Loi de finances 2025 : l’investissement public, le parent pauvre

À mi-parcours de l’année 2025, l’exécution du budget de l’État révèle une dynamique contrastée. Si les recettes fiscales affichent une performance solide, les déséquilibres structurels persistent, notamment en matière de dépenses courantes et d’investissement public. Derrière un excédent apparent, le recours accru à l’endettement témoigne de la fragilité de la trajectoire budgétaire et de la difficulté à contenir un déficit chronique.
Au terme du deuxième trimestre 2025, l’un des principaux constats qui se détache de l’exécution de la loi de finances est celui d’un équilibre précaire entre des recettes fiscales solides et des charges publiques toujours plus importantes.
Le déficit ordinaire s’est résorbé, mais le besoin global de financement reste élevé, révélant la fragilité d’une croissance encore dépendante de l’endettement. En effet, avec un excédent global des ressources sur les charges de 13,9 milliards de dirhams, l’exécution de la loi de finances à fin juin 2025 apparaît à première vue sous de bons auspices. Mais derrière ce chiffre se cachent des déséquilibres structurels.
Le déficit budgétaire de l’État (hors recettes d’emprunt et amortissements de la dette) atteint en réalité 24,8 MMDH, signe d’une gestion tendue entre croissance des dépenses courantes et faiblesse de certaines recettes non fiscales.
Des recettes fiscales mal réparties
Au total, l’État a mobilisé 393 MMDH de ressources à fin juin, soit plus de 60% des prévisions de la loi de finances. Les recettes ordinaires, qui en constituent un peu plus de la moitié (211,5 MMDH), reposent à 88% sur la fiscalité.
L’impôt sur les sociétés (IS) a particulièrement bien performé, atteignant 55,9 MMDH, soit 75% de l’objectif annuel. De même, l’impôt sur le revenu (IR) a franchi les 36,5 MMDH, à un taux de réalisation de 60%. À l’inverse, les recettes liées à la consommation intérieure peinent à suivre.
La TVA sur les produits importés ne couvre que 46% des prévisions, et les droits de douane stagnent à 37,3%. La taxe sur les produits énergétiques, en partie affectée à des comptes spéciaux, ne réalise que 50% de son objectif.
Un déséquilibre persistant
Côté dépenses, le budget général affiche une exécution de 50,8% pour ses charges ordinaires (185,8 MMDH). Celles-ci restent dominées par les dépenses de personnel, qui totalisent 86,8 MMDH, soit près de 47% des dépenses totales à mi-parcours. Les ministères de l’Éducation nationale (22,6 MMDH), de l’Intérieur (16,5 MMDH) et de la Santé (7,6 MMDH) concentrent à eux seuls une part massive de cette enveloppe.
Les remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux explosent avec 10,5 MMDH versés, dépassant de 8,6% les prévisions annuelles. Les arriérés de remboursement de la TVA, évalués à 32,8 MMDH fin 2024, continuent de peser sur la trésorerie de l’État. L’un des signaux les plus préoccupants du rapport reste la faiblesse de l’investissement public. Les dépenses d’investissement atteignent 54,4 MMDH, soit seulement 42,4% des budgets alloués.
Certains ministères accusent des taux d’exécution inférieurs à 10%. C’est d’ailleurs le cas de la Justice (8,2%), du Tourisme (8,9%) ou encore du Département de l’Équipement (19,9%). À l’encontre du ministère de l’Aménagement du territoire (84%) et celui de l’Intérieur (56%).
Le recours à l’endettement en progression
Pour financer ce décalage persistant entre recettes courantes et dépenses engagées, le Trésor a mobilisé 73,2 MMDH en emprunts à moyen et long terme, principalement sur le marché intérieur (40,9 MMDH). L’endettement extérieur, en progression par rapport à la même période en 2024, s’élève à 32,3 MMDH. Malgré un amortissement de la dette de 34,5 MMDH, le solde net de financement demeure conséquent.
Le taux de réalisation des prévisions d’emprunt s’élève à 58,5 %. Signe que le Trésor a encore une marge de manœuvre mais qui témoigne aussi de sa dépendance accrue au levier de la dette pour soutenir le fonctionnement courant de l’État.
Pour leur part, les services de l’État gérés de manière autonome (SEGMA) montrent un léger excédent, avec des recettes de 1,56 MMDH pour 0,55 MMDH de dépenses, soit un taux de réalisation budgétaire de 77,3% pour les ressources.
Toutefois, les investissements SEGMA sont très en retrait, seuls 17% des crédits votés ont été consommés. Quant aux comptes spéciaux du Trésor, ils restent une pièce maîtresse du dispositif budgétaire. Avec 106,8 MMDH de recettes et 103,8 MMDH de dépenses, ils absorbent près de 27% du budget global. Leur taux de réalisation dépasse 63%, mais plusieurs postes comme les fonds d’appui aux régions ou les comptes de soutien à l’investissement restent sous-consommés.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO