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TRC-RCD : l’assurance entre dans le dur

Avec la montée en régime des assurances TRC et RCD, l’acte de bâtir s’adosse désormais à un cadre assurantiel plus exigeant. Lors d’une Masterclass organisée à Casablanca, l’ACAPS a détaillé ce dispositif susceptible de faire évoluer la culture du risque dans le secteur de la construction.

Il n’y a pas d’activité de construction durable sans couverture du risque. Dans le bâtiment, cette évidence a pourtant mis du temps à germer. Pendant des décennies, la croissance urbaine s’est jouée sur la rapidité d’exécution qui primait sur l’anticipation des risques et considérait le sinistre comme une anomalie.

La réforme initiée par l’ACAPS entend rompre avec cette logique. En rendant obligatoires les assurances Tous risques chantier (TRC) et Responsabilité civile décennale (RCD), l’organe national de supervision des assurances cherche à inscrire l’acte de bâtir dans une logique de traçabilité assurantielle, depuis la première brique jusqu’à la dixième année post-réception de l’ouvrage.

Il faut dire que dans les faits, les situations critiques se sont multipliées. Un effondrement partiel dû à un vice ignoré lors de la construction, des équipements de chantier détruits par un incendie, ou encore un dégât causé au voisinage suite à un terrassement défaillant… autant de cas dans lesquels l’absence d’assurance plonge le maître d’ouvrage dans l’incertitude juridique et financière. C’est précisément pour prévenir ce type d’impasse que l’ACAPS a organisé, le 24 juin à Casablanca, une Masterclass à destination des journalistes.

Objectif affiché : détailler les modalités d’un régime désormais obligatoire, dont les tenants et aboutissants sont encore peu maîtrisés par les maillons de la chaîne de production.

Depuis le 30 décembre 2024, tout ouvrage dépassant certains seuils techniques ou de superficie doit à la fois être couvert pendant la durée des travaux via la TRC, puis durant les dix années suivant la livraison par la RCD. L’arsenal juridique, s’il puise dans des textes anciens comme le Dahir de 1913, a été renforcé par deux arrêtés ministériels promulgués fin 2024. Leur ambition n’est pas tant de multiplier les formalités que d’ancrer un principe simple, celui de la responsabilité partagée et traçable sur toute la vie de l’ouvrage.

Préserver l’investissement et l’humain
Le dispositif repose sur une double protection : celle du bien construit et celle des personnes exposées durant l’acte de bâtir. La TRC s’inscrit ainsi dans un schéma à deux volets, couvrant les dommages subis par l’ouvrage lui-même et la responsabilité des intervenants en cas d’atteinte à des tiers.

«On parle ici de préserver à la fois l’investissement et les personnes», explique un expert, qui précise à juste titre que les seuils de franchise ont été strictement encadrés, afin d’éviter les effets d’éviction ou les non-indemnisations récurrentes.

«Le maître d’ouvrage, mais aussi l’architecte ou l’entrepreneur, doivent être couverts. Sans cela, le coût du risque finit toujours par retomber sur les plus faibles.» La RCD prend le relais à la réception du chantier. Son périmètre se veut certes plus restreint, mais sa portée est plus lourde  puisqu’elle engage la responsabilité des constructeurs pendant dix ans en cas d’effondrement ou de danger manifeste compromettant la solidité du bâti.

«Ce n’est pas une couverture de confort. Elle permet aux occupants finaux d’être protégés contre les vices graves, même lorsque les intervenants initiaux ont disparu», souligne une experte de l’ACAPS. Elle rappelle que les plafonds de garantie sont désormais calibrés sur la réalité économique des projets, avec un minimum fixé à 500 millions de dirhams pour un projet unique.

Le contrôle technique, clé de voûte du dispositif
Un autre pilier du dispositif réside dans l’instauration d’un contrôle technique obligatoire, confié à un bureau indépendant. Présent dès les premières phases du chantier, cet acteur tiers joue un rôle déterminant dans la sécurisation de l’ouvrage.

Le bureau de contrôle technique, désormais requis pour tout chantier soumis aux assurances TRC et RCD, s’impose comme l’un des leviers les plus structurants du nouveau régime. Son intervention en amont – lecture critique des plans, étude du sol, vérification des méthodes – puis en aval, via un rapport final opposable, transforme en profondeur la chaîne de responsabilité.

Ce rapport conditionne la validité du contrat d’assurance et permet, en cas de sinistre, de définir de manière claire les responsabilités des différentes parties prenantes. Mais la portée réelle de ce nouveau cadre dépendra moins de sa solidité juridique que de son appropriation par les acteurs de terrain. Nombre de professionnels, encore mal informés ou hésitants, continuent de sous-estimer la portée du dispositif. Dans bien des cas, aucun contrôle n’est opéré sur la présence effective des assurances, ni au stade du permis de construire, ni lors de la réception de l’ouvrage.

L’ACAPS prévoit d’intensifier les actions de sensibilisation, mais l’adhésion reste inégale, en particulier dans les segments intermédiaires du marché. Faute de référentiel partagé ou de guichet unique, certains maîtres d’ouvrage peinent à s’orienter dans l’offre.

D’autres renoncent à souscrire, convaincus que le risque peut encore se gérer hors cadre. Il faudra plus qu’un corpus normatif pour installer durablement la logique assurantielle dans l’économie du chantier. À défaut, le secteur s’expose à des risques que le seul cadre légal ne sera pas à même de contenir.

Près de 5.000 réclamations déposées auprès de l’ACAPS !

Soucieuse de renforcer la transparence et la protection des assurés, l’ACAPS a mis en place une plateforme électronique dédiée au traitement des réclamations. Accessible depuis 2016, ce guichet en ligne permet aux assurés de signaler litiges ou manquements dans la mise en œuvre de leur couverture.

En 2024, près de 5.000 réclamations y ont été enregistrées, avec un taux de traitement avoisinant les 90%. Une dynamique qui témoigne, selon l’autorité, d’une volonté croissante d’encadrer les pratiques commerciales du secteur et d’instaurer une relation plus équilibrée entre assureurs et assurés.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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