Droits de douane : Bruxelles durcit le ton pour sauver l’acier européen

Confrontée à l’afflux massif d’acier chinois et à la flambée des coûts énergétiques, la Commission européenne s’apprête à dévoiler une nouvelle clause de sauvegarde jugée «la plus robuste jamais présentée». Quotas réduits de moitié, droits de douane relevés et dispositif sans limite de temps : Bruxelles entend protéger un secteur en crise, symbole historique de la construction européenne et test majeur pour sa souveraineté industrielle.
L’Union européenne s’apprête à dégainer l’arme commerciale la plus robuste jamais envisagée pour protéger son industrie sidérurgique. La Commission européenne doit présenter mardi prochain une nouvelle clause de sauvegarde sur l’acier, prévoyant une réduction drastique des quotas d’importations et une forte hausse des droits de douane, dans un contexte de crise profonde pour un secteur pilier de l’économie européenne.
Devant les représentants de la filière réunis à Bruxelles, le vice-président de l’Exécutif européen, Stéphane Séjourné, a annoncé les grandes lignes de ce dispositif : réduction «de près de moitié» des volumes d’acier étranger autorisés sans surtaxe et relèvement significatif des droits de douane, actuellement fixés à 25%. Contrairement aux mesures existantes, la nouvelle clause ne serait pas limitée dans le temps.
«Il s’agira de la clause la plus robuste jamais présentée», a assuré M. Séjourné, en écho aux demandes pressantes des sidérurgistes qui réclament depuis des mois une réponse à la hauteur de la crise.
L’ombre des surcapacités chinoises
Au cœur du problème : l’afflux massif d’acier chinois sur le marché mondial. Avec plus de 1.000 millions de tonnes produites en 2024, soit plus de la moitié de la production mondiale, Pékin inonde l’Europe de volumes considérables à des prix cassés, conséquence directe de la surcapacité chronique de ses usines. À titre de comparaison, l’Allemagne a produit seulement 37 millions de tonnes, l’Espagne 12 et la France moins de 11.
L’écart illustre la vulnérabilité d’un marché européen devenu la variable d’ajustement de la sidérurgie mondiale. Les sidérurgistes européens, déjà affaiblis par la flambée des prix de l’énergie, voient leurs marges s’effondrer. Des géants comme ArcelorMittal ou ThyssenKrupp doivent absorber des coûts de production croissants, tout en étant sommés d’investir massivement dans la décarbonation de leurs installations.
ArcelorMittal, deuxième producteur mondial, a d’ailleurs suspendu un projet de 1,8 milliard d’euros à Dunkerque pour moderniser son haut-fourneau, faute de garanties sur le soutien public et la stabilité du marché. Le groupe a en parallèle annoncé la suppression de 600 postes dans sept sites du nord de la France.
Une réponse à la hauteur de l’histoire
Le secteur de l’acier occupe une place hautement symbolique dans la construction européenne. Dans les années 1950, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) avait constitué le socle fondateur du projet européen.
Aujourd’hui, alors que l’UE cherche à préserver ses capacités industrielles face à la concurrence mondiale, le sort de la sidérurgie apparaît une nouvelle fois comme un test décisif de souveraineté économique. La précédente clause de sauvegarde, instaurée en 2019 et prolongée en 2024, arrive à expiration en 2026. Jugée trop limitée, elle n’a pas permis de stopper l’érosion de la compétitivité des sidérurgistes.
Cette fois, Bruxelles entend frapper fort, sur le modèle des États-Unis ou du Canada, qui ont déjà relevé leurs barrières tarifaires. Reste à savoir si cette riposte suffira à redonner de l’air à une industrie sous tension, alors que la transition écologique impose elle aussi son lot de contraintes financières et technologiques.
S.N. avec agences / Les Inspirations ÉCO