Maroc

Finance participative : un modèle quasi-centré sur la Mourabaha

Portée par l’essor de sa composante immobilière, la finance participative poursuit sa progression au Maroc. Mais sa dépendance à un unique produit freine encore son ancrage dans l’économie réelle, en l’absence d’outils d’épargne et de financement plus diversifiés.

Longtemps cantonné à la périphérie du système financier, le modèle participatif s’est peu à peu imposé comme une composante crédible du paysage bancaire. Nourrie par une demande soutenue et un encadrement réglementaire en voie de consolidation, cette branche de la finance, dite éthique, bute encore sur un enjeu de diversification. Les derniers chiffres publiés par Bank Al-Maghrib confirment cet élan. Entre décembre 2024 et février 2025, les encours des financements participatifs ont progressé de 1,7%, pour atteindre 34,65 milliards de dirhams.

Sur un an, la hausse dépasse les 20%. Cette croissance repose quasi exclusivement sur un produit :
la Mourabaha immobilière, qui concentre à elle seule plus de 82% des encours, soit 28,4 milliards de dirhams, en hausse de 18,7%. Cette prédominance tient autant à la demande qu’à l’offre.

«Lorsqu’il n’y a pas d’écart de prix avec l’offre conventionnelle, les gens optent pour le participatif. Ils s’y sentent plus en confiance sur le moyen-long terme», observe Said Amaghdir, président de l’Association marocaine des professionnels de la finance participative.

La généralisation du Takaful, une assurance emprunteur conforme à la charia, a renforcé cet attrait, en garantissant notamment la transmission du bien en cas de décès.

Dispositif limité
Mais cette adhésion repose pour l’heure sur un dispositif peu diversifié. Les produits censés soutenir le commerce ou l’investissement – Salam, Ijara, Moucharaka – peinent à décoller. Le financement Salam plafonne à 384 millions de dirhams. Les produits plus complexes restent suspendus à des validations réglementaires qui tardent. Même les projets de montée en gamme de la Mourabaha, où la banque assumerait la promotion immobilière, se heurtent à la frilosité prudentielle.

«Tout le monde y gagnerait si les banques construisaient, puis vendaient. Mais cela demande du temps et de la volonté», confie Amaghdir.

Pour l’heure, l’appétit pour le risque demeure contenu. L’autre point de tension réside dans la faible diversification de l’épargne. Si les dépôts à vue progressent lentement (12,03 milliards de dirhams, +0,4 % sur deux mois), les dépôts d’investissement – censés porter une logique d’épargne productive – reculent à court terme, bien qu’en hausse annuelle.

L’arrivée des OPCVM participatifs pourrait rebattre les cartes. La loi, attendue courant 2025, devrait ouvrir la voie à une nouvelle génération de supports : ETF conformes à la charia, fonds en devises, instruments à règles de fonctionnement allégées… Chaque véhicule sera étudié pour en garantir la compatibilité doctrinale, dans un esprit d’innovation maîtrisée.

Dans cette perspective, les professionnels misent sur un élargissement progressif du socle réglementaire. L’écosystème bancaire a été structuré depuis 2013, avec le concours de Bank Al-Maghrib, de l’ACAPS et du ministère des Finances. Si le socle bancaire et assurantiel s’est consolidé depuis 2013, la place des Sukuk dans le financement reste marginale. L’émission souveraine attendue se fait attendre. Quant aux projets privés, ils butent sur des procédures de validation trop longues. «La loi sur les OPCVM complètera l’édifice, mais il faut aussi fluidifier les circuits», note Amaghdir.

Impact modeste
Cette lente montée en charge a des effets visibles sur le terrain. Le produit Daâma Tamwil, adossé à Tamwilcom, vise à favoriser l’inclusion financière via des garanties publiques. Mais l’impact demeure modeste à ce stade. Malgré une base sociale solide, la finance participative n’a pas encore franchi le cap d’une diversification fonctionnelle.

Dans cette perspective, les professionnels misent sur un élargissement progressif du socle réglementaire. L’écosystème bancaire a été structuré depuis 2013, avec le concours de Bank Al-Maghrib, de l’ACAPS et du ministère des Finances. Reste à intégrer pleinement les marchés de capitaux.

«La loi sur les OPCVM participatifs viendra compléter le socle banque-assurance», explique Amaghdir.

Mais les Sukuk, obligations conformes à la charia, peinent à se frayer un chemin. L’émission souveraine attendue cette année tarde, tandis que les opérations privées restent entravées par des circuits de validation encore trop longs.

Cette lenteur n’est pas sans conséquence sur l’économie réelle. Des initiatives telles que le produit Daâma Tamwil – garantie publique adossée à Tamwilcom – illustrent les tentatives de soutien au tissu entrepreneurial, mais peinent à suffire. En attendant, la finance participative continue d’avancer, portée par une base sociale solide, une régulation prudente, mais toujours en quête d’un second souffle.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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