Rougeole : les mesures prises jugées insuffisantes
Le Maroc fait face à une flambée de rougeole indédite. Tayeb Hamdi, expert en santé publique, juge les mesures actuelles «insuffisantes». Il appelle à un renforcement urgent de la vaccination pour atteindre l’immunité collective, seul rempart efficace contre l’épidémie.
Le Maroc est confronté à une recrudescence inquiétante des cas de rougeole. Après une relative accalmie observée durant les vacances scolaires, la reprise des classes sonne comme un signal d’alarme «l’épidémie étant susceptible de s’intensifier», craignent les autorités.
Les déplacements et le brassage des populations durant les congés ont favorisé la propagation du virus, particulièrement contagieux, alerte Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé. Il souligne que la situation actuelle fait peser un risque non seulement sur la santé publique, mais également sur la vie scolaire et socio-économique ainsi que les ambitions du pays.
La rougeole, loin d’être une maladie bénigne, peut entraîner des complications graves, voire mortelles, surtout chez les plus jeunes et les personnes fragiles.
L’immunité collective, un objectif indispensable et encore lointain
L’urgence d’atteindre l’immunité collective est donc de mise. Le docteur Hamdi est catégorique :
«sans immunité collective, pas de retour à la normale». Pour endiguer l’épidémie, il est impératif qu’au moins 95% de la population soit immunisée contre la rougeole.
«Tant que nous sommes en dessous des 95%, la maladie continuera de se propager sous forme d’épidémie», prévient-il.
Or, le Maroc est encore loin de ce seuil critique. Deux voies s’offrent au pays : la vaccination massive, seul moyen de sauver des vies et de prévenir les séquelles, ou laisser la maladie se répandre, au prix de lourdes pertes humaines, de handicaps et d’une perturbation durable de la vie sociale et économique. Un choix lourd de conséquences pour l’avenir du pays.
Des mesures strictes,
mais insuffisantes
Face à une épidémie qui gagne du terrain, le ministère de l’Éducation nationale a lancé depuis lundi une campagne de vaccination dans les établissements scolaires «pour renforcer et compléter la couverture vaccinale des élèves de moins de 18 ans». Le dispositif est complété par une politique de tolérance zéro envers les élèves non vaccinés. Ainsi, en cas d’épidémie dans un établissement, ces derniers risquent l’exclusion définitive.
Par ailleurs, «si un établissement devient un foyer de propagation du virus, sa fermeture pourra être ordonnée sur recommandation des autorités sanitaires», précise le ministère.
«Les mesures prises au niveau scolaire sont importantes. Elles sont nécessaires, incontournables et même vitales, mais restent encore insuffisantes», estime Hamdi qui insiste sur la nécessité de maintenir un taux de couverture vaccinale élevé dans le temps.
Pour l’expert, il ne s’agit pas de se limiter à des campagnes ponctuelles, mais bien de renforcer la vaccination systématique des enfants, conformément au calendrier établi à cet effet.
Des défaillances du système de santé pointées du doigt
L’épidémie actuelle révèle des failles profondes dans le système de santé national. Ainsi Tayeb Hamdi appelle à des enquêtes et des audits pour comprendre comment le pays a pu se retrouver dans une telle situation. Si la pandémie de covid-19 et l’hésitation croissante des parents pour la vaccination sont des facteurs explicatifs, ils ne sauraient justifier à eux seuls la baisse alarmante de la couverture vaccinale. Le relâchement de l’offre vaccinale, les pénuries de ressources humaines, les grèves répétées dans le secteur de la santé et le manque de motivation des professionnels sont également mis en cause.
De plus, des défaillances dans la surveillance épidémiologique sont pointées du doigt, la recrudescence des cas de rougeole n’ayant pas été détectée suffisamment tôt. Enfin, l’expert souligne l’urgence de mener une étude approfondie sur les causes de l’hésitation vaccinale, afin de mieux cibler les campagnes de sensibilisation et de regagner la confiance des parents dans cette action de prévention, un pilier essentiel de la santé publique.
«Une hésitation qui touche un pays qui était depuis plusieurs années un leader mondial de la vaccination des enfants contre les maladies cibles», conclut-il, soulignant l’ampleur du défi à relever.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO