Maroc

Accord agricole Maroc-UE : les détails du nouveau deal

Le nouvel accord agricole Maroc-UE, amendé, a été publié au Journal officiel de l’Union européenne. Il clarifie l’application des préférences commerciales aux produits issus des provinces du Sud. En modifiant les protocoles n°1 et n°4 de l’accord d’association, le texte renforce la continuité économique entre Rabat et Bruxelles, dans un esprit de partenariat «fondé sur la confiance, la transparence et le respect mutuel». Lecture dans ses dispositions…

Publié au Journal officiel de l’Union européenne le 3 octobre 2025, le nouvel accord agricole entre le Royaume du Maroc et l’Union européenne, sous forme d’échange de lettres, marque une étape déterminante dans la consolidation du partenariat euro-méditerranéen.

Signé au siège de la Commission européenne à Bruxelles par l’ambassadeur du Maroc auprès de l’UE, Ahmed Réda Chami, cet acte amende officiellement les protocoles n°1 et n°4 de l’accord d’association de 1996 afin de sécuriser juridiquement l’extension des préférences commerciales européennes aux produits originaires du Sahara marocain.

Conclu «dans un esprit de partenariat et de compromis», selon la formule du texte, l’accord consolide un cadre économique durable et unifié, tout en introduisant de nouvelles garanties de transparence et de suivi. Il entre en application provisoire immédiate, dans l’attente de sa ratification définitive par les institutions des deux parties.

Un principe d’unité économique clarifié
Au cœur du texte, une phrase désormais centrale vient lever toute ambiguïté : «Les produits originaires du Sahara occidental qui sont soumis aux contrôles des autorités douanières du Royaume du Maroc bénéficient des mêmes préférences commerciales que celles accordées par l’Union européenne aux produits couverts par l’accord d’association».

Cette disposition, intégrée sous la forme d’une «déclaration commune concernant l’application des protocoles n°1 et n°4», consacre le principe d’égalité de traitement pour les exportations marocaines, quelle que soit leur région d’origine. Concrètement, les entreprises opérant à Dakhla, Laâyoune ou Boujdour bénéficieront des mêmes conditions tarifaires que celles installées à Agadir, Casablanca ou Meknès, pour autant que leurs produits soient «soumis aux contrôles des autorités douanières marocaines».

Cette précision juridique vient mettre fin à une incertitude née des précédents contentieux européens sur l’application territoriale de l’accord de 1996. L’Union et le Maroc y réaffirment d’ailleurs leur engagement commun à appliquer les protocoles «conformément aux dispositions de l’accord d’association concernant le respect des libertés fondamentales et des droits de l’Homme».

Une traçabilité régionale inédite
Pour répondre aux exigences de transparence formulées par plusieurs institutions européennes, le nouvel accord introduit un mécanisme explicite d’identification géographique. Ainsi, l’Union et le Maroc «sont convenus de permettre l’identification de produits visés […] en se référant à la région d’origine dans les preuves d’origine prévues par le protocole n°4».

Autrement dit, les certificats d’origine des produits exportés vers l’UE devront désormais mentionner non seulement le pays – Maroc – mais également la région d’où ils proviennent. Le texte précise en outre que « les produits du secteur des fruits et légumes […] feront l’objet d’un étiquetage indiquant le lieu de leur origine tel qu’indiqué dans les certificats d’origine».

Cette mesure répond à une double exigence. Il s’agit de rassurer les consommateurs européens sur la provenance exacte des produits, tout en préservant la continuité économique des exportateurs marocains.

Application immédiate et évaluation annuelle conjointe
L’accord prévoit une application provisoire immédiate, dès la notification mutuelle des deux parties, «avec effet à compter de la date de la signature autorisée par le Conseil de l’Union européenne». Il «entrera en vigueur le lendemain du jour où les parties auront notifié l’achèvement des procédures internes pour son adoption», précisent les lettres échangées. Signe d’un partenariat mûri, l’accord instaure un mécanisme d’évaluation conjointe chargé de mesurer ses effets économiques et sociaux.

Selon le texte, l’Union et le Maroc «sont convenus d’échanger mutuellement des informations dans le cadre du comité d’association au moins une fois par an» afin d’évaluer «l’impact du présent accord, en particulier sur le développement durable […] et l’exploitation des ressources naturelles des territoires concernés». Les modalités précises de cette évaluation seront fixées «au plus tard deux mois après l’entrée en vigueur du présent accord».

Une réponse directe à la jurisprudence européenne
Ce nouvel arrangement intervient dans le sillage de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 4 octobre 2024 (affaires jointes C-779/21 P et C-799/21 P). Dans une déclaration jointe, l’Union reconnaît explicitement agir «en vue de fournir des avantages précis, concrets, substantiels et vérifiables au groupe de bénéficiaires visé au point 153 dudit arrêt».

Pour ce faire, l’UE annonce le lancement de financements ciblés pour les provinces du Sud marocain, axés sur «les secteurs clés, comme l’eau — y compris l’irrigation et la désalinisation —, l’énergie, la lutte contre la désertification et le développement durable».

Le texte précise également que «l’Union européenne soutiendra des programmes appropriés dans les secteurs comme l’éducation, la culture et les compétences», et qu’«un mécanisme de contrôle régulier sera mis en place conformément au paragraphe 153 de l’arrêt susvisé».

Un nouveau cadre pour un partenariat stabilisé
Au-delà de sa portée technique, le nouvel accord symbolise la consolidation d’un partenariat “privilégié” entre Rabat et Bruxelles. Les deux parties rappellent qu’il s’inscrit dans «le partenariat établi de longue date entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, notamment consacré par le statut avancé accordé à ce dernier», et traduit leur «ambition partagée d’approfondir et d’élargir ce partenariat».

Ce texte remplace l’accord de 2018 et marque la volonté politique de tourner la page des malentendus juridiques qui entouraient le commerce euro-marocain depuis plusieurs années.

Pour le Maroc, il consacre une approche unifiée de son espace économique. Pour l’Union, il constitue une solution équilibrée, conciliant la rigueur du droit européen avec la nécessité de préserver un partenaire stratégique du voisinage Sud.

Les six points-clés du nouvel accord :

Extension des préférences commerciales :
Les produits originaires des provinces du Sud du Royaume «soumis aux contrôles des autorités douanières marocaines» bénéficient désormais des mêmes conditions tarifaires que ceux du reste du pays.

Traçabilité et transparence :
Les certificats d’origine devront mentionner la région de production. Pour les fruits et légumes, un étiquetage spécifique indiquera le lieu exact d’origine, comme «Laâyoune–Sakia El Hamra» ou «Dakhla–Oued Eddahab».

Application immédiate :
Le texte prévoit une entrée en vigueur provisoire dès la signature, en attendant la notification d’achèvement des procédures internes par les deux parties.

Mécanisme d’évaluation annuelle :
Un rapport conjoint sera présenté chaque année au Comité d’association Maroc–UE pour mesurer les effets de l’accord, notamment sur le développement durable et la gestion des ressources naturelles.

Réponse à la CJUE (octobre 2024) :
Le nouvel accord tire les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE en prévoyant des «avantages précis, concrets et vérifiables» pour les populations concernées, notamment via des financements ciblés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et de l’agriculture durable.

Remplacement de l’accord de 2018 :
Ce texte actualise la base juridique du partenariat agricole euro-marocain et consolide la reconnaissance d’une unité économique marocaine dans le cadre du statut avancé du Royaume.

Sami Nemli / Les Inspirations ÉCO



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