Monopoles, privatisations et atténuation de la dette : les recettes non fiscales qui devraient rapporter le plus en 2025 ?
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Alors que le Maroc anticipe 39,12 MMDH de recettes non fiscales en 2025, l’équilibre entre valorisation des actifs et risques structurels devient un enjeu majeur. Face à une croissance estimée à 26,5 %, de ces recettes non fiscales en 2025, quels postes vont être les piliers sur lesquels il faudra compter ? Décryptage.
Les prévisions du ministère de l’Économie et des Finances pour 2025 révèlent une croissance significative des recettes non fiscales, estimée à 39,12 milliards de dirhams (MMDH), contre 30,93 MMDH en 2024, soit une hausse de 26,5%. Cette dynamique s’appuie sur deux piliers : les produits de monopoles et participations financières de l’État (+15,5 %) et les «Autres recettes non fiscales» (+46,2 %). Mais quels postes spécifiques piloteront cette performance ? Une analyse détaillée des données de la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et des Lois de finances (LF) 2024-2025 éclaire les enjeux structurels et conjoncturels de cette trajectoire.
Monopoles et participations financières : un socle stable mais sous tension
Le poste «Produits des monopoles, des exploitations et des participations financières de l’État» reste le contributeur principal des recettes non fiscales, avec 22,9 MMDH prévus en 2025 (contre 19,83 MMDH en 2024). Cette croissance de 15,5% s’explique par la consolidation des participations publiques.
En effet, les revenus des entreprises publiques (comme l’ONEE, la RAM ou l’OCP) demeurent stratégiques. En 2024, ce poste a déjà généré 16,61 MMDH selon les chiffres de la TGR, en hausse de 19% par rapport à 2023.
Les «Autres recettes non fiscales» : une explosion portée par la dette et les privatisations
Le bond prévu de +46,2 % des «Autres recettes non fiscales» (16,22 MMDH en 2025 contre 11,09 MMDH en 2024) cache des dynamiques hétérogènes mais stratégiques. Commençons par les recettes en atténuation des dépenses de la dette. En 2024, ce poste a déjà quadruplé pour atteindre 4,84 MMDH contre 2,25 MMDH en 2023.
Ces recettes, liées aux pénalités de retard ou aux renégociations de dette, pourraient continuer à croître en 2025, portées par les clauses de sauvegarde dans les contrats d’emprunt internationaux, activées en cas de chocs macroéconomiques, ou encore les restructurations ciblées de la dette souveraine, anticipées dans un contexte de taux directeurs élevés.
Venons en aux Fonds de concours et dons. Les dons internationaux, notamment des pays du Golfe (CCG), restent marginaux (2,92 MMDH en 2024). Leur augmentation dépendra des aléas diplomatiques et des projets d’investissement ciblés (énergie verte, infrastructures). L’autre poste à suivre de près est celui des privatisations. Les produits de cession des participations de l’État, estimés à 1,7 MMDH en 2024 contre 1,6 MMDH en 2023, restent modestes mais révèlent un potentiel sous-exploité.
Pour 2025, le gouvernement anticipe une accélération, soutenue par une refonte institutionnelle et réglementaire détaillée dans la nouvelle Politique actionnariale de l’État (PAE) et pilotée par l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État (ANGSPE). La PAE, récemment approuvée, fixe un cap clair : valoriser le portefeuille public tout en clarifiant le rôle de l’État comme actionnaire.
Concrètement, cela devrait impliquer un désengagement ciblé dans les secteurs concurrentiels (banque, assurance, immobilier), où la présence de l’État n’est plus stratégique; un renforcement des participations dans les secteurs clés (énergie, logistique, eau), aligné sur les priorités nationales (sécurité énergétique, souveraineté industrielle); ou encore une transparence accrue dans la gestion des actifs, via des audits réguliers et des critères de performance financière et ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).
«La PAE n’est pas qu’un outil comptable : elle redéfinit la philosophie de l’actionnariat public. L’État passe d’un rôle passif de détenteur d’actifs à un gestionnaire actif, cherchant à maximiser la valeur tout en servant l’intérêt général», explique un analyste.
La modernisation du dispositif des privatisations vise à lever les freins historiques. Disons que, désormais, les privatisations s’inscriront dans une logique structurante, bien au-delà d’une simple recherche de recettes. L’enjeu critique étant d’éviter les cessions précipitées ou opaques, qui pourraient diluer la valeur publique.
«La réussite de cette démarche dépendra de la rigueur dans l’exécution de la PAE et de la capacité à attirer des investisseurs de qualité, capables de générer de la valeur ajoutée locale», nous dit-on.
Rôle central de l’ANGSPE : piloter la valeur
L’ANGSPE, en charge de la gestion stratégique du portefeuille public, agira certainement sur deux fronts : identification des actifs à céder, et maximisation des rendements. Le premier front consistera à cartographier les participations non essentielles, en fonction de leur rentabilité et de leur alignement avec les objectifs nationaux. Le second consistera à utiliser des instruments financiers innovants pour doper la valorisation pré-cession.
Trois postes devraient dominer les recettes non fiscales
De ce qui précède, il apparaît qu’en 2025, trois postes domineront les recettes non fiscales. Les produits de monopoles et participations financières de l’Etat, qui sont stables mais vulnérables aux cycles sectoriels; les recettes en atténuation de dépenses de la dette, temporaires et liées à la conjoncture financière; et les privatisations, qui pour leur part sont dépendants de l’agenda politique. Cela dit, la part croissante des recettes exceptionnelles (dette, privatisations) pose un risque de soutenabilité.
L’autre enjeu critique à suivre de près est que ces recettes doivent financer des investissements structurants (éducation, transition énergétique), et non combler des déficits chroniques. Cela dit, si ces postes domineront les recettes non fiscales en 2025, leur poids relatif masque des fragilités.
Recettes diverses : un recul structurel à interroger
Les recettes diverses sont constituées des recettes des différents ministères, notamment les amendes transactionnelles et forfaitaires, les droits de chancellerie, etc. Depuis 2016, les recettes diverses tiennent compte des versements de certains comptes spéciaux du Trésor (CST) et SEGMA au budget général, en application des dispositions de la loi organique relative à la Loi de finances qui interdit les versements entre SEGMA et entre SEGMA et CST (article 22), entre CST et entre CST et SEGMA (article 27).
Le constat est que les recettes diverses chutent drastiquement, passant de 42,18 MMDH en 2023 à 28,09 MMDH en 2024, selon les chiffres publiés par la TGR.
Cette baisse de 33%, d’une année à l’autre, interroge. Est-ce dû à l’impact des réformes réglementaires ? Est-ce dû à la centralisation des comptes spéciaux ?
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO