Un islam du juste milieu, un pays de coexistence

Au carrefour de l’Afrique, du Monde arabe et de l’Occident, le Maroc a su faire de sa tradition spirituelle un véritable levier d’influence et de rayonnement. Le Royaume promeut un islam modéré, ouvert et tolérant, tout en préservant son héritage pluriel et sa tradition de coexistence pacifique entre confessions. De l’Afrique subsaharienne à l’Europe et au-delà, ce soft power religieux, soutenu par des institutions solides et une vision claire, s’impose comme un rempart contre l’extrémisme et un modèle de dialogue entre les cultures et les religions.
Au Maroc, la religion ne relève pas seulement de la foi intime. Elle incarne un socle d’identité collective, un levier de stabilité interne et un instrument d’influence régionale et internationale. Depuis son accession au Trône en 1999, le Roi Mohammed VI a fait de la diplomatie religieuse l’un des axes majeurs de la politique du Royaume, en l’inscrivant dans une vision plus large : celle d’un islam du juste milieu, ouvert, tolérant et résolument moderne, capable de répondre aux défis de son temps tout en restant fidèle à ses racines. Bien avant de devenir un levier structuré de soft power, l’islam marocain a façonné des siècles d’histoire et d’échanges spirituels.
Depuis Fès, ville-symbole et berceau de la Tidjania, de nombreux caravaniers, érudits et maîtres soufis ont relié le Maghreb à l’Afrique de l’Ouest, contribuant à diffuser une tradition religieuse marquée par le rite malékite et le soufisme pacificateur. L’explorateur Ibn Battouta au XIVe siècle illustrait déjà cette ouverture vers les horizons subsahariens. Aujourd’hui encore, ces liens séculaires structurent les fondements d’une diplomatie religieuse qui irrigue l’Afrique et au-delà.
Le Roi, garant de la cohésion spirituelle
La légitimité spirituelle du Roi est l’un des piliers de cette politique. En tant qu’Amir Al Mouminine, Commandeur des croyants, le Souverain n’est pas seulement un chef d’État. Il est le garant de l’unité religieuse, de la protection des cultes et de la préservation du vivre-ensemble. Cette double autorité politique et spirituelle offre au Maroc une position unique dans le monde musulman, où rivalisent écoles doctrinales et influences concurrentes.
Face aux attentats de Casablanca en 2003, point de bascule dans la gestion du champ religieux, le Royaume a engagé une profonde réforme de ses institutions : centralisation du discours religieux, professionnalisation de l’encadrement, contrôle des prêches et refonte de la formation des imams.
L’Institut Mohammed VI pour la formation des imams, morchidines et morchidates en est devenu un nouveau rempart. Mieux, plus de 2.700 imams africains y ont été formés à un islam modéré, tolérant et respectueux des spécificités culturelles locales.
Un rempart face aux influences concurrentes
Dans une Afrique où le religieux reste un ciment social et une arme d’influence, le Maroc propose un contre-modèle face à la poussée salafiste. Le Royaume se distingue par un islam ancré, modéré, encadré par des institutions nationales et soutenu par un réseau de confréries influentes. La Tidjania en Afrique de l’Ouest et la Qadiriya Boutchichiya en Europe constituent des relais mystiques puissants, qui prolongent la présence marocaine bien au-delà de ses frontières.
Cette stratégie religieuse est institutionnalisée à travers des structures comme la Fondation Mohammed VI des oulémas africains, active dans près de 50 pays, qui coordonne conférences, formations et distribution d’exemplaires du Coran édités au Maroc, selon la lecture Warch propre au Maghreb. Dans plusieurs capitales africaines, les mosquées Mohammed VI, à l’architecture soignée, rappellent cette empreinte marocaine d’un islam de paix et de dialogue. L’une des grandes forces du Maroc réside dans sa capacité à conjuguer identité islamique affirmée et pluralisme religieux assumé.
À côté des mosquées et des zaouias, le Royaume veille à préserver et valoriser son patrimoine juif millénaire, rare dans le monde arabo-musulman. Les synagogues restaurées, les musées, les cimetières entretenus, tout comme la reconnaissance constitutionnelle de l’affluent hébraïque dans l’identité nationale, attestent de cet attachement à la diversité.
Cette tolérance s’étend aussi à la présence chrétienne. En mars 2019, la visite du Pape François à Rabat, accueilli par le Roi Mohammed VI, a marqué un moment fort du dialogue interreligieux. Ensemble, le Roi et le Souverain Pontife ont réaffirmé les valeurs communes de paix, de fraternité et de respect mutuel, rappelant au monde que le Maroc, fidèle à sa tradition, reste une terre de cohabitation et d’ouverture.
Une projection vers l’Europe et le monde
La dynamique dépasse le seul espace africain. Chaque année, pendant Ramadan, des centaines d’imams formés au Maroc sont envoyés dans les mosquées européennes et nord-américaines pour encadrer les communautés issues de l’immigration et contrer toute dérive extrémiste.
Ce maillage est complété par la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger et le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, qui œuvrent à la préservation de l’identité culturelle et spirituelle des nouvelles générations. En conjuguant spiritualité enracinée, institutions modernes et diplomatie de la tolérance, le Maroc a réussi à faire de son modèle religieux un atout diplomatique, un facteur de stabilité et un vecteur de rayonnement international. Ce pari exige un équilibre délicat : préserver la crédibilité du discours, rester à l’écoute des aspirations sociétales et résister aux offensives idéologiques extérieures.
À l’heure où l’Afrique fait face à des fragilités sécuritaires, où l’Europe s’interroge sur l’intégration de ses diasporas et où le monde redécouvre l’urgence du dialogue interreligieux, le Maroc propose une voie : celle d’un islam modéré, tolérant, ouvert aux autres confessions, fidèle à ses racines tout en s’adaptant au monde moderne. Un modèle rare et précieux, qui rappelle qu’en ces temps de crispations, la spiritualité peut encore être un pont plutôt qu’un fossé, et que le Royaume, fort de son histoire et de sa vision, entend rester l’un des artisans de ce pont.
Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO