Pavillon bleu : les plages du Grand Agadir toujours aux abonnés absents

Exception faite de la plage d’Aglou, la destination Agadir, considérée comme la première station balnéaire englobant l’axe Agadir-Anza-Aourir-Taghazout-Imi Ouaddar et Imssouane, n’est pas parvenue à hisser, une fois de plus, le drapeau du pavillon bleu durant le pic estival. En cause : la persistance de sources de dégradation des eaux de baignade, qui, si elles sont tout à fait propres à la baignade, ne répondent cependant pas aux normes d’excellence exigées par le pavillon bleu.
Plus qu’un petit drapeau flottant au vent, le pavillon bleu est un argument de vente environnementale pour les destinations touristiques désireuses de labéliser leur offre balnéaire. À la destination Agadir – considérée comme la première station balnéaire du Royaume, qui englobe l’axe Agadir-Anza-Aourir-Taghazout-Imi Ouaddar et Imssouane -, le drapeau du pavillon bleu ne sera pas hissé durant le pic saisonnier estival (entre juillet et début septembre) sur ces différentes plages.
De ce fait, ces pôles balnéaires ne se verront pas décerner cette année encore le Pavillon bleu, adossé au programme national «Plages propres» de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement. Ces plages, connues pour leur forte affluence et la pratique des différentes activités de sport de glisse, restent donc toujours aux abonnés absents, et ce, depuis 2016.
Ce constat n’est pas limité à la plage d’Agadir, mais à l’ensemble des principaux sites situés au sud et au nord de la destination, notamment les plages relevant des territoires d’Aourir, Taghazout et Tamri où sont nichées deux stations (Taghazout Bay et Imi Ouaddar dédiée au tourisme interne) ainsi que la plage d’Imssouane.
Pour autant, hormis la plage d’Aglou relevant de la province de Tiznit, les autres communes n’ont pas procédé à la labellisation (candidature volontaire) de leurs plages. En cause : la persistance de sources de dégradation des eaux de baignade qui sont tout à fait propres à la baignade mais ne répondent cependant pas aux normes d’excellence exigées par le pavillon bleu.
Une qualité des eaux insuffisante
En effet, cet écolabel – qui est régi par la norme marocaine 03.7.199, directement issue de la directive européenne de 2006 – impose une qualité excellente aux eaux de baignade. Le but est de récompenser les efforts des communes pour leur action en matière de qualité des eaux, d’information, de sensibilisation et d’éducation à l’environnement ainsi que d’hygiène, de sécurité et d’aménagement/gestion des plages.
Afin de pallier à cette situation, la Société régionale multiservices Souss-Massa (SRM-SM) a lancé un appel d’offres visant à mettre en place un dispositif de suivi de la qualité des eaux de baignade dans la zone sensible entourant les émissaires en mer du Grand Agadir. Cette action vient en complément des analyses effectuées, d’une façon régulière, par le Laboratoire national des études et de surveillance de la pollution (LNESP) à travers une multitude de stations.
Cette source de pollution continue d’altérer la qualité des eaux de baignade, empêchant la labellisation des plages du Grand Agadir. C’est pourquoi ce marché, dont le délai d’exécution est fixé à 12 mois, revêt une importance cruciale pour la protection de l’environnement côtier et la santé publique.
En effet, dans cette destination touristique de premier plan, la présence d’émissaires en mer nécessite une surveillance constante en vue de s’assurer que les rejets n’impactent pas négativement l’écosystème marin proche ni la qualité sanitaire des zones de baignade adjacentes ou voisines.
Ce marché porte sur l’exécution de prélèvements et d’analyses physico-chimiques et biologiques des eaux marines autour des émissaires. Il a pour objectif de fournir à la SRM-SM les données scientifiques indispensables pour évaluer l’impact des émissaires, détecter d’éventuelles anomalies et prendre les mesures correctives nécessaires. Il s’agit d’une démarche proactive essentielle pour la gestion environnementale et le maintien de l’attractivité de la destination Agadir.
Une multitude de sources de dégradation
Le niveau de vulnérabilité de la zone de baignade d’Agadir est qualifié de fort sous l’influence, principalement, des déversements industriels de la zone d’Anza. Ladite zone continue de subir l’impact de plusieurs rejets en mer déversés en majorité par les unités industrielles de conserves et de farine de poisson, et l’industrie de l’huilerie. Et bien que la zone de baignade d’Agadir soit située en milieu ouvert, favorisant la circulation et le renouvellement des eaux, la vitesse et la direction du vent ont un effet direct sur le déplacement de ces polluants vers la plage d’Agadir.
De ce fait, les déversements d’Anza, chargés en matières organiques et en sel atteignent facilement cette zone de baignade, altérant la qualité des eaux de baignade. La plage d’Agadir est sous l’influence aussi des activités portuaires, notamment l’enceinte portuaire d’Agadir et le port de plaisance. Ces derniers, bien que disposant de leurs stations de traitement, déversent leurs rejets dans le réseau d’assainissement. Il s’agit sans doute de vidanges d’hydrocarbures liquides en raison de la concentration de bateaux dans les deux ports.
De plus, la plage d’Agadir voit sa contamination augmentée par les hydrocarbures compte tenu de la concentration de bateaux dans le port de pêche lors de la période de repos biologique. Il s’agit essentiellement d’huiles usées, de boues mazoutées et d’eaux de cales de bateaux. Le constat est le même pour le port de plaisance où l’activité des croisières touristiques s’est multipliée avec la pratique des activités de jet ski.
S’agissant du port de plaisance – lieu de cale des plaisanciers, dont certains restent occupés pendant tout leur séjour -, il est aussi sujet de pollution ménagère. De surcroît, les dépôts de conteneurs poubelles, situés près de la digue du port, participent à accentuer le degré de pollution après ruissellement de lixiviat vers la mer du côté nord de la plage.
Des écoulements en temps sec à la plage ?
D’autres sources sont également identifiées comme l’une des sources polluantes de la plage, notamment les rejets d’oueds durant les périodes de pluie. Le réseau d’eaux pluviales, de par la présence d’un exutoire au niveau de la zone de baignade, peut être responsable d’apports de pollutions bactériologiques lors d’événements pluvieux.
Néanmoins, cet exutoire présente des écoulements par temps sec dont l’origine et le débit sont inconnus, ce qui provoque périodiquement le mécontentement des estivants. À cela s’ajoutent les rejets d’eau usée véhiculée par les cours d’eau débouchant dans la plage d’Agadir. Sont également à incriminer cinq cours d’eau (Oued Lghazoua, Oued Tildi, Oued Tannout, Oued Lahouar et Oued Souss), qui jettent leurs rejets dans la plage en cas de précipitations et de fortes crues.
Stations de refoulement et de relevage… des dysfonctionnements
L’autre source de pollution, et non des moindre, est l’impact engendré lors du dysfonctionnement des stations de refoulement et de relevage dans la zone touristique et balnéaire, mais aussi dans le Grand Agadir ; les rejet des eaux usées non totalement traitées par la STEP de M’Zar dans la mer, au sud de l’embouchure d’oued Souss ; et la carence d’assainissement liquide surtout dans les communes situées au nord d’Agadir.
Par ailleurs, d’autres activités nuisibles affectent la qualité des eaux de baignade, notamment la présence de chiens errants, en plus de l’inadaptation des ouvertures des blocs sanitaires avec les activités ludiques et sportives des usagers sur la plage d’Agadir.
Partant de ce constat, le profil des eaux de baignade d’Agadir avait déjà nécessité plusieurs actions (mesures prioritaires et complémentaires). Cependant, les sources identifiées de dégradation continuent toujours d’altérer la qualité des eaux de baignade en l’absence d’un plan de gestion intégré pour traiter l’ensemble des problématiques, lesquelles dépassent les seules communes.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO