FENELEC. Abdelwahed Ajar : “Sans normalisation, pas de sécurité; sans certification, pas de confiance.”

Abdelwahed Ajar
Coordinateur de la Filière courant faible (FCF) de la FENELEC
La FENELEC dévoile sa stratégie pour structurer le secteur du courant faible d’ici 2025 : révision des normes douanières, certification des acteurs et intégration des technologies smart. Un équilibre délicat entre rigueur réglementaire et inclusion des PME.
Quels sont les objectifs concrets à court terme (d’ici fin 2025) de la FENELEC ? Par exemple, nombre de formations prévues, ou entreprises ciblées pour les certifications.
La mise en place de la Filière courant faible (FCF) s’inscrit dans une démarche structurante à long terme, mais, dès 2025, plusieurs pistes de travail prioritaires sont identifiées. À ce stade, une réflexion interne est en cours avec les membres de la Filière, afin de poser les bases d’une feuille de route solide, co-construite et réaliste.
À court terme, les objectifs visent principalement à structurer le secteur à travers la mobilisation des acteurs et la coordination des efforts collectifs; initier un dialogue institutionnel avec les autorités concernées, notamment les douanes, les ministères techniques et les organismes de normalisation; et lancer un premier cycle d’échanges techniques et de formations, destiné à sensibiliser les professionnels aux enjeux de normalisation et de certification. L’objectif est également de cartographier les besoins en compétences et en équipements, afin d’adapter les futures actions de formation, de normalisation et de certification.
Ce travail préliminaire est indispensable. Enfin, la FENELEC prévoit l’organisation d’un événement dédié au courant faible d’ici fin 2025, pour renforcer la visibilité du secteur et engager un dialogue structurant avec les parties prenantes.
Quelles normes techniques ou certifications spécifiques manquent aujourd’hui au Maroc, et comment leur absence impacte-t-elle la qualité des installations ? Pouvez-vous illustrer par un exemple comment les nomenclatures douanières actuelles pénalisent les acteurs marocains (coûts supplémentaires, complexité d’importation de matériel innovant, etc.) ?
Au Maroc, l’absence de normes techniques et de certifications spécifiques à certains secteurs, comme l’électronique ou la sécurité électronique, compromet la qualité des installations. Bien que le pays ait adopté des normes ISO, leur mise en œuvre complète reste limitée dans ces domaines. Cette lacune expose les installations à des défauts de qualité, des risques sécuritaires accrus et une inefficacité opérationnelle. Prenons l’exemple des systèmes de sécurité incendie. Une installation défaillante peut avoir des conséquences catastrophiques.
Sur le plan humain, des alarmes défectueuses ou mal positionnées retardent l’évacuation des occupants, tandis que des détecteurs mal calibrés ne repèrent pas un départ de feu à temps. Une signalisation inadéquate ou un éclairage de secours défaillant amplifie la panique, provoquant des mouvements de foule dangereux.
Sur le plan matériel et financier, un système d’extinction défectueux (sprinklers, extincteurs) accélère la propagation des flammes, aggravant les dégâts. La non-conformité aux réglementations expose aussi les établissements à des sanctions, des amendes, voire une fermeture administrative.
En cas d’incendie, une installation non conforme peut invalider les contrats d’assurance, entraînant des pertes financières majeures. Juridiquement, les propriétaires ou exploitants s’exposent à des responsabilités pénales et civiles en cas de blessures ou de décès, avec des poursuites pour négligence ou mise en danger d’autrui.
Par ailleurs, les nomenclatures douanières actuelles complexifient l’importation d’équipements innovants. Classés sous des codes inadaptés, ces matériels subissent des droits de douane excessifs et des procédures administratives lourdes. Cela augmente les coûts pour les entreprises locales et freine l’adoption de technologies modernes, pénalisant la compétitivité du secteur.
Quel est le calendrier prévisionnel pour la finalisation des nouvelles nomenclatures douanières et du cadre réglementaire ? Des indicateurs de succès ont-ils été définis (ex : nombre d’entreprises certifiées d’ici 2026) ?
La révision des nomenclatures douanières et l’élaboration d’un cadre réglementaire pour le courant faible sont des projets d’envergure nationale, qui nécessitent une concertation approfondie avec les administrations concernées, en particulier l’Administration des douanes (ADII), le ministère de l’Industrie et les organismes de normalisation et de certification. Un travail profond et constructif est prévu avec l’ADII, afin de mieux refléter la nature technologique spécifique des équipements de courant faible dans les codes douaniers, notamment pour éviter les surcoûts injustifiés sur les produits innovants.
Concernant le cadre réglementaire, la FENELEC engage une démarche progressive, incluant l’identification des produits et activités prioritaires à encadrer; la définition d’un référentiel national d’agrément et de certification des installateurs, adapté aux réalités locales; et la collaboration avec des experts marocains et internationaux pour s’aligner sur les meilleures pratiques.
Les indicateurs de performance sont en cours de définition, mais plusieurs jalons sont envisagés : la publication d’un premier guide de bonnes pratiques en 2026; le lancement d’un programme pilote de certification dès 2026, ciblant un échantillon représentatif d’entreprises volontaires; et le nombre d’entreprises accompagnées ou formées, en lien avec les priorités identifiées par la Filière.
La FENELEC insiste sur une approche inclusive, pragmatique et évolutive, qui favorisera la montée en compétence de tout l’écosystème du courant faible, tout en respectant la diversité des profils d’acteurs (grands groupes, PME, artisans…).
La révision de ces nomenclatures pourrait-elle favoriser l’émergence d’une production locale d’équipements de courant faible ? Le secteur du courant faible (sécurité, domotique, télécoms, etc.) représente-t-il un enjeu stratégique pour des projets de smart cities ou de transition numérique au Maroc ? Comment la FENELEC compte-t-elle s’y intégrer ?
La révision des nomenclatures douanières pourrait effectivement favoriser l’émergence d’une production locale d’équipements de courant faible au Maroc. En ajustant les codes douaniers pour mieux refléter la nature spécifique des équipements innovants, les coûts d’importation pourraient être réduits, rendant ainsi ces technologies plus accessibles aux entreprises locales. Cela pourrait stimuler la production locale en réduisant la dépendance aux importations et en encourageant les investissements dans la fabrication nationale.
Le secteur du courant faible, qui inclut la sécurité, la domotique et les télécommunications, est crucial pour les projets de smart cities et la transition numérique au Maroc. Ces technologies sont essentielles pour améliorer l’efficacité énergétique, la gestion des infrastructures urbaines et la qualité de vie des citoyens. Par exemple, les systèmes de sécurité intelligents et les solutions de domotique peuvent rendre les villes plus sûres et plus confortables, tandis que les avancées en télécommunications sont indispensables pour une connectivité fiable et rapide.
La FENELEC joue un rôle clé dans l’intégration de ces technologies dans les projets de smart cities au Maroc. Elle organise des événements comme les salons concomitants Elec expo, EneR Event et Tronica expo, dont la prochaine édition se tiendra du 26 au 29 novembre 2025 à la Foire internationale de Casablanca, pour promouvoir les dernières innovations en matière de smart grids et d’intelligence artificielle.
Ces initiatives visent à créer des plateformes de dialogue et de partenariat entre les acteurs nationaux et internationaux, facilitant ainsi l’adoption de technologies avancées et la mise en œuvre de projets de transition énergétique et numérique.
Comment comptez-vous concilier l’élaboration d’un cadre réglementaire strict avec l’inclusion des petits installateurs ou artisans, souvent informels ? Pour généraliser les certifications, allez-vous prévoir des formations accélérées ou des aides à la certification ? Comment éviter un impact négatif sur les très petites entreprises ?
Pour concilier l’élaboration d’un cadre réglementaire strict avec l’inclusion des petits installateurs ou artisans, souvent informels, plusieurs mesures sont proposées. En premier lieu, des formations accélérées pourraient être déployées afin de permettre à ces acteurs d’acquérir rapidement les compétences nécessaires à la conformité aux nouvelles normes. Par exemple, des centres de formation privés à Casablanca proposent déjà ce type de programmes dans divers domaines.
En parallèle, des aides financières à la certification, similaires à celles existantes pour la formation professionnelle continue, pourraient être étendues par le gouvernement. Ces dispositifs réduiraient les coûts liés à la certification, la rendant ainsi accessible aux petites entreprises.
Un soutien ciblé aux très petites entreprises (TPE) est également envisagé. Cela inclut la simplification des procédures administratives, comme la réduction des frais de certification et la création de guichets uniques, ainsi que le développement de programmes d’accompagnement pour faciliter l’adaptation aux réglementations. Certains ministères disposent déjà de mécanismes d’appui aux artisans, qui pourraient être renforcés.
Enfin, pour intégrer les acteurs informels, une formalisation progressive est préconisée. Celle-ci reposerait sur des incitations telles que des réductions fiscales temporaires ou des subventions. Des campagnes de sensibilisation seraient également organisées pour informer ces professionnels des avantages de la certification, des obligations légales et des ressources disponibles. Ces mesures combinées visent à créer un écosystème équilibré, où rigueur réglementaire et inclusion économique coexistent, garantissant à la fois la qualité des installations et la pérennité des petits acteurs du secteur.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO