Crowdfunding : diagnostic rassurant après les premiers agréments

Plus d’un an après l’octroi des premiers agréments par Bank Al-Maghrib pour le lancement des activités de crowdfunding au Maroc, les acteurs évaluent l’environnement et formulent des recommandations pour encourager le développement du financement participatif au Maroc. Décryptage.
Cela fait plus d’un an que Bank Al-Maghrib a octroyé les premiers agréments à trois sociétés de financement collaboratif (SFC) pour le développement d’activités liées au crowdfunding. Il s’agit d’Akkan, Kiwi Collecte et Alif.
Le Maroc franchissait alors une étape importante dans le développement du financement participatif, après la publication en septembre 2023 des circulaires de BAM et de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) relatives aux conditions obtention des agréments pour les activités de don, de prêt et d’investissement. Une réponse favorable aux doléances formulées par les acteurs de l’écosystème depuis plus d’une décennie. Concrètement, le crowdfunding est un mode de financement alternatif qui consiste à mettre en relation contributeurs et porteurs de projets via une plateforme dédiée.
Sur ce portail, les porteurs de projets, préalablement sélectionnés par SFC, proposent des campagnes de financement auxquelles participent de nombreux contributeurs. Les fonds collectés servent à financer, partiellement ou totalement, des projets dans plusieurs domaines.
En fonction du mode de financement proposé, l’agrément des SFC est octroyé par l’AMMC lorsqu’il s’agit de financements de catégorie «investissement», et par Bank Al-Maghrib lorsqu’il s’agit de financements de catégories «don» ou «prêt».
Pour obtenir l’agrément, la SFC doit être constituée sous forme de société anonyme ou SARL et avoir un capital social minimum de 300.000 dirhams, libéré entièrement lors de sa constitution.
Collaboration avec les banques
Interrogé par les Inspirations ECO, Nasser Kettani, cofondateur d’Akkan, une des SFC agréées par BAM, estime que l’écosystème mis en place est favorable à l’éclosion du financement participatif au Maroc.
«L’environnement est prêt. Le cadre réglementaire est clair et les premiers agréments ont été octroyés à des plateformes qui sont opérationnelles et qui travaillent avec des banques», a-t-il déclaré.
Cette collaboration avec les établissements bancaires figure parmi les conditions fixées par Bank Al-Maghrib, afin de leur permettre de mettre en place un modèle opérationnel conforme aux spécificités du marché local. D’où la collaboration entre Akkan et la Banque centrale populaire (BCP) et celle entre Kiwi Collecte (spécialisée dans le don) et Attijariwafa Bank, le 23 avril dernier.
«Les plateformes agréées ont l’obligation de disposer d’un teneur de compte : une banque avec laquelle elles travaillent dans le cadre de leurs activités. C’est ce qui explique le retard dans le lancement des premiers projets au Maroc, car ces plateformes devaient s’imprégner du modèle de travail des banques et comprendre les différentes procédures», nous explique Andrea Antonio Bises, expert en innovation digitale et en fintech.
Une campagne pour financer la reconstruction à Al-Haouz
Akkan dispose de deux agréments pour le don et le prêt. Opérationnelle depuis 2024, la plateforme est spécialisée dans le financement de projets entrepreneuriaux.
«Nous finançons des auto entrepreneurs, des TPE et PME, coopératives et associations qui ont des projets à fort impact social, ou ayant trait à la santé, à l’économie, à l’environnement et aux industries culturelles et créatives», explique Nasser Kettani.
«Nous sommes actuellement en train de financer un projet sur la reconstruction de logements détruits à Al-Haouz lors du séisme. On a déjà récolté plus de 800.000 dirhams sur un objectif de 1 million de dirhams», poursuit-il.
D’après le spécialiste, de nouveaux agréments pourraient être octroyés prochainement afin de renforcer l’écosystème du crowdfunding au Maroc. En attestent des initiatives institutionnelles en cours.
«Le ministère des Finances, en collaboration avec la GIZ, ont mis en place un place un programme d’incubation pour soutenir et accompagner d’autres plateformes de crowdfunding. Il est donc probable de voir la délivrance de nouveaux agréments par Bank Al-Maghrib», révèle-t-il.
Communiquer davantage pour développer le crowdfunding
En dépit des acquis rassurants plus d’un an après l’octroi des premiers agréments, nos deux interlocuteurs estiment qu’il est impératif de communiquer davantage sur le crowdfunding pour susciter un plus grand engouement auprès des donateurs.
«Le crowdfunding a un impact social et économique, c’est ce qui nous rassemble et ce qui nous ressemble. C’est investir en essayant d’avoir du sens, cela impacte les communautés. Il constitue un bon tremplin pour favoriser l’économie sociale et solidaire. D’où la nécessité de lancer une campagne de sensibilisation au niveau national et de la diaspora, pour informer les détenteurs de projets et les investisseurs», suggère Andrea Antonio Bises.
Nasser Kettani est du même avis. Selon lui, pour gagner la confiance des donateurs et des investissements, il faut nécessairement «mener des campagnes de communication et de sensibilisation pédagogiques sur le financement participatif».
Aussi, ajoute-t-il, «il faut que les incubateurs d’entreprises comprennent qu’il existe un nouveau modèle financement, le crowdfunding, qui constitue une alternative aux financements classiques».
Nasser Kettani
Cofondateur de Akkan
«Nous finançons des auto entrepreneurs, des TPE et PME, coopératives et associations qui ont des projets à fort impact social, ou ayant trait à la santé, à l’économie, à l’environnement et aux industries culturelles et créatives.»
Andrea Antonio Bises
Expert en innovation digital et en fintech
«Le crowdfunding a un impact social et économique, c’est ce qui nous rassemble et ce qui nous ressemble. C’est investir en essayant d’avoir du sens, cela impacte les communautés. Il constitue un bon tremplin pour favoriser l’économie sociale et solidaire.»
Près de 11 MDH collectés en ligne entre 2021 et 2023
Bien avant l’octroi des premiers agréments, l’activité du crowdfunding a suscité un large engouement auprès des nationaux et de la diaspora. Au total, 10,9 millions de dirhams (MDH) ont été collectés lors de campagnes de crowdfunding réalisées sur des plateformes locales et étrangères, entre juin 2021 et août 2023, d’après le Baromètre sur le crowdfunding au Maroc établi par le laboratoire d’innovation Happy Smala (voir détails en infographies).
Sur ce montant, 4,5 MDH étaient consacrés aux campagnes dédiées à des projets à but lucratif ou non lucratif, et 6,4 MDH à des projets visant à financer les besoins personnels, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé.
Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO