Monnaies numériques : les cryptos, levier d’inclusion financière pour les jeunes

Malgré leur statut illégal, les cryptomonnaies rallient de plus en plus de jeunes en quête d’inclusion financière, cherchant à contourner les restrictions imposées par le système bancaire traditionnel.
Confrontée aux contraintes de change et aux limites du système bancaire traditionnel, une partie de la jeunesse adopte les cryptomonnaies comme solution pragmatique pour accéder à l’économie mondiale. Ce phénomène, loin d’être anodin, traduit le rapport qu’entretiennent les jeunes à l’argent, entre quête d’inclusion financière et contournement des restrictions imposées par le système bancaire traditionnel.
En dépit d’une interdiction officielle en vigueur depuis 2017, environ six millions de Marocains – soit 16% de la population – détiennent des cryptomonnaies, selon une étude du courtier français HelloSafe.
«Une grande partie de la jeunesse adhère pleinement à la crypto. Des jeunes exposés à la technologie, dont la plupart issus de milieux défavorisés et cherchant à améliorer leur statut socioéconomique, voient la crypto comme un moyen pour y parvenir», souligne Badr Bellaj, expert en blockchain.
Ce chiffre marque une progression fulgurante de 60% en cinq ans. La raison principale ? Une population jeune, hyperconnectée, souvent exclue des circuits bancaires classiques et qui perçoit dans ces actifs numériques un levier d’ascension sociale.
«Les cryptomonnaies permettent à une partie de la jeunesse de contourner les limitations liées à la convertibilité du dirham et d’accéder à des opportunités économiques mondiales», souligne Bellaj.
À défaut de pouvoir disposer librement de devises étrangères, ces jeunes adoptent massivement les stablecoins – des cryptomonnaies adossées au dollar ou à l’euro – pour réaliser des transactions à l’international ou percevoir des paiements en ligne. Un choix pragmatique, dicté autant par la nécessité que par la logique économique.
Actifs numériques
Mais au-delà de cette adoption individuelle, c’est l’ensemble du paysage financier qui commence à s’approprier la technologie sous-jacente aux cryptomonnaies, à savoir la blockchain. Si les autorités se montrent encore réticentes à reconnaître ces actifs numériques, elles ne ferment pas la porte aux innovations qu’ils induisent. En attestent plusieurs initiatives portées par les grandes institutions financières du pays.
Longtemps perçue comme une innovation encore déconnectée des préoccupations locales, la blockchain s’inscrit désormais dans les projets pilotes des grandes institutions bancaires, signe d’un basculement progressif vers une finance plus digitalisée.
La Banque centrale populaire (BCP) a initié l’expérimentation d’une émission obligataire tokenisée de 100 millions de dirhams, en partenariat avec Maroc Leasing. Bank of Africa, elle aussi, teste cette technologie pour fluidifier la gestion des actifs financiers.
En parallèle, BMCE Capital structure une plateforme dédiée aux titres tokenisés, avec pour ambition d’améliorer la transparence et la traçabilité des transactions sur les marchés financiers. Mais l’attrait pour cette mutation dépasse le simple cadre bancaire.
L’Agence nationale de la conservation foncière (ANCFCC) explore la tokenisation des titres de propriété, ouvrant la voie à une digitalisation inédite du foncier.
À terme, ce système pourrait transformer la gestion des transactions immobilières en instaurant un registre des propriétés infalsifiable, réduisant ainsi le risque de fraudes et de litiges. Si ces avancées témoignent d’une adoption croissante de la blockchain par les institutions financières, elles révèlent aussi un paradoxe.
Alors que les cryptomonnaies restent illégales, la technologie qui les porte est progressivement intégrée par les acteurs institutionnels. Une contradiction que les autorités semblent prêtes à lever. En novembre 2024, Bank Al-Maghrib a ainsi annoncé la préparation d’un projet de loi encadrant les actifs numériques, laissant entrevoir une transition possible vers une régulation plus permissive.
Badr Bellaj
Expert en blockchain
«Avec une jeunesse qui constitue une large frange de sa population, le Maroc adhère pleinement à la crypto. Des jeunes exposés à la technologie, dont la plupart issus de milieux défavorisés et cherchant à améliorer leur statut socioéconomique, voient la crypto comme un moyen pour y parvenir.»
Un scam usurpant l’identité de Aziz Akhannouch…
Un compte usurpant l’identité du chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a récemment fait la promotion d’un prétendu MAR Token, une supposée cryptomonnaie made in Morocco en phase de prévente. Le gouvernement a rapidement réagi, démentant toute implication et rappelant que le seul compte officiel sur la plateforme X est @ChefGov_ma.
Cette mise en garde souligne l’essor des arnaques liées aux actifs numériques, profitant de l’attrait grandissant pour les monnaies numériques. Dans un contexte où les escroqueries aux actifs numériques se multiplient, les autorités appellent à la vigilance face aux faux comptes et aux promesses financières douteuses.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO