Maroc

Sécurité industrielle et compétitivité à l’export : l’ADII impose ses normes

La circulaire n°6641/311 impose un cadre normatif strict aligné sur les standards internationaux, renforçant la sécurité des produits «Made in Morocco». En tout, 15 normes techniques sont désormais obligatoires, dont les NM EN 1254 pour les raccords en cuivre et la NM EN 15091 pour la robinetterie électronique. Zoom sur ce qui change pour les entreprises des secteurs du BTP, de l’énergie et de la chimie.

C’est une étape cruciale dans l’évolution du cadre normatif marocain. La publication de la circulaire n°6641/311 fin février par l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) renforce le contrôle de conformité des produits soumis aux normes d’application obligatoire.

Elle s’inscrit dans une dynamique de sécurité industrielle et de compétitivité à l’export. Mais que change-t-elle concrètement pour les acteurs économiques ? En actualisant la liste des produits soumis au contrôle de conformité initiée par la circulaire n°6580/311 de juillet 2024, ce nouveau texte s’appuie sur l’arrêté ministériel n°510-24 du 23 février 2024 pour imposer 15 normes techniques stratégiques.

Parmi elles, les normes encadrent les raccords en cuivre et alliages de cuivre, structurant les exigences techniques des assemblages capillaires, des raccords à compression et des systèmes de canalisation utilisés dans les installations sanitaires et énergétiques.

Ces normes, adaptées du référentiel européen, visent à garantir la durabilité et la sécurité des infrastructures, notamment dans un contexte marocain marqué par des enjeux de stress hydrique et de transition énergétique.

Parallèlement, une norme standardise la robinetterie électronique, imposant des critères stricts de fiabilité pour les robinets à fermeture automatique, essentiels dans les espaces collectifs ou domestiques afin de limiter les gaspillages. Enfin, une autre réglemente les flexibles d’arrosage et les tuyaux sous pression, renforçant la résistance mécanique et chimique de ces équipements face aux conditions climatiques locales.

Comme le souligne un expert en qualité, «cette circulaire consolide un écosystème normatif cohérent avec les standards internationaux. Elle répond à un double enjeu : protéger le consommateur marocain contre les défaillances techniques et aligner les exportations nationales sur les exigences des marchés exigeants comme l’UE ou l’Afrique subsaharienne, où la conformité aux normes est un passeport commercial incontournable».

Ce cadre renforcé positionne ainsi le Maroc comme un acteur engagé dans la qualité industrielle, tout en préparant son tissu économique à une intégration compétitive dans les chaînes de valeur globales.

Secteurs impactés : BTP, énergie et chimie en première ligne
Parmi les secteurs impactés par cette circulaire, figure celui du Bâtiment et travaux publics (BTP), avec l’entrée en vigueur de normes qui ciblent les fournisseurs de matériaux de plomberie et les entreprises de construction. L’interdiction d’importer ou de commercialiser des raccords en cuivre non conformes impose aux acteurs une révision complète de leurs chaînes d’approvisionnement, exigeant des certificats de conformité émis par des organismes accrédités.

Par ailleurs, les coûts initiaux sont relativement importants : les frais de formation et de sensibilisation de son personnel pour les normes de qualité, par exemple, peuvent aller de 5.000 à 15.000 dirhams par session, en fonction de la durée et du contenu de la formation.

Cependant, il est important de noter que ces coûts peuvent également inclure d’autres frais liés à la mise en œuvre du système de management de la qualité (SMQ) et à l’audit de certification, qui peuvent être plus élevés selon la taille et la complexité de l’entreprise. Il s’agit donc d’un investissement qui pèse sur les trésoreries des PME et des importateurs. Disons que la mise en conformité avec ces normes implique un processus structuré et des coûts prévisibles, mais parfois élevés.

Les entreprises doivent d’abord budgétiser l’intervention d’un consultant externe pour la mise en place du système de management de la qualité (SMQ), dont les honoraires varient de 20.000 à 50.000 dirhams, en fonction de la taille et de la complexité de l’organisation.

S’ajoutent à cela les coûts de documentation et d’élaboration des procédures, estimés entre 10 000 et 30 000 dirhams, couvrant la rédaction de manuels techniques, l’adaptation des processus internes et la formation des équipes aux nouvelles exigences.

Les frais de certification proprement dits comprennent un audit initial, dont le coût oscille entre 10.000 et 25.000 dirhams pour les petites structures, et peut atteindre 50.000 dirhams pour les grands groupes industriels.

Finalement, les dépenses récurrentes ne sont pas négligeables : les audits annuels de surveillance représentent entre 8.000 et 20.000 dirhams par an, tandis que le renouvellement triennal de la certification exige un budget de 10.000 à 30.000 dirhams.

Par ailleurs, l’implication des ressources internes – temps consacré à la préparation des audits, mise à jour des registres, adaptation des chaînes de production – constitue un coût indirect souvent sous-estimé, mais qui pèse significativement sur la productivité, notamment pour les PME aux équipes limitées.

«Ces investissements, bien que contraignants à court terme, sont un levier de crédibilité et de compétitivité sur les marchés exigeants», tempère un consultant en certification industrielle.

Cependant, pour une entreprise moyenne du BTP ou de la pétrochimie, ce cumul peut représenter jusqu’à 150.000 dirhams sur trois ans, un seuil critique sans mécanismes d’aide dédiés.

Les secteurs des énergies et de la chimie
Dans le secteur de l’énergie et de la chimie, les contrôles systématiques des tuyaux en polyéthylène (NM ISO 4437:2005) et des robinets à gaz (NM 14.2.120) redéfinissent les pratiques industrielles. Les fabricants de tuyaux pour réseaux gaziers doivent désormais auditer leurs procédés pour garantir une résistance minimale de 16 bars, conformément aux exigences techniques.

En parallèle, la traçabilité devient un impératif : chaque lot de production doit être accompagné d’une fiche technique validée par l’IMANOR, renforçant ainsi la transparence et la sécurité des infrastructures critiques.

«Ces mesures ne sont pas que techniques ; elles traduisent une stratégie industrielle visant à positionner le Maroc comme un fournisseur fiable dans des secteurs à haute valeur ajoutée», analyse un expert du secteur.

Ainsi, cette évolution réglementaire, bien qu’exigeante, catalyse une modernisation structurelle des filières, alignant les standards locaux sur les meilleures pratiques internationales.

Implications pour les importateurs, fabricants locaux et distributeurs
Disons que la circulaire n°6641/311 redessine les responsabilités et les risques pour chaque maillon de la chaîne économique. Pour les importateurs, le délai raccourci de mise en conformité se traduit par une obligation stricte : obtenir une autorisation préalable de mise sur le marché pour les produits listés en annexe.

En pratique, l’absence de certificat NM entraîne un blocage systématique des marchandises aux frontières, avec potentiellement des frais de stockage douanier et des pénalités. Les fabricants locaux, quant à eux, naviguent entre contraintes et opportunités.

Enfin, les distributeurs voient leur responsabilité juridique élargie. Ils doivent désormais vérifier systématiquement les certificats NM avant toute transaction et retirer immédiatement les produits non conformes.

Les sanctions pour non-conformité peuvent inclure des amendes, en application de la Loi 24-09 sur la sécurité des produits. Cette triple pression – douanière, productive et commerciale – crée un équilibre fragile entre modernisation forcée et survie économique, particulièrement pour les acteurs les moins structurés.

Avantages structurels
La circulaire n°6641/311 porte en elle des avancées structurelles majeures, mais aussi des défis immédiats nécessitant une gestion proactive. Sur le plan stratégique, l’alignement des normes, qui concernent les raccords en cuivre et alliages de cuivre, sur les normes européennes EN ouvre les portes du marché européen aux produits marocains, en éliminant les barrières techniques aux échanges.

Une harmonisation qui renforce la crédibilité internationale du «Made in Morocco», particulièrement dans des secteurs clés comme le BTP, où les raccords en cuivre certifiés NM deviennent un argument commercial face à la concurrence. Cela dit, le défi pour les opérateurs réside dans leur capacité à transformer une contrainte normative en levier de compétitivité.

L’ère du «tout-importé» non régulé touche à sa fin

La circulaire n°6641/311 n’est pas une simple mise à jour réglementaire : elle incarne une stratégie industrielle volontariste. En exigeant des standards de qualité élevés, le Maroc positionne son économie comme un hub normatif entre l’Europe et l’Afrique.

Comme le dit un analyste, «l’enjeu dépasse la conformité. C’est une question de souveraineté économique : maîtriser les normes, c’est maîtriser les chaînes de valeur».

Reste à voir si les dispositifs d’accompagnement suivront pour transformer cette contrainte en levier de croissance. Une chose est sûre : l’ère du «tout-importé» non régulé touche à sa fin.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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