Emploi & chômage : le contraste entre urbain et rural persiste

D’après la dernière note d’information du HCP relative à la situation du marché du travail au premier trimestre de 2025, le taux de chômage a légèrement baissé, mais il continue de cacher une panoplie de disparités persistantes. Le marché de l’emploi au Maroc évolue à deux vitesses : d’une part, une reprise en milieu urbain et d’autre part, des fragilités rurales, des défis sociaux, et des disparités régionales.
Du mieux sur le front de l’emploi au Maroc ? À la lecture de la dernière note d’information du HCP relative à la situation du marché du travail au premier trimestre de 2025, le taux de chômage a baissé à peine de 0,4 point pour atteindre 13,3% de la population active au premier trimestre 2025 contre 13,7% durant la même période de 2024.
De ce fait, bien que le marché du travail ait montré des signes de capacité à créer des emplois, il reste confronté à des défis structurels profonds de dualisme entre le milieu urbain et rural en relation avec l’impact sur le secteur agricole, d’inclusion des jeunes, des femmes, des diplômés et de qualité de l’emploi, qui se traduisent par des taux de chômage et de sous-emploi élevés pour les catégories les plus vulnérables et dans les territoires les moins dynamiques.
Il va sans dire qu’à court terme, l’objectif affiché par la feuille de route gouvernementale de l’emploi, à travers les différentes interventions préconisées, est de sécuriser à l’horizon 2026 une création d’emplois nette de 350.000 emplois pérennes et de faire baisser de 4,3 points durant cinq ans le taux de chômage cible à 9% d’ici 2030 au lieu de 13,3% en 2024.
Un objectif qui est confronté à l’impact du secteur agricole sur les indicateurs puisque entre le premier trimestre de 2024 et la même période de 2025, la branche de l’agriculture, forêt et pêche, a perdu 72.000 postes, ce qui correspond à une baisse de 3% du volume de l’emploi dans ce secteur.
Une disparité entre le milieu urbain et rural
De surcroît, le fait marquant en se référant à la tendance globale est la création nette de 282.000 postes au niveau national. Cette performance marque un net rebond par rapport à la perte de 80.000 postes enregistrée une année auparavant, suggérant une certaine reprise de l’activité économique.
Toutefois, ces chiffres continuent de consacrer cette disparité entre le milieu urbain et le milieu rural étant donné que la quasi-totalité de cette création d’emplois (285.000 postes) a eu lieu en milieu urbain, tandis que le milieu rural a continué de perdre des postes (-3000), même si la diminution est beaucoup moins importante qu’en 2024.
Pour ce qui est de la qualité d’emploi et par type d’emploi, 319.000 emplois rémunérés ont été créés au niveau national, suite à une création de 299.000 postes en milieu urbain et de 21.000 en milieu rural. L’emploi non rémunéré a connu, de son côté, une perte de 37.000 postes, conséquence d’une perte de 13.000 emplois en milieu urbain et de 24.000 en milieu rural.
De ce fait, la création rémunérée (319.000) est positive, mais elle est contrebalancée par une perte significative d’emplois non rémunérés (-37 000), largement concentrée en milieu rural (-24 000), ce qui suggère une transformation du marché du travail. Pour la contribution sectorielle, la création d’emplois est tirée par les secteurs non agricoles.
En dehors du secteur de l’agriculture, forêt et pêche, qui a perdu 72.000 emplois entre le premier trimestre de 2024 et la même période de 2025, le secteur tertiaire a créé 216.000 postes (+4%), suite à une hausse de 156.000 emploi en milieu urbain et de 60.000 en milieu rural.
Le taux d’activité a augmenté de 0,3 point
Les nouveaux emplois créés au niveau de ce secteur proviennent principalement de la création de 74.000 postes par les «services sociaux fournies aux collectivités», de 66.000 postes par les «activités financières, d’assurance, immobilières, scientifiques, techniques, de services administratifs, de soutien» et de 48.000 postes au niveau du secteur du commerce.
Par ailleurs, entre le premier trimestre de 2024 et celui de 2025, le taux d’activité a augmenté de 0,3 point, passant de 42,6% à 42,9%, résultat de l’accroissement de la population en âge d’activité (15 ans ou plus) de 1,4%, entre les deux périodes, et l’augmentation de la population active de 2%. Ce taux a aussi connu une hausse de 0,4 point en milieu urbain, passant de 41,1% à 41,5%, et a stagné en milieu rural à 45,6%.
De ce fait, le taux d’activité rural reste structurellement plus élevé. Quant au taux d’emploi, il a, de son côté, augmenté de 0,5 point, passant de 36,7% à 37,2%, au niveau national. Il s’est accru de 0,8 point en milieu urbain, de 33,8% à 34,6%, et a reculé de 0,2 point en milieu rural, de 42,5% à 42,3%. Il a également connu une hausse de 0,6 point parmi les hommes, de 59,5% à 60,1% et de 0,2 point parmi les femmes, de 14,6% à 14,8%.
La disparité entre hommes et femmes extrêmement marquée
Par ailleurs, la disparité entre hommes et femmes reste extrêmement marquée. Le taux d’activité des hommes (68,0%) est près de quatre fois supérieure à celui des femmes (18,5%). Bien que les deux taux aient très légèrement augmenté (+0,4 pour les hommes, +0,2 pour les femmes), l’écart reste considérable, soulignant les freins structurels à la participation des femmes au marché du travail.
Quant à la situation des jeunes, le taux de chômage baisse pour la plupart des tranches d’âge plus âgées, il a augmenté de 1,8 point parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans, atteignant un niveau très élevé de 37,7%. Cela indique que l’amélioration globale du marché du travail ne bénéficie pas aux nouveaux entrants, qui peinent massivement à trouver un premier emploi.
Dans ce sens, le taux de chômage des diplômés reste élevé à 19,4%. Les diplômés représentent une part importante des chômeurs, soulignant le décalage persistant entre le système de formation et les besoins du marché du travail, même si la baisse est observée chez certains types de diplômes.
Parallèlement à la diminution du chômage, le HCP observe une forte hausse du sous-emploi. Le nombre de personnes en situation de sous-emploi a bondi de 1,069 million à 1,254 million (+185.000 personnes), et le taux de sous-emploi a augmenté de 1,5 point, passant de 10,3% à 11,8% au niveau national.
Comme pour le chômage, le sous-emploi augmente dans les deux milieux, mais l’augmentation est plus prononcée en milieu rural (+2,3 points, taux à 14,8%) qu’en milieu urbain (+1 point, taux à 10,0%). Le sous-emploi est structurellement plus élevé en rural. De surcroît, l’analyse régionale confirme la concentration de l’activité et du chômage dans certaines régions, notamment Casablanca-Settat. Les taux de chômage régionaux présentent des écarts abyssaux.
L’Oriental (25,2%) et les régions du Sud (23,8%) affichent des taux extrêmement élevés, largement supérieurs à la moyenne nationale (13,3%). À l’autre extrême, des régions comme Drâa-Tafilalet (8,0%), Marrakech-Safi (8,9%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (11,2%) montrent des taux nettement plus bas. Cela révèle des marchés du travail locaux aux dynamiques très différentes, potentiellement liées à la structure économique régionale et aux opportunités d’emploi qui y sont offertes.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO