures. Il a certes fait montre de grandes volontés et d’un dynamisme louable et il est possible de lister un certain nombre d’actions à son actif, mais celles-ci ne répondent pas aux vrais problèmes du pays et du citoyen marocain. À travers mon double mandat de maire de Casablanca, j’ai pris l’habitude d’évaluer et d’agir avec pragmatisme et un sens aigu des réalités et mon indicateur de performance a toujours été très simple : en quoi mes actions ont participé à l’amélioration du quotidien du citoyen ? Alors posons-nous les mêmes questions pour le gouvernement actuel : entre 2011 et 2015, est-ce que le citoyen a ressenti un changement lorsqu’il se présente dans un CHU ? Est-ce que le citoyen a senti que son pouvoir d’achat s’est amélioré ? Est-ce que le citoyen a senti qu’il régnait plus de justice dans nos tribunaux ? Est-ce que le citoyen est plus rassuré lorsqu’il envoie ses enfants dans le système éducatif actuel ? Finalement, agir et discourir à travers de petites mesures, d’apparences grandioses intellectuellement, ne représente que des gouttes d’eau dans un océan de défis. C’est le cas par exemple des bourses pour étudiants. Elles sont présentées comme une mesure sociale importante, au même titre que les aides directes aux veuves ou aux handicapés, or ces «mesurettes» traduisent une politique très éphémère et relèvent plus de l’assistanat que d’un modèle socioéconomique pérenne. Vous pourriez me dire que l’assistanat est nécessaire dans certains cas, mais même dans ce contexte, il ne représente que de la poudre aux yeux. Que penser en effet de l’aide aux handicapés qui, rapportée au nombre de personnes à besoins spécifiques au Maroc, se réduit à 5DH/jour ? Maintenant, sur le volet macro-économique, la donne est tout aussi inquiétante. Nous le savons bien, le déficit budgétaire ne s’est amélioré que pour des raisons purement conjoncturelles et extraordinaires. Le volet de l’emploi est en berne, avec un taux de chômage record. Pour améliorer structurellement la donne, il est urgent d’éliminer la Caisse de compensation au lieu de parler de sa réforme. Il est également crucial de définir un nouveau modèle de croissance adapté aux défis locaux et mondiaux. Il est impératif de redimensionner le projet économique du pays à la taille de ses ambitions et de mettre en place des leviers pour générer et sécuriser l’emploi, stabiliser nos agrégats économiques et surtout positionner le Maroc parmi le ghota des pays émergents.

Pour la question des retraites, comment votre parti a-t-il réagi par rapport à l’annonce de l’entame de la réforme en 2016 ainsi que le refus catégorique des syndicats ?
Voilà l’un des grands défis de notre pays ! Il est vrai que les lacunes de notre système de retraites n’est pas du fait de ce gouvernement, mais relève d’une problématique structurelle. Ce sujet nécessite aussi bien une approche technique que globale et transverse. L’UC travaille d’ailleurs actuellement sur des propositions pour éclairer le gouvernement sur les attentes des populations, mais aussi sur les pistes les plus viables pour réformer le système. Cependant, j’insisterai sur un volet très important : la collaboration et le sens du dialogue. Il faut absolument associer les autres partenaires sociaux et intégrer une dimension participative au débat. Il est improductif de rester figé dans une posture de non dialogue avec les syndicats. Le défi d’un chef de gouvernement est de savoir associer ses contradicteurs dans le processus législatif à travers une démarche d’écoute constructive.

La gestion déléguée est revenue au-devant de la scène. En tant qu’ancien maire de la ville de Casablanca, quel est votre avis sur les pistes de réforme évoquées, notamment une agence étatique chargée des contrats ?
Il y a un amalgame terrible sur ce sujet. Beaucoup estiment que la gestion déléguée est un secteur à part entière qu’il conviendrait de réformer. La gestion déléguée n’est qu’un outil de gestion parmi d’autres. Il comporte autant de failles que de forces. D’ailleurs, il faut souligner que si le système de gestion déléguée perdure de par le monde, c’est bien parce qu’il existe des difficultés structurelles dans la gestion directe de certains services publics de la ville (éclatement institutionnel, centralisation de la décision, manque de ressources matérielles et humaines, etc). Ce mode de gestion a démarré au Maroc en 1997 via le premier contrat signé avec la Lydec à Casablanca et à juste titre car la gestion directe des régies avait montré ses limites. Seulement, à mon avis, les autorités de l’époque ont commis deux erreurs majeures : contracter pour une durée très longue (30 ans), alors que nous étions à notre première expérience de gestion déléguée. Ce contrat, quasiment à durée indéterminée, a naturellement déséquilibré les relations délégant/délégataire. La 2e erreur fut d’associer exploitation et investissement. J’ai, à cet effet, pris le soin de corriger ces quelques hérésies contractuelles, en ajustant les contrats de gestion déléguée des opérateurs de collecte de déchets (qui est passée de 10 ans à 7 ans), mais surtout en négociant dans le cadre du projet du tramway, un contrat uniquement d’exploitation et sur une période n’excédant pas 5 années.

Pour les sociétés de développement local (SDL), est-ce l’avenir de la gestion urbaine au Maroc ?
Il faut d’abord savoir que le Conseil de la ville de Casablanca est une machine très lourde. Vous pouvez avoir à votre disposition toutes les compétences, mais pour gérer une structure de 23.000 personnes (à mon arrivée en 2003), il faut une approche plus efficace et pragmatique. À cet effet, j’ai été l’un des défenseurs du modèle des SDL. Je ne vais pas vous faire une démonstration sur l’intérêt des SDL, mais il était urgent de remédier à certains maux qui bloquaient les projets de la ville. Les SDL sont d’excellents outils pour optimiser les investissements de la ville, mais également les délais et la qualité de livraison des ouvrages. Aujourd’hui, une multitude de projets ont vu le jour en quelques mois, alors qu’à travers la Commune de Casablanca, un seul projet nécessitait parfois des années pour prendre forme.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées lors de vos mandats de maire et de quelle manière les avez-vous affrontées ?
Il est difficile de revenir sur tous les chantiers menés par mes équipes et moi-même depuis 2003. Seulement, il est incontestable que nous avons mené de grandes batailles sur plusieurs fronts pour faire émerger la ville. L’histoire de Casablanca n’est pas très simple. Pour résumer, mon premier challenge a été la réunification de la ville. Il faut savoir qu’en 2003, il existait 27 communes autonomes et indépendantes. Je vous laisse imaginer les détails des tractations administratives pour réunifier l’ensemble. D’ailleurs et malgré la réussite de ce défi majeur, quelques effets pervers ont persisté. Je vous donne l’exemple de l’exploitation de terrains ou de biens meubles de la ville, qui a fait les choux gras de la presse il y a quelques mois.

Il faut savoir que ces biens étaient la propriété des différentes communes (2003). Lorsque nous avons réalisé la réunification, les 27 communes ont juridiquement disparu. Par conséquent et c’est très kafkaien, lors de la passation des biens, le cédant n’existait plus administrativement parlant. Les locataires des lieux ont donc profité de ce vide juridique pour bloquer la volonté de la ville de reprendre une gestion normale de ces biens. Et c’est là où je reviens sur le discours royal de 2013 qui, selon moi, était salvateur et salutaire pour la ville. À mon sens, il visait ce type de dysfonctionnements. Et depuis ce discours, ce problème qui perdurait depuis une douzaine d’années a pu se résoudre en quelques mois. Cet épisode est à mon sens l’expression des difficultés administratives que connaît la ville de Casablanca. La structure organisationnelle très lourde est complètement décalée par rapport aux besoins d’une grande métropole. Il faut rapidement libérer la ville de certaines contraintes majeures : d’un côté, la prédominance de l’administration centrale dans la gestion locale, d’un autre côté, le rôle des élus qui, au lieu d’avoir un rôle représentatif et réglementaire, se confondent dans des missions exécutives ne relevant pas de leurs prérogatives.

Par rapport au Conseil de la ville, les conditions de déroulement des travaux se sont nettement améliorées. Est-ce que vous pensez que les nouveaux dirigeants ont plus de chance que leurs prédécesseurs grâce au plan d’urgence qui a été adopté ?
La situation de la ville de Casablanca en 2015 n’est pas celle de 2003. À l’époque, nous avions tout à faire et avons relevé d’immenses défis avec à leur tête l’unification de la ville. Cela a permis de construire une stratégie cohérente pour la ville dans son ensemble. Aujourd’hui, il y a des projets concrets et une stratégie finalisée. De plus, avant mon départ, nous avons réussi à mobiliser des sources de financement solides à des conditions très avantageuses. Toutes les conditions favorables sont là pour la poursuite du développement de la ville.  



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