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Dirham face au dollar : vers un rééquilibrage durable?

Tandis que le dirham enregistre une appréciation marquée face au dollar depuis le début de l’année 2025, BMCE Capital Global Research alerte sur un mouvement de fond qui est plus qu’un simple ajustement conjoncturel. Entre affaiblissement structurel du billet vert, regain de vigueur de l’euro et élargissement des spreads de liquidité, le marché des changes entre dans une phase de recomposition durable.

Le mois de juin confirme un tournant silencieux mais stratégique sur le marché des changes. Alors que le dirham s’est apprécié de 2,37% face au dollar sur un mois et de près de 11% depuis le début de l’année, une question se pose : cette tendance est-elle conjoncturelle ou marque-t-elle un mouvement de fond dans l’évolution des équilibres monétaires mondiaux ? À travers son dernier rapport FX Monthly, publié début juillet, BMCE Capital global research (BKGR) livre une analyse détaillée, soulignant les facteurs à la fois techniques et économiques à l’origine de cette dynamique, et livrant ses prévisions à moyen terme.

Le dollar affaibli par le climat géopolitique et économique international
Selon BKGR, «l’effet marché nettement baissier intervient dans un contexte de regain d’appétit pour le risque à l’échelle internationale et d’une appréciation notable de l’euro». Le recul du billet vert s’explique en grande partie par des signes de ralentissement de l’économie américaine et des interrogations sur l’indépendance de la Réserve fédérale (Fed).

Le rapport pointe, notamment, les pressions exercées par l’administration Trump pour des baisses de taux, alors même que l’économie montre des signes de fragilité.

Dans ce climat, les investisseurs se repositionnent vers d’autres devises. Le franc suisse atteint ainsi son niveau le plus élevé depuis 2011, porté par son statut de valeur refuge. La paire USD/CHF a chuté de 3,59% sur le seul mois de juin, souligne BKGR.

L’euro en force, le panier de référence du dirham en mutation
Au cœur de cette recomposition monétaire figure l’euro, qui a enregistré une hausse importante de 3,48% face au dollar en juin, avec un pic à 1,1789. Un plus haut depuis plus d’un an.

Selon BKGR, cette performance résulte de plusieurs facteurs combinés : «des indicateurs d’activité bien orientés en Zone euro, la poursuite de l’atténuation des pressions inflationnistes et une politique monétaire plus accommodante».

Cet élément est d’autant plus important pour le Maroc que le dirham est adossé à un panier de référence où l’euro occupe une place prépondérante. Résultat, «l’effet panier explique la baisse de -1,5948% de la paire USD/MAD, contre -0,3366 % pour l’effet marché pur», détaille BKGR. Autrement dit, la composition même du panier amplifie l’appréciation du dirham face au dollar.

Quels niveaux cibles à moyen terme ?
Le rapport se veut très clair : la tendance observée n’est pas un phénomène passager. À horizon trois à six mois, BKGR anticipe une poursuite de la hausse de l’euro face au dollar, autour de 1,16 à 1,18. Cela se traduirait mécaniquement par une poursuite du recul de l’USD/MAD, attendu à 10,15 dans trois mois, puis à 9,20 d’ici six mois.

De même, la parité EUR/MAD s’établirait à 10,61 à trois mois et à 10,75 à six mois, dans un scénario marqué par «une hausse attendue des spreads de liquidité».

Sur ce point, le document attire l’attention sur l’évolution du spread de liquidité observé sur le marché marocain, qui reflète à la fois la profondeur et l’accessibilité du marché des changes local. Plus ce spread s’élargit, plus les anticipations de variation sont intégrées par les opérateurs, renforçant l’effet amplificateur sur les cours.

Une trajectoire cohérente avec le contexte macroéconomique mondial
En parallèle, les grandes économies mondiales affichent des signaux divergents. La Zone euro voit son taux directeur ramené à 2%, tandis que l’inflation se stabilise autour de 2%, contre 2,4% aux États-Unis. Le Royaume-Uni, quant à lui, reste confronté à une inflation relativement élevée (+3,4% en mai), mais elle tend à se réduire.

Cette disparité des trajectoires monétaires contribue à redessiner les équilibres sur le marché des changes. Pour le Maroc, cela se traduit mécaniquement par une valorisation relative du dirham, en particulier face au dollar, dans un contexte où le pays s’appuie de plus en plus sur des flux en devises diversifiés, des investissements directs étrangers, des financements d’infrastructures et des exportations.

Un mouvement surveillé de près par Bank Al-Maghrib
Il est à noter que cette dynamique s’inscrit dans un régime de change encadré, dans lequel Bank Al-Maghrib permet au dirham d’évoluer librement à l’intérieur de bandes de fluctuation actuellement fixées à plus ou moins 5%.

Depuis l’élargissement de ces bandes en mars 2020, aucun signal d’intervention directe de la Banque centrale n’a été observé. Cette stabilité est également soutenue par des fondamentaux solides, notamment des réserves de change qui couvrent environ six mois d’importations, selon les données les plus récentes.

Il reste à voir si ce mouvement aura des répercussions significatives sur l’économie réelle, notamment sur la compétitivité des exportateurs marocains et sur les flux de trésorerie des entreprises opérant à l’international. Mais une chose est certaine, les opérateurs économiques nationaux seraient bien avisés d’intégrer ce nouveau paradigme monétaire dans leurs stratégies de couverture de change et de financement international.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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