Barrières non tarifaires : Akhannouch affûte ses armes

Recrudescence des crises sanitaires, apparition de nouvelles maladies liées aux changements climatiques, rapprochement réglementaire avec l’UE… les défis sécuritaires et économiques ne manquent pas pour inciter le Maroc à affûter ses armes concernant la question des barrières non tarifaires. Une nouvelle stratégie est en cours d’élaboration au sein du département de l’Agriculture. Celle-ci pourrait bien transformer la nature du commerce régional du royaume. Décryptage.
Obstacles techniques au commerce (OTC), normes sanitaires et phytosanitaires (SPS)… les avantages à tirer du commerce extérieur ne se jouent plus seulement au niveau des tarifs douaniers mais bien plus au niveau des barrières non tarifaires. Certains qualifient aujourd’hui ces obstacles de nerf de la guerre du commerce international, servant souvent d’outils protectionnistes chez certains pays. Le secteur le plus affecté par ce genre de pratiques est sans doute celui de l’agriculture. Il n’y a qu’à voir les difficultés, rencontrées par certains produits marocains, à accéder aux marchés européens ou américains pour s’en rendre compte. Les normes de la Food and Drug Administration (FDA) américaine, par exemple, imposent des conditions draconiennes en matière de traitement sanitaire et phytosanitaire aux marchandises marocaines. Même constat pour les normes britanniques en matière agroalimentaire, qui nécessitent des autorisations préalables pour certains produits d’origine animale comme le miel. Autrement dit, le Maroc peut se voir priver d’un avantage laborieusement négocié dans le cadre d’un accord de libre-échange si l’une de ces normes n’est pas satisfaite.
Stratégie défensive
Le département de l’Agriculture s’est enfin décidé à réagir à ce niveau. Le ministère piloté par Aziz Akhannouch vient de commander une stratégie nationale en matière de mesures sanitaires, phytosanitaires et d’obstacles techniques au commerce. Le ministère, qui a repris le pilotage de l’ensemble des stratégies et des institutions concernées par la production agricole en amont et en aval, compte verrouiller les règles à ce niveau. L’objectif est à la fois de maîtriser la production des normes nationales portant notamment sur les règles sanitaires et phytosanitaires, mais aussi d’opérer un benchmark des pratiques internationales à ce niveau. Ceci permettra au Maroc de ne plus naviguer à vue et de se doter d’un véritable radar en matière de barrières non tarifaires. Cela passera par l’amélioration des conditions économiques de production et de commercialisation des produits agricoles et l’adaptation aux évolutions des normes internationales. Cette stratégie permettra donc l’adaptation aux exigences SPS et OTC des marchés de destination qui sont dotés de hauts standards de normalisation (USA, Canada, Afrique, Russie, Chine, etc.). Cette capacité contribuerait à la garantie de la pérennité des ambitions prescrites par le Plan Maroc Vert en matière d’offre exportable. Le Maroc a pu constater via la mise en œuvre de ses accords commerciaux (USA, UE, pays arabes, Turquie, etc.) l’existence d’un différentiel en matière de mesures SPS, de normes et de règlements techniques (niveau législatif et procédural) entre le royaume et ses principaux partenaires. Cette situation accule le Maroc à se doter d’une stratégie nationale en matière de mesures non-tarifaires lui offrant plus de visibilité concernant ces limites artificielles.
Terrain glissant
À travers cette étude, le Maroc compte également renforcer ses propres OTC et normes SPS. Pour désamorcer toute accusation protectionniste, le Direction de la stratégie et des statistiques, mandataire de l’étude, précise que les mesures de cette stratégie nationale doivent être transparentes, conformes aux standards internationaux notifiés à l’OMC en la matière et respectant le principe général du «traitement national». D’aucuns y verront une autre mesure dans la démarche globale de l’assainissement des importations lancée par le département du Commerce extérieur. Il est à rappeler que le droit international autorise les États à fixer leurs propres normes en se basant sur des considérations nationales et de désigner ainsi un niveau de protection plus sévère. Comme toute législation nationale plus stricte que celle des instances internationales doit être scientifiquement justifiée, cela suppose que ces États possèdent une réelle capacité sur le plan scientifique. Les obligations de justification scientifique d’une part, et de notification aux pays partenaires d’autre part, ont pour objet d’éviter une dérive protectionniste dans l’utilisation de l’Accord SPS.
Un système très morcelé
La mise en place d’une stratégie nationale pour les obstacles techniques au commerce répond à la nécessité de combler les failles du système marocain. Celui-ci est caractérisé par la difficulté d’adoption et d’application des normes à l’échelle du marché national. Le système marocain est caractérisé par l’application de plusieurs catégories de normes. Celles obligatoires, plus connues sous le nom des règlements techniques (RT), mais aussi les normes marocaines facultatives homologuées (NM), sont élaborées dans le cadre du système normatif marocain coordonné par l’IMANOR et qui ne sont pas d’application obligatoire. Enfin, il est à préciser que plusieurs produits et filières ne disposent d’aucun RT ou d’aucune NM. Le système des normes marocain souffre par ailleurs de la multiplicité des intervenants dans l’élaboration et l’application desdites normes. Qu’il s’agisse de l’EACCE, de l’ONSSA, d’IMANOR ou encore de l’ONICL, tous ces établissements ont leur mot à dire par rapport à la question, ce qui se traduit par une pluralité des textes législatifs qui traitent des normes de commercialisation et de la difficulté de faire adhérer les professionnels à l’application desdites normes. La machine est également grippée par le manque de moyens humains et matériels nécessaires pour le contrôle de la conformité aux normes.