HCP : le Maroc affine sa lecture du tissu productif

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) dresse une nouvelle cartographie des établissements économiques à but lucratif, hors secteur agricole. Avec plus d’un million d’entités recensées en 2023/2024, le rapport met en lumière l’évolution du tissu économique national, sa répartition géographique et sectorielle, ainsi que les tendances de l’emploi. Une photographie détaillée qui révèle des dynamiques marquantes, entre concentration urbaine et domination du tertiaire.
Un établissement économique pour 33 habitants. C’est l’un des enseignements clés de la nouvelle cartographie du HCP, qui scrute avec précision l’évolution du tissu productif marocain. Près de 1,13 million d’établissements économiques à but lucratif ont été dénombrés, employant quelque 3,6 millions de personnes.
Ces chiffres traduisent une croissance modérée mais continue depuis le premier recensement économique de 2001/2002. Derrière ces moyennes nationales, le rapport dévoile des disparités notables entre secteurs, régions et types d’établissements.
Un tissu économique largement urbain et dominé par le tertiaire
Avec 87% des établissements installés en milieu urbain, le paysage économique marocain reflète une forte concentration des activités dans les grandes agglomérations. Casablanca-Settat se distingue en accueillant 22,5% des entreprises et 33% des emplois permanents.
En parallèle, les régions de Rabat-Salé-Kénitra (13,6%) et Marrakech-Safi (12%) confirment leur rôle moteur. Le secteur tertiaire prédomine, concentrant plus de 82% des établissements, dont 52% dans le commerce et 30,8% dans les services.
Cette orientation vers le commerce et les services se traduit également par une main-d’œuvre plus éclatée, avec une moyenne de 2 à 4 employés par établissement. En comparaison, le secteur industriel, bien que ne représentant que 14% des unités recensées, demeure un pilier en matière d’emploi avec 1,06 million de postes, soit 29,8% du total.
Des écarts marqués entre industrie et services en matière d’emploi
L’analyse du HCP souligne que les établissements industriels emploient en moyenne 7 personnes, contre 2 pour le commerce et 4 pour les services et la construction.
Cette concentration des emplois dans l’industrie s’explique par le besoin en main-d’œuvre dans des branches comme l’agroalimentaire, la métallurgie ou la chimie.
Le rapport met aussi en lumière la place croissante des zones industrielles, qui concentrent 20% de l’emploi total malgré leur faible part (2%) dans le nombre total d’établissements.
Cette donnée traduit une spécialisation accrue et une montée en puissance des pôles industriels, en particulier dans des régions comme Casablanca-Settat et Tanger-Tétouan-Al Hoceima.
La petite taille des établissements, un facteur structurant
Une autre tendance lourde du tissu économique marocain réside dans la domination des micro-établissements. Pas moins de 97% des structures recensées emploient moins de 10 salariés, concentrant toutefois 54% de la main-d’œuvre nationale.
À l’inverse, les établissements de 10 employés et plus, bien que ne représentant que 3% du total, assurent 46% des emplois. Ce morcellement du tissu productif pose la question de la structuration des entreprises et de leur capacité à croître. Le défi est d’autant plus crucial que les petites structures sont plus vulnérables aux chocs économiques et aux fluctuations de la demande.
Les établissements de grande taille, bien que peu nombreux, sont des moteurs d’emploi. Ils génèrent une proportion significative des postes permanents et offrent généralement de meilleures conditions de travail et de rémunération. Leur présence est particulièrement marquée dans les zones industrielles et les grands pôles urbains.
L’entrepreneuriat féminin gagne du terrain
Enfin, l’étude du HCP met en lumière l’essor de l’entrepreneuriat féminin, bien que celui-ci reste encore limité. Environ 10% des établissements sont dirigés par des femmes, un chiffre qui monte à 13,2% dans la région de Rabat-Salé-Kénitra et à 12,6% à Dakhla-Oued Eddahab.
Ces entreprises emploient plus de 281 000 personnes, soit 7,8% de l’effectif total. Le secteur des services, où 14,6% des établissements sont dirigés par des femmes, ainsi que l’industrie (13,5%) se démarquent particulièrement.
Toutefois, la majorité de ces structures sont de petite taille, employant moins de 4 personnes, ce qui limite leur impact en termes de création d’emplois massifs.
Dans certaines régions, les initiatives visant à encourager l’entrepreneuriat féminin se multiplient, avec des programmes de formation et de financement dédiés. Toutefois, des freins subsistent, notamment l’accès aux financements et les contraintes socioculturelles qui peuvent limiter l’implication des femmes dans le monde des affaires.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO