Maroc

Agriculture de précision. Bruno Tisseyre : “Mutualiser les approches pour démontrer les avantages des techniques digitales”

Bruno Tisseyre
Expert en agriculture de précision, Unité mixte de recherche ITAP (Information, Technologies pour les AgroProcédés)

Pour mettre en perspective les défis et les opportunités de l’agriculture de précision au Maroc, il est instructif de se tourner vers l’expérience d’autres nations avancées dans ce domaine. La France, avec sa diversité de modèles agricoles et son engagement dans l’innovation, offre un regard complémentaire. Nous avons recueilli les propos de Bruno Tisseyre, expert en agriculture de précision à l’Unité mixte de recherche ITAP (Information, Technologies pour les AgroProcédés), pour mieux comprendre l’intégration du digital dans l’agriculture et les pistes de collaboration avec le Maroc.

La France maintient un équilibre entre différents modèles agricoles, du conventionnel au biologique. Comment percevez-vous l’intégration des technologies digitales dans l’agriculture ?
Quel que soit le modèle agricole, les technologies digitales offrent des solutions pour optimiser l’utilisation des intrants (fertilisants, produits phytosanitaires, irrigation). Elles interviennent dans la prise de décision, grâce à des outils d’aide performants ainsi que dans la précision de l’application, via des équipements sophistiqués (guidage par localisation et GNSS, modulation intraparcellaire).

Le numérique représente également une opportunité pour accompagner certaines transitions agricoles. C’est notamment le cas des outils de travail du sol de haute précision (guidés par caméra ou GNSS centimétrique) et de la robotique, qui facilitent le passage du désherbage chimique au désherbage mécanique, un enjeu majeur en agriculture biologique.

Quelles sont les initiatives françaises les plus innovantes combinant le digital et la préservation des ressources en eau ? Comment ces approches pourraient-elles être adaptées au contexte marocain, notamment en période de sécheresse ?
Les outils numériques dédiés à l’amélioration et à la rationalisation de l’usage de l’eau se déploient à différentes échelles. Au niveau de la parcelle ou de l’exploitation agricole, diverses approches sont disponibles, selon les types de culture.

On trouve des modèles prédictifs basés sur des données météorologiques, des capteurs connectés mesurant l’humidité et son évolution dans le sol, des systèmes d’aide à l’évaluation du stress hydrique via des applications smartphone… Il y a même des capteurs positionnés directement sur les plantes pour estimer leur contrainte hydrique, ces deux dernières solutions étant principalement développées pour les cultures pérennes.

À l’échelle territoriale, des plateformes numériques permettent une gestion concertée de la ressource entre les différents acteurs. Ces plateformes exploitent des modèles prévisionnels, des images de télédétection et des données issues de capteurs connectés pour anticiper les besoins et optimiser l’allocation de l’eau, améliorant ainsi la gestion globale et répondant au mieux aux besoins des acteurs de terrain, notamment les agriculteurs.

La plupart de ces outils sont déjà utilisés/testés dans le contexte marocain où des chercheurs comme le Pr. Kamal Aberkani de l’Université Mohammed Premier, par exemple, ont montré leur intérêt dans un contexte marocain. Les enjeux, comme en France, sont souvent l’adoption de ces outils par les professionnels.

Comment la coopération scientifique franco-marocaine pourrait-elle être renforcée spécifiquement autour des technologies liées à l’agriculture de précision et, notamment, à l’économie des eaux d’irrigation ?
La coopération scientifique entre la France et le Maroc sur ces aspects est solide et productive. Cette collaboration se poursuit notamment en raison de l’évolution constante des technologies, rendant nécessaire l’évaluation continue de la pertinence de nouveaux capteurs et de nouvelles sources d’observation (drones, avions, satellites).

L’objectif est d’identifier précisément leur potentiel dans divers contextes environnementaux et agricoles, qu’il s’agisse du Maroc, de la France ou d’autres régions. Par ailleurs, un défi majeur partagé par les professionnels des deux pays réside dans l’adoption effective de ces technologies.

Pour surmonter ce frein, il est essentiel de mutualiser des approches visant à démontrer concrètement, sur le terrain, les avantages des techniques digitales. Un accompagnement ciblé, comprenant des formations initiales et continues adaptées, est également indispensable pour favoriser la montée en compétence nécessaire à leur utilisation.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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