Maroc

Fraude sociale : la CNSS déclare la guerre totale !

Contre le travail informel – qui atteint une ampleur «alarmante» – et la fraude à l’assurance maladie, la CNSS marque des points, mais la guerre est loin d’être gagnée. En 2023, elle a réintégré 118.300 salariés qui étaient hors de ses radars. C’est une progression de 122% ! Par ailleurs, les redressements d’assiette des cotisations se sont élevés à 3,9 milliards de dirhams. Cette pression est assortie d’actions en justice pour des cas avérés de fraude.

La guerre est désormais totale contre la fraude car il s’agit de «protéger les droits des salariés et de garantir des ressources solides pour les régimes de protection sociale», assure le management de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) en introduction du dernier rapport d’activité.

Ses inspecteurs assènent des coups à tous ces secteurs qui ont fait, pendant des années de la minoration des effectifs déclarés et de la triche aux cotisations sociales, un levier de compétitivité. Ce qui est sûr, c’est que la pression sur les fraudeurs est sans précédent, et les résultats sont plutôt au rendez-vous, même si la CNSS se garde de crier victoire. Les effectifs dédiés ont été doublés, et les contrôles ont bondi de 10% en un an, soit, au total, 8.300 missions.

En 2023, les contrôles ont permis d’intégrer 118.324 salariés qui étaient hors des radars de la Sécurité sociale, représentant une hausse spectaculaire de 122% ! Les redressements d’assiette portent sur un montant de 3,9 milliards de dirhams de masse salariale dissimulée, en hausse de 125%. Ces chiffres renseignent surtout que l’on est en face d’une fraude qui atteint des proportions industrielles.

En effet, en épluchant les déclarations de salaires d’un échantillon de 262 entreprises d’un effectif (théorique) de 5.750 employés, le taux de fraude se situe à 98%, soit la quasi-totalité des dossiers. Même la CNSS s’alarme de l’étendue du phénomène.

Face à ce fléau, la CNSS est arrivée à la conclusion que la seule carotte (les remises ou l’annulation des pénalités de retard sur les arriérés) ne suffit pas. Elle a envoyé un message de fermeté aux employeurs en engageant une soixantaine d’actions (65 plus précisément) en justice contre les employeurs qui ont été pris la main dans le sac.

Le travail dissimulé ne concerne pas que les foyers traditionnels tels que la restauration, l’hôtellerie, les cafés, l’événementiel, le textile-habillement, le commerce d’habillement, le BTP et les centres d’appels, voire les cliniques privées, mais elle est favorisée par la montée des flexi-jobs, ces contrats à très court terme qui vont de quelques jours à quelques semaines. L’assurance maladie est également infectée par la fraude, en particulier dans le domaine des prestations médicales, s’alarme le management de la CNSS.

Pour un régime dont l’équilibre financier reste précaire, le virus de la fraude fait peser une menace presque existentielle. Les prestataires des soins (cliniques, cabinets médicaux, centres de radiologie médicale, laboratoires d’analyses, etc.) sont interpellés. Sans être nommément cités, ils sont clairement mis en cause par le diagnostic établi par la CNSS.

Pour maîtriser les dépenses du régime de l’assurance maladie sous sa gestion, la CNSS a musclé ses dispositifs de surveillance. Les abus sur la consommation des soins sont dans le collimateur, et les contrôles a posteriori se sont intensifiés. Sur 10.840 dossiers passés au crible, 1.784 cas de fraude avérée ont été détectés. Cela veut dire qu’au moins un dossier sur six était «infecté».

Les outils d’intelligence artificielle en appui de son système d’information devraient renforcer l’arsenal de la Caisse dans la lutte contre la fraude. Mais en traduisant les auteurs de la fraude en justice, 6 cas (gros dossiers), la CNSS entend signifier aux prestataires qui gravitent autour de l’AMO que la tolérance zéro est désormais la règle. Comme dans les «mutuelles» privées, la fraude n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui l’est en revanche, c’est la dimension qu’elle prend.

De la surfacturation de la prestation aux arrêts-maladie bidon, la palette de fraudeurs est plutôt large. Combien de fois n’a-t-on pas entendu dire un ami ou un collègue au bureau que «je vais me chercher un certificat médical pour ne pas prendre sur mes jours de congé» ? Comme par hasard, ces arrêts maladie de complaisance interviennent souvent au lendemain des fêtes religieuses, ou à la fin des vacances scolaires.

À l’Education nationale, c’est même devenu un sport national auquel aucun gouvernement ne s’est risqué à s’attaquer afin de ne pas fâcher les organisations syndicales. La population couverte par l’AMO-CNSS (assurés et ayants droit) s’élevait à 8,9 millions personnes en 2023 contre 7,7 millions deux ans plus tôt.

Entre 2022 et 2023, le nombre de salariés bénéficiant de l’assurance maladie obligatoire est passé de 7,2 millions à plus de 7,7 millions. Le coût moyen par dossier est de 940 dirhams et le coût moyen par consommateur s’élève à 2.186 dirhams.

756.175 nouveaux entrants à la Sécurité sociale

En moyenne mensuelle, le nombre de salariés déclarés de manière permanente en 2023 s’élève à 3,03 millions sur 4 millions immatriculés, représentant une hausse de 5% par rapport à 2022, et confirmant la tendance d’une progression de 5% relevée depuis 2019.

L’effectif de nouveaux entrants atteint 756.175 salariés. Parmi eux, 491.975 sont déclarés pour la première fois à la Sécurité sociale. Le salaire mensuel moyen des salariés déclarés est estimé à 3.352 DH.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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