Prévisions de recettes de l’IR en 2025 : fonctionnaires, salariés du secteur privé, métiers libéraux… Les gagnants et les perdants !
Les prévisions 2025 dessinent un paysage fiscal marocain en mutation, où la croissance des recettes cache des tensions entre équité et efficacité. Les professions libérales s’enrichissent mais désertent l’IR. Hasard ou stratégie ?
Les prévisions du ministère de l’Économie et des Finances (MEF) pour 2025 dessinent une trajectoire ambitieuse : les recettes fiscales globales augmenteraient de 17,6% en un an, passant de 280,40 à 329,72 milliards de dirhams (MMDH).
Au cœur de cette dynamique, l’Impôt sur le Revenu (IR) – composante clé des impôts directs – devrait progresser de 18,9%, atteignant 140,74 MMDH. Une hausse qui s’accompagne d’une redistribution subtile entre les catégories socioprofessionnelles, révélatrice des priorités fiscales et des réalités socioéconomiques nationales.
Selon les données du MEF, la répartition de l’IR en 2025 maintient une structure dominée par les salariés du secteur privé (52,9%) et les fonctionnaires (20,6%), suivis des «autres catégories» (23,3%) et des professions libérales (3,3%). En apparence, ces chiffres suggèrent une continuité. Pourtant, les écarts annuels révèlent des évolutions significatives.
En effet, la part des fonctionnaires dans l’IR recule légèrement (-0,8 point), passant de 21,4% à 20,6%. Cette baisse, bien que modeste, interroge dans un secteur public où les grilles salariales sont rigides. Cela dit, cet infléchissement modeste, mais symbolique, pourrait refléter une modulation des taux effectifs, liée au nouveau barème progressif de l’IR. Pour ce qui est des salariés du secteur privé, leur poids diminue de 0,3 point (53,2% à 52,9%).
Cette quasi-stabilité s’explique par la massification de cette catégorie et la rigidité des salaires soumis à retenues à la source.
«Le secteur privé reste le pilier de l’IR, mais sa part relative stagne, signe d’un plafonnement de la base imposable ou d’une informalité persistante dans certains segments», analyse un fiscaliste.
Et un autre de nous dire : «La légère baisse de la contribution des salariés du privé masque leur poids écrasant dans l’IR. Cela reflète une économie où la classe moyenne salariée reste le pilier contributif, malgré les pressions inflationnistes.». Côté professions libérales, leur part dans l’IR recule de 0,8 point (de 4,1% à 3,3%), soit la plus forte baisse relative. Un recul qui pose des questions.
Pour ce qui est des «Autres catégories», leur part grimpe de 2 points (de 21,3% à 23,3%), signe d’un élargissement de l’assiette fiscale. La croissance des «autres catégories» suggère des efforts pour capter de nouveaux contribuables.
«Cette progression indique soit une formalisation accrue, soit une pression fiscale renforcée sur des secteurs jusque-là sous-imposés», note un analyste.
Métiers libéraux : un recul dans la contribution à l’IR aux multiples interrogations
Comme indiqué plus haut, la part des professions libérales dans l’IR prévu pour 2025 affiche la plus forte contraction relative (-0,8 point), passant de 4,1% à 3,3%. Bien que modeste en valeur absolue, cette baisse révèle des enjeux structurels et symboliques, interrogeant sur l’efficacité du système fiscal marocain à capter les revenus de cette catégorie socioprofessionnelle.
Alors que les recettes de l’IR global progressent de 18,9% entre 2024 et 2025, le recul des métiers libéraux contraste avec la dynamique générale. Bien sûr que cela a un lien avec les taux effectifs liés au nouveau barème progressif de l’IR Mais la forte contraction relative (-0,8 point), combiné à la sous-représentation des métiers libéraux dans la répartition de l’IR en 2025, devrait interpeller les pouvoirs publics au moins sur le front du renforcement du contrôle, sans toutefois étouffer le secteur, connaissant la flexibilité inhérente à ces professions, souvent liée à des revenus variables et à des facturations en espèces. Plusieurs facteurs expliquent cette sous-représentation des métiers libéraux.
À commencer par l’opacité des revenus : contrairement aux salariés, soumis à une retenue à la source, les libéraux déclarent eux-mêmes leurs revenus, augmentant les risques de sous-évaluation. Mais aussi l’informalité partielle : une partie de l’activité échapperait au circuit formel, notamment dans les petites structures ou les régions moins contrôlées.
Le nouveau barème progressif : un assouplissement calculé
Le barème 2025 introduit des modifications structurelles. Il s’agit notamment de l’élargissement de la tranche non imposable de 30.000 à 40.000 DH, une mesure socialement inclusive. La compression des tranches intermédiaires, dans la mesure où la tranche à 30% disparaît au profit d’une tranche à 20% étendue (60.001-80.000 DH), suivie d’un saut à 30% pour celle de 80.001-100.000 DH.
Ce qui lisse la progressivité pour les revenus moyens. Baisse du taux marginal : de 38% à 37% pour les revenus supérieurs à 180.000 DH. Un signal pro-investissement, mais symbolique (1 point de moins sur la tranche excédentaire). Disons que ce barème est un compromis entre justice sociale et incitation économique. La baisse du taux marginal vise à retenir les hauts revenus dans le giron fiscal, mais son impact budgétaire serait minime.
Implications macroéconomiques
Le MEF table sur une hausse des recettes de l’IR en 2025. Une projection qui repose sur une croissance économique soutenue (+3% à +4 %), génératrice de revenus supplémentaires ; un élargissement de l’assiette fiscal via la formalisation et la digitalisation et un effet de levier modéré des nouvelles tranches, compensé par la réduction du taux marginal.
Pour revenir sur les projections de croissance économique pour le Maroc en 2025, celles-ci varient selon les sources, mais indiquent généralement une amélioration par rapport à 2024. La Banque mondiale prévoit une croissance de 3,9% en 2025, le ministère de l’Économie et des Finances table sur 4,6%. Fitch Solutions anticipe une croissance de 5% et Bank Al-Maghrib (BAM) prévoit 3,9%.
Pour le Haut-commissariat au plan (HCP), ce serait 3,7% alors que la Banque africaine de développement (BAD) prévoit une croissance de 3,8%. Des prévisions qui sont basées sur plusieurs facteurs, notamment une augmentation des investissements, une demande étrangère plus forte, des politiques budgétaires expansionnistes, ou encore une amélioration des conditions météorologiques, avec une reprise du secteur agricole après une période de sécheresse.
Les exportations nettes devraient contribuer positivement au PIB en 2025, grâce à l’accélération de la croissance européenne et à la reprise agricole, qui limitera les importations alimentaires. L’organisation de la Coupe d’Afrique des nations en 2025 devrait également stimuler le tourisme et les exportations de services.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO