Souss-Massa : hausse préoccupante des dissolutions d’entreprises

Selon le rapport 2025 de l’OMTPME, le tissu entrepreneurial de Souss-Massa reste globalement stable malgré un rythme de créations post-Covid qui a été ralenti. Cependant, l’étude alerte sur une augmentation sensible du nombre d’entreprises dissoutes. Ce chiffre est passé d’une moyenne annuelle de 400 avant 2020 à 660 en 2022-2023. Les facteurs détaillés de ce taux de dissolution, qualifié de «sensible» par le rapport, expliqués par Aaziz Oulmoudne, professeur universitaire et économiste.
L’Observatoire marocain de la TPME (OMTPME) a levé le voile sur la santé économique du tissu entrepreneurial de la région Souss-Massa dans son rapport 2025. C’est dans le cadre de sa mission de production de statistiques et d’indicateurs portant sur le tissu productif national que cette entité a publié la quatrième édition de ses rapports régionaux.
Objectif : fournir un diagnostic du système productif de chaque région. L’étude a été enrichie par une analyse comparative avec la période pré-covid (de 2017 à 2019) et un diagnostic du tissu des entreprises personnes morales actives (EPMA), au titre des années 2022 et 2023.
Dans le détail, le rapport révèle que la structure du tissu productif est demeurée globalement stable dans la période post-covid 19. La part des microentreprises s’est ainsi stabilisée autour de 86% en 2023, après une progression à un rythme relativement plus important en 2020 et 2021.
Selon les données de la DGI, leur effectif a retrouvé, au cours des années 2022 et 2023, un rythme de croissance inférieur de celui de la période pré-Covid, avec des créations annuelles moyennes de près de 4.000 entreprises, en quasi-totalité dans la préfecture d’Agadir-Ida-Outanane.
Rattrapage suite à la fermeture des tribunaux
Parallèlement, le nombre d’entreprises dissoutes a connu une augmentation sensible, passant d’une moyenne annuelle de 400 pendant la période pré-covid à 660 au cours des années 2022 et 2023.
«Il est essentiel de noter que le constat de l’augmentation des dissolutions post-Covid est confirmé par le rapport après la période 2021-2023. La moyenne annuelle est de près de 400 pendant cette période pré-Covid (avant 2020) à 660 en moyenne annuelle au cours des années 2022-2023. Le pic le plus élevé (730 dissolutions) a été atteint en 2023. Cependant, nous pouvons observer que la tendance générale de création a globalement augmenté sur la période, passant de 2.898 à 3.896,probablement en raison du report de projets initialement prévus en 2020», explique Aaziz Oulmoudne, professeur universitaire et économiste.
En ajoutant que «pour le recul des dissolutions observé en 2020, cette baisse résulte principalement de la fermeture des tribunaux à cause du contexte pandémique qui a temporairement suspendu les procédures, causant un effet cumulatif. Cela suggère que le rythme réel de dissolutions a été ralenti en 2020 en raison de l’impossibilité ou de la difficulté de mener les procédures légales nécessaires».
Toujours selon le professeur Oulmoudne, «plusieurs facteurs expliquent ce taux surtout durant cette période post-Covid où l’augmentation des dissolutions dans les années 2021-2023 peut être interprétée comme un effet de rattrapage suite à la fermeture des tribunaux en 2020, combiné aux impacts économiques persistants ou retardés de la pandémie sur la santé des entreprises.
La vulnérabilité des entreprises surtout anciennes est aussi à souligner, spécifiquement celles âgées de plus de 20 ans qui ont été les plus touchées par ces chocs». Pour sa part, la répartition géographique de l’augmentation touche la majorité des provinces et préfectures. Celle d’Agadir-Ida-Outanane a concentré 59% des dissolutions en 2023».
Un chiffre d’affaires de 123,1 milliards de dirhams
Les entreprises de la région génèrent un chiffre d’affaires de 123,1 milliards de dirhams (MMDH) et une valeur ajoutée de 21,716 milliards, soit des évolutions respectives de 8,8% et 15,1% par rapport à 2022, et de 54,4% et 56,6% par rapport à 2017.
Pour sa part, le commerce se distingue comme le principal contributeur à ces indicateurs, avec des parts avoisinant, respectivement, 49,6% et 43,5%. Les grandes entreprises ont réalisé 52,3% du chiffre d’affaires et 49,2% et de la valeur ajoutée.
Dans le détail, l’analyse de l’évolution du tissu productif au niveau provincial fait ressortir des dynamiques démographiques différenciées. Les provinces de Taroudant et Chtouka-Aït Baha, en particulier, se distinguent par une hausse notable du nombre d’EPMA. La préfecture d’Agadir-Ida-Outanane, elle, se démarque par des hausses du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée. Notons que les préfectures d’Agadir-Ida-Outanane et d’Inezgane-Aït Melloul ont concentré 75,4% des EPMA, générant 92,2% du chiffre d’affaires et 92,9% de la valeur ajoutée de la région.
Par ailleurs, 66,5% des entreprises affiliées à la CNSS y sont implantées, employant 55,8% de l’ensemble des salariés déclarés. Par ailleurs 12,2% des EPMA de la région sont dirigées par des femmes, en deçà de la moyenne nationale de 15,1%. Cette part s’est établie à 15,5% dans la préfecture d’Agadir-Ida-Outanane et à 10,8% dans la province de Tiznit.
Financement : la moitié de l’encours concentré à Agadir-Ida-Outanane
L’analyse par province des indicateurs liés au financement bancaire par les EPMA, en 2023, montre que 50,6% de l’encours de ce financement est concentré dans la préfecture d’Agadir-Ida-Outanane, qui représente 58,1% de l’effectif des entreprises étudiées.
Le nombre d’EPMA non financières dans la région, ayant bénéficié de crédits, par décaissement et/ou par signature auprès des établissements de crédit, s’est élevé à 8.869 en 2023, soit une augmentation de 13,7% par rapport à l’année précédente. L’encours total de ces crédits s’est élevé à 22,5 MMDH, en croissance annuelle de 21,9%. Les entreprises dirigées par des femmes représentent 11,6% de cet effectif. La répartition par classe d’âges montre que les EPMA âgées de plus de 10 ans, qui représentent 40,7% de l‘effectif total des EPMA, ont bénéficié de 71,4% de l’encours global des crédits.
Pour ce qui est des entreprises âgées de moins de 5 ans, représentant 32,5% de cet effectif, elles ont disposé d’une part de 10,9% de cet encours. L’analyse par catégorie d’entreprises révèle que 56,7% de l’encours du crédit bancaire est octroyé aux TPME et 43,3% aux grandes entreprises (GE). Ces parts s’établissaient, respectivement, à 59,7% et 40,3% en 2022.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO