Pluviométrie : une campagne céréalière toujours fragilisée

Les précipitations tant attendues sont enfin tombées, redonnant ainsi le sourire aux agriculteurs. Pourtant, cet apport en eau arrive à un stade où son impact varie fortement selon les cultures. Si certaines productions, notamment celles de printemps, peuvent encore en tirer profit, d’autres, à savoir les cultures d’automne comme les céréales, ont déjà subi des dégâts irrémédiables et ne suffiront pas à inverser la tendance globale d’une campagne agricole marquée par le manque d’eau.
Après de longues semaines d’attente marquées par l’angoisse et l’incertitude, les premières gouttes de pluie ont enfin fait leur apparition, au grand bonheur des agriculteurs qui ont commencé à perdre espoir. Mais ce répit tant attendu s’avère-t-il réellement une bouffée d’oxygène ou serait-ce une illusion ? Car si la terre assoiffée a fini par recevoir un peu d’eau, l’irrégularité et l’insuffisance des précipitations viennent rappeler une réalité implacable, le spectre d’une sécheresse persistante plane toujours sur la campagne agricole. Mais ces précipitations peuvent être salvatrices pour certaines cultures, en revanche, pour d’autres, la saison est d’ores et déjà compromise.
Effets contrastés
Certes, la pluie reste toujours bénéfique, mais, dans ce cas de figure, avec de longues périodes d’aridité, elle ne saurait effacer les séquelles.
Pour certaines cultures, noctamment celles nécessitant une bonne pluviométrie en début de cycle, comme les cultures d’automne et principalement les céréales, ces précipitations tardives arrivent trop tard pour inverser la donne. Les semences qui n’ont pas pu germer, faute d’humidité suffisante, restent définitivement compromises, et les plants ayant survécu peinent à se développer correctement, fragilisant davantage les rendements espérés.
«Il est certain que la production sera faible pour les cultures d’automne. Ainsi, les céréales et les légumineuses ont été impactées de plein fouet puisque au moment de la plantation, le besoin en eau était vital. Faute de précipitations, le cycle de développement a été compromis. Comme nous sommes en période de montaison, ces pluies survenues récemment vont permettre d’avoir plus de paille que de grains dans les épis», regrette Mohamed Bajeddi, agroéconomiste.
Cependant, toujours au niveau des céréales, la mise peut être sauvée dans certaines régions comme Fès-Meknès. En revanche, dans la région de Settat, qui demeure le grenier céréalier, il n’y a plus rien à rattraper. En revanche, ces précipitations tardives constituent une aubaine pour les cultures de printemps, qui ont besoin d’une humidité suffisante en début de cycle. Des cultures comme le maïs, le tournesol, la betterave sucrière ou encore certaines légumineuses estivales profiteront largement de cette manne hydrique. Il en est de même pour l’oléiculture, bien que la production dépende de la pluviométrie et du climat (température très élevée) durant le cycle de production. L’arboriculture et les cultures horticoles profiteront également de ces pluies salvatrices.
«Pour les cultures de printemps, ces précipitations arrivent à point nommé. Elles permettront une meilleure levée des semis et un bon enracinement, garantissant ainsi une croissance plus vigoureuse. Pour les rosacées qui n’ont pas encore fleuri, elles permettront d’améliorer nettement l’état hydrique de la plante, ce qui implique un débourrement réussi. Pour certains fruits, comme l’abricot qui disposent d’une variété précoce, laquelle est actuellement en début de végétation, la récolte s’avère prometteuse», rassure Ahmed Oukabli, directeur de la Fédération interprofessionnelle de la filière de l’arboriculture fruitière au Maroc (Fedam).
L’optimisme s’étend aussi à la récolte des agrumes dont la teneur en jus est vouée à s’améliorer considérablement avec ces précipitations.
Une menace pour les cultures sous serre
En outre, ces pluies favorisent également les parcours de pâturage, apportant un répit aux éleveurs qui souffrent d’un déficit fourrager chronique depuis plusieurs mois. Toutefois, il reste à espérer que les températures restent modérées et que d’autres précipitations viennent appuyer cette dynamique afin d’assurer un bon développement végétatif. Si ces pluies sont globalement positives, elles peuvent néanmoins poser des problèmes aux cultures sous-serre.
Selon un producteur de tomate sous-serre, l’excès d’humidité favorise en effet la prolifération des pathogènes, notamment pour les espèces sensibles aux maladies fongiques, comme la tomate ou le poivron. Contrairement aux cultures en plein champ, qui bénéficient d’une meilleure aération et d’un drainage naturel, les cultures sous-abri sont plus vulnérables aux attaques de champignons et autres parasites, ce qui nécessite une surveillance accrue et des traitements phytosanitaires adaptés.
Tout compte fait, si ces pluies ne sauveront pas la campagne céréalière, elles apportent tout de même une lueur d’espoir pour les agriculteurs misant sur les cultures de printemps et l’élevage, dans un contexte où la disponibilité en eau reste un enjeu majeur pour l’ensemble du secteur agricole.
Mohamed Bajeddi
Agroéconomiste
«Il est certain que la production sera faible pour les cultures d’automne. Ainsi, les céréales et les légumineuses ont été impactées de plein fouet puisque au moment de la plantation, le besoin en eau était vital. Faute de précipitations, le cycle de développement a été compromis. Comme nous sommes en période de montaison, ces pluies survenues récemment vont permettre d’avoir plus de paille que de grains dans les épis.»
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO