Vieillissement démographique : les inquiétudes de l’OCDE sur la croissance

La population active diminue, les dépenses sociales augmentent, la productivité stagne. Dans un rapport publié vendredi, l’OCDE alerte sur les conséquences du vieillissement démographique, qui menace à long terme l’emploi, la croissance économique et la soutenabilité budgétaire dans ses pays membres.
Le temps presse pour les économies avancées. Dans un rapport publié vendredi 18 juillet, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sonne l’alarme : le vieillissement démographique aura des conséquences «significatives» sur l’emploi, la croissance et les équilibres budgétaires des pays membres. À l’horizon 2060, un quart d’entre eux pourrait voir leur population active reculer de plus de 30%, avec à la clé une pression accrue sur les finances publiques et une perte de dynamisme économique.
Cette perspective s’impose malgré une conjoncture à première vue résiliente. Le marché du travail dans la zone OCDE affiche des performances historiquement solides : le taux d’activité atteint des niveaux record dans de nombreux pays et le taux de chômage reste faible, à 4,9% en mai 2025. Le rapport note néanmoins un «essoufflement» de cette dynamique, sur fond de tensions géopolitiques, de ralentissement des échanges internationaux et d’incertitudes commerciales.
Un choc structurel inévitable
Au cœur du diagnostic, une évolution structurelle : la combinaison d’un taux de natalité en berne et de l’allongement de l’espérance de vie. Résultat : le taux de dépendance des personnes âgées — qui rapporte le nombre de personnes de 65 ans et plus à celui des actifs — est passé de 19% en 1980 à 31% en 2023, et pourrait grimper jusqu’à 52% d’ici 2060. Une transformation démographique qui n’épargne aucun continent et impose une refonte des modèles économiques.
Selon les projections de l’OCDE, l’emploi continuera de croître à court terme (+1,1% en 2025, +0,7% en 2026), mais cette dynamique ralentira mécaniquement à mesure que la population active se contracte. Sans action publique déterminée, la croissance du PIB par habitant dans la zone OCDE pourrait ainsi chuter de près de 40% par rapport aux moyennes enregistrées avant la pandémie (de 1% par an sur la période 2006-2019 à 0,6% entre 2024 et 2060).
Activer tous les leviers disponibles
Pour enrayer cette trajectoire, l’organisation appelle à une mobilisation de grande ampleur. Elle recommande de s’attaquer à trois fronts simultanément : l’allongement des carrières professionnelles, l’activation des publics sous-représentés (notamment les femmes et les jeunes), et la relance de la productivité via l’innovation et la montée en compétences.
Premier levier : le maintien en emploi des seniors. Le rapport estime qu’en réduisant la proportion de travailleurs âgés quittant prématurément le marché du travail — pour la ramener au niveau des pays les plus performants de l’OCDE — il serait possible d’atténuer de manière significative l’impact du vieillissement sur la croissance économique. Cela suppose de lever les freins structurels (santé, conditions de travail, formations) et culturels à l’emploi après 60 ans.
Deuxième levier : l’intégration du «potentiel inexploité» des femmes. Malgré des progrès dans de nombreux pays, leur taux de chômage demeure supérieur de 0,5 point à celui des hommes. L’OCDE plaide pour des politiques volontaristes : accès à la garde d’enfants, égalité salariale, flexibilisation du temps de travail.
Enfin, troisième levier, la productivité, moteur essentiel de la prospérité future. À cet égard, les technologies numériques, en particulier l’intelligence artificielle, représentent une opportunité majeure. Mais leur adoption devra s’accompagner d’une politique ambitieuse de formation tout au long de la vie, pour éviter que les mutations technologiques n’excluent les travailleurs les moins qualifiés ou les moins jeunes.
L’enjeu de la soutenabilité budgétaire
Au-delà de la croissance, les déséquilibres démographiques posent un défi budgétaire de taille : retraites, santé, dépendance… La hausse des dépenses sociales pourrait accentuer la pression sur les finances publiques, à moins d’un ajustement profond des systèmes de protection sociale. Le rapport ne tranche pas entre relèvement de l’âge de départ à la retraite, hausses d’impôts ou nouvelles modalités de financement, mais il insiste sur la nécessité d’un débat ouvert et structurant.
L’équation du vieillissement, conclut l’OCDE, ne se résoudra pas par des ajustements techniques. Elle exige une transformation profonde des modèles économiques et sociaux, à rebours des tendances actuelles de repli ou d’inaction. Un enjeu vital pour garantir une prospérité partagée et durable dans les décennies à venir.
S.N. avec agences / Les Inspirations ÉCO