IFRS 18 : fin de la “cosmétique” dans les états financiers

Dans les cabinets de conseil et d’audit qui accompagnent les groupes bancaires, les compagnies d’assurance, les sociétés cotées ou les entités faisant appel public à l’épargne, les consultants sont sur le pied de guerre. L’application de la norme IFRS 18, à partir du 1er janvier 2027, chamboule la manière de présenter les indicateurs de performance. Cela signifie que les comparatifs 2026 devront être retraités pour les comptes intermédiaires, et ce, dès le 30 juin 2027. C’est la réforme la plus importante depuis plus de 20 ans, assure l’IASB, l’organisme chargé de la normalisation comptable internationale.
La norme IFRS 18 consacre un changement radical dans plusieurs domaines en ce qui concerne la présentation du compte de résultat, la publication des mesures de performance et les exigences en matière de regroupement des postes comptables.
Son objectif est d’améliorer la qualité du reporting, la transparence, la publication d’informations et la comparabilité des états financiers, en tenant compte des besoins des investisseurs et des marchés financiers, principaux destinataires de la communication financière des groupes cotés. l’IASB, l’organisme de normalisation comptable internationale, est parti du constat qu’il existe une grande diversité dans la manière de présenter le compte de résultat, notamment dans le calcul du résultat opérationnel.
Le référentiel IFRS 18 a pour objectidf d’en finir avec des pratiques de cosmétique dans la communication financière en introduisant une structure standardisée du compte de résultat. Cette dernière est articulée autour de trois catégories : opérationnelle, investissement et financement, avec sous-totaux obligatoires. Le deuxième grand changement apporté par la norme IFRS18 concerne les «Management performance measures» dont la présentation dans les états financiers devient obligatoire, accompagnés d’une note dédiée et d’une réconciliation avec les chiffres IFRS. La norme introduit par ailleurs des principes d’agrégation et de désagrégation qui s’appliquent à l’ensemble des états financiers.
Les éléments similaires doivent être regroupés, tandis que ceux présentant des caractéristiques différentes doivent être présentés séparément ou détaillés en annexe. Enfin, la nouvelle norme encadre également l’usage des libellés, en limitant notamment l’usage du terme générique et parfois illisible, «Autres».
Une nouvelle structure du compte de résultat
La norme IFRS 18 introduit une nouvelle structure du compte de résultat reposant sur cinq catégories de produits et charges ainsi que sur des sous-totaux obligatoires. La lecture de la performance financière est désormais structurée autour de trois catégories principales : La catégorie dite «Opérationnelle» regroupe les éléments issus des activités principales ainsi que les éléments opérationnels volatils ou non récurrents.
La catégorie «Investissement» comprend les produits et charges liés à certains actifs spécifiques dans lesquels l’entreprise investit afin de présenter distinctement leur rendement. Il s’agit des participations mises en équivalence, de la trésorerie et des équivalents de trésorerie, ainsi que d’autres actifs générant un rendement individuel et largement indépendant.
La catégorie «Financement» regroupe les produits et charges liés aux passifs, en distinguant les passifs de financement purs (ex : emprunts) et les autres passifs (ex : provisions retraites), pour lesquels seules les charges d’intérêts sont incluses. À noter que ces catégories ne sont pas alignées avec celles du tableau des flux de trésorerie.
Des dispositions spécifiques aux sociétés d’investissement
IFRS 18 impose la présentation de deux nouveaux sous-totaux clés. Le premier est le résultat opérationnel, calculé de manière uniforme, afin de permettre une lecture homogène entre entreprises. Le second est le résultat avant financement et impôts, mais les sociétés gardent la latitude de continuer à présenter d’autres sous-totaux, mais uniquement sous-conditions, précise l’IASB.
Les trois sous-totaux obligatoires s’appliquent à tous les groupes et doivent figurer dans le compte de résultat, selon une définition normalisée. La norme définit également d’autres sous-totaux, que les groupes peuvent choisir de présenter au compte de résultat.
Parmi eux : la marge brute, l’Ebitda (résultat opérationnel avant amortissements, dépréciations et pertes de valeur), ou encore le résultat opérationnel augmenté des résultats des sociétés mises en équivalence. Enfin, les groupes pourront continuer à présenter des sous-totaux additionnels non définis par IFRS 18 sur une base volontaire, mais uniquement si certaines conditions sont respectées.
La norme IFRS 18 prévoit des dispositions spécifiques pour les entités dont l’activité principale est le financement de clients ou l’investissement dans certains actifs. Ces entités doivent reclasser certains produits et charges dans la catégorie opérationnelle, alors que ces éléments relèveraient, pour une entité n’ayant pas d’activité principale spécifiée, des catégories investissement ou financement.
Ainsi, à titre d’exemple, une banque devra classer les charges d’intérêts sur ses dettes liées au financement de clients en opérationnel plutôt qu’en financement. De même, une société foncière devra classer les revenus tirés de ses immeubles de placement en opérationnel plutôt qu’en investissement.
L’impact majeur sur les indicateurs utilisés actuellement dans les comptes consolidés est la séparation stricte des catégories : la quote-part de résultat des sociétés mises en équivalence sera présentée en investissement, et ne pourra plus faire partie du résultat opérationnel. Par ailleurs, le coût de l’endettement net ne pourra plus être présenté dans le compte de résultat, car les produits et charges d’intérêts sont répartis entre les catégories investissement et financement.
Charges opérationnelles : il faudra motiver chaque option
IFRS 18 reprend les deux méthodes de présentation des charges (par nature ou par fonction), mais encadre désormais l’option choisie par l’entreprise. Plusieurs critères doivent être examinés pour justifier la méthode retenue, ce qui implique de réévaluer la présentation actuelle.
La norme autorise également une présentation mixte, combinant des charges par fonction (ex. coût des ventes, R&D) et d’autres par nature (ex. amortissements), notamment lorsque certaines charges ne peuvent être allouées qu’arbitrairement ou en présence de plusieurs activités principales.
En cas de présentation par fonction ou mixte, IFRS 18 prévoit de fournir en annexe : une description des charges par fonction, le total de certaines charges par nature (amortissements corporels et incorporels, charges de personnel, pertes et reprises de pertes de valeur IAS 36, dépréciations et reprises de stocks), ainsi que le montant inclus dans les postes par fonction. Ces montants peuvent correspondre aux charges de la période ou inclure des montants capitalisés dans le coût d’un actif, à condition que cela soit explicité.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO