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Cafés et restaurants : la taxe communale fait déborder la tasse

Alors que le secteur peine à se relever des effets de l’inflation, les professionnels des cafés et restaurants tirent la sonnette d’alarme face à une fiscalité locale jugée injuste et à des pratiques répressives de certaines autorités. Réunis à Fès, les représentants du secteur appellent à une réforme urgente du cadre légal et fiscal. Un enjeu autant économique que social, dans un secteur encore convalescent depuis la crise covid.

Le secteur de la restauration se retrouve une nouvelle fois sous pression. En cause, les pratiques jugées «arbitraires et brutales» de plusieurs conseils communaux à travers le pays, appuyées par l’attitude répressive de certains agents d’autorité.

À Rabat, la récente hausse de 600% de la taxe d’occupation temporaire du domaine public a ravivé les tensions entre les professionnels et les autorités locales. Les discussions engagées entre la Fédération nationale des propriétaires de cafés et restaurants et le Conseil de la ville, qui avaient suscité l’espoir d’un compromis, semblent n’avoir débouché sur rien de concluant.

Réunis récemment à Fès, les membres du bureau national de la Fédération nationale des propriétaires de cafés et restaurants du Maroc ont dressé un état des lieux alarmant de la situation, dénonçant des décisions unilatérales, des taxes exorbitantes et une insécurité juridique croissante qui menacent la viabilité d’un pan entier de l’économie urbaine.

Un secteur qui croule sous les taxes
Au cœur de la contestation, la taxe sur l’occupation temporaire du domaine public, dont les montants ont explosé dans certaines communes. La Fédération cite, à titre d’exemple, le cas de Harhoura, où la taxe serait passée de 50 à 500 dirhams le mètre carré par trimestre, soit une multiplication par dix. À Rabat, elle s’élève désormais à 400 DH/m², tandis que dans d’autres villes, les augmentations varient de 30 à 50 dirhams. Des montants qui, même plus modestes, pèsent lourd sur les marges déjà réduites des établissements. Ces revalorisations, appliquées sans concertation ni préavis, viennent s’ajouter à une fiscalité locale déjà jugée lourde par les propriétaires d’établissements.

«Le secteur traverse une crise profonde. Ces révisions, couplées à l’augmentation continue des charges d’exploitation, mettent les professionnels à genoux», alerte Nourreddine El Harak, président de la Fédération nationale des propriétaires de cafés et restaurants. «Le prix du café, par exemple, a bondi de 150% depuis 2024. Dans ces conditions, de nombreux établissements préfèrent mettre la clé sous le paillasson. D’autres survivent à peine».

Outre la taxe sur l’occupation du domaine public, les professionnels doivent aussi composer avec une multiplicité de taxes et de redevances locales, souvent laissées à l’appréciation des conseils communaux : taxe sur les débits de boissons, taxe d’enseigne, redevances de propreté ou encore contributions pour l’éclairage public. Sans encadrement clair, ces prélèvements sont devenus un instrument d’asphyxie.

La profession exhorte le ministère de l’Intérieur à remettre de l’ordre. Elle dénonce, notamment, l’absence de cadre légal. À cela s’ajoute ce que les professionnels qualifient de «campagnes abusives» menées par certains agents d’autorité, notamment dans le cadre des opérations de «libération du domaine public». Sans avertissement, des établissements sont sommés de retirer leurs installations, sur la base de décisions jugées arbitraires, parfois liées à des considérations esthétiques ou à la couleur du mobilier.

La fédération dénonce le climat d’insécurité administrative qui freine tout projet d’investissement ou de mise à niveau du secteur. Elle regrette également que les autorités ne s’attaquent pas à la concurrence déloyale des cafés «ambulants», dont l’essor grignote des parts de marché aux établissements formels, pourtant soumis à de lourdes obligations fiscales et réglementaires.

De l’urgence d’une restructuration
Face à cette situation, les professionnels appellent à un réajustement d’urgence du cadre légal et fiscal. La fédération réclame ainsi l’adoption rapide d’une loi-cadre sur la fiscalité locale, garantissant un plafonnement des taxes applicables aux cafés et restaurants, à l’instar de celles sur les terrains non bâtis ou les prélèvements sur les eaux.

Elle appelle également à l’organisation d’une réunion urgente avec le ministère de l’Intérieur pour définir un cadre national consensuel sur l’occupation temporaire du domaine public, basé sur des critères urbanistiques, économiques et de circulation.

La régulation du secteur à travers un projet de loi définissant les conditions d’exploitation des cafés et restaurants, toutes catégories confondues, par les personnes physiques ou morales figure aussi parmi les priorités. Avec une baisse du chiffre d’affaires estimée à près de 50% depuis la pandémie, selon la fédération, seuls les grands groupes, lesquels ne représentent que 5% du marché, arrivent aujourd’hui à préserver leur rentabilité.

Dans ce contexte, les appels à une réforme ne sont plus des revendications catégorielles, mais un signal d’alarme économique, car au-delà des chiffres, c’est un tissu de centaines de milliers d’emplois directs et indirects, un réseau dense d’établissements de proximité et une part significative de la vie urbaine qui vacille.

Nourreddine El Harak
Président de la Fédération nationale des propriétaires de cafés et restaurants

«Le secteur traverse une crise profonde. Ces révisions, couplées à l’augmentation continue des charges d’exploitation, mettent les professionnels à genoux. Le prix du café, par exemple, a bondi de 150% depuis 2024. Dans ces conditions, de nombreux établissements préfèrent mettre la clé sous le paillasson. D’autres survivent à peine.»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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