Taxe carbone : le geste de Bruxelles balayé par les industriels

Une récente révision du règlement MACF desserre l’étau sur les exportateurs dont le volume annuel n’excède pas les 50 tonnes. Un réajustement jugé anecdotique par les industriels locaux, qui y voient avant tout un geste symbolique de Bruxelles, sans incidence sur leurs activités.
L’Union européenne a entériné, officiellement, un assouplissement technique de son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Sur le papier, la révision adoptée le 29 septembre introduit une exemption pour les exportateurs hors UE dont les expédition annuelles n’excèdent pas la barre des 50 tonnes.
«Ce réajustement du mécanisme ne change pas la donne pour les partenaires commerciaux du Vieux Continent», estime Hakim Marrakchi, président de la commission de fiscalité à la CGEM.
En pratique, le MACF, entré en vigueur depuis octobre 2023, ne vise que six secteurs stratégiques – ciment, acier, aluminium, engrais, électricité et hydrogène – et uniquement sur de gros volumes.
«Cinquante tonnes dans ces secteurs, c’est peanuts», balaie d’un revers de main cette figure du patronat.
En desserrant l’étau autour des “petits” exportateurs, le Conseil européen s’inscrit dans la logique consistant à décourager les délocalisations industrielles carbonées au profit d’une production plus propre.
«Si nous voulons réussir la transition écologique et renforcer la compétitivité de l’Europe, nous devons supprimer les contraintes administratives inutiles», a déclaré à cet égard la ministre danoise des Affaires européennes, Marie Bjerre, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE.
Enjeu de compétitivité
Au-delà de l’exemption, ce qui compte, ce sont les étapes à venir. Dès janvier 2026, le mécanisme devrait s’étendre à de nouveaux secteurs comme les plastiques, le verre ou le papier. «La compétition se joue désormais sur la transparence et la capacité à anticiper une réglementation qui, tôt ou tard, englobera l’ensemble des industries», observe Redouane Lachgar, consultant en stratégie industrielle.
Pas d’incidence immédiate
À court terme, la simplification n’aura donc pas d’incidence immédiate sur les exportateurs. Le véritable enjeu demeure l’élargissement prévu à d’autres pans de l’économie et dans la capacité des industriels à accélérer la transition vers une production plus verte. La décision européenne, pensée pour éviter les délocalisations, traduit une logique protectionniste ancrée de longue date au sein de l’UE, contrairement aux États-Unis, où la régulation privilégie l’efficience du marché et la sécurité des consommateurs.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières reste, pour l’heure, dans une phase transitoire. Lancé en octobre 2023, il impose jusqu’à fin 2025 une simple collecte de données sur les émissions des secteurs concernés, sans obligation financière. Ce n’est qu’à partir du 1er janvier 2026 que la taxe entrera véritablement en vigueur, avec un élargissement attendu à d’autres filières. En attendant, les industriels locaux disposent encore d’une marge pour s’adapter. Les filières directement visées, comme celle des engrais, se préparent déjà à verdir leur production.
Le tissu productif s’organise autour d’OCP, acteur central du secteur. «OCP a déjà engagé un plan ambitieux pour développer la filière des engrais verts, notamment via l’ammoniaque vert», précise Hakim Marrakchi. D’autres branches, encore épargnées, savent que la pression s’exercera tôt ou tard, non seulement par la réglementation européenne, mais aussi par les donneurs d’ordre eux-mêmes.
Quid du textile ?
Si le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) cible aujourd’hui l’acier, le ciment, l’aluminium, les engrais azotés, l’hydrogène et l’électricité, le secteur textile n’est pas directement concerné. «Les industriels du textile ne sont pas du tout concernés par rapport aux deadlines du 1er janvier 2026», rappelle Redouane Lachgar, consultant en stratégie industrielle, spécialiste du secteur.
Et pour cause, les exportations vers l’Union européenne s’effectuent quasi exclusivement sous le régime d’admission temporaire pour perfectionnement actif (ATPA). Selon l’Office des changes, 97,7% des exportations reposent sur ce modèle, où le tissu est importé et la valeur ajoutée locale se limite à la coupe et à la confection. Or, ces étapes, peu énergivores, ne génèrent qu’une empreinte carbone marginale.
«Ce sont de petites machines qui consomment certes de l’électricité, mais sans commune mesure avec la filature, très consommatrice d’énergie», explique Lachgar.
Pour autant, le secteur n’échappe pas aux mutations en cours. Les grandes marques exigent désormais de leurs sous-traitants des données précises sur leur impact environnemental. La directive européenne sur le passeport digital des produits, fondée sur l’analyse du cycle de vie, introduit une nouvelle exigence, à savoir le suivi de l’empreinte carbone et environnementale tout au long de la chaîne.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO