Maroc

Omar Kettani : “Il serait improbable d’absorber au moins 200.000 emplois par an”

Omar Kettani
Économiste et professeur à l’université Mohamed V-Agdal de Rabat

Pour la seconde année consécutive, le chômage s’inscrit en hausse, passant de 1,580 million de chômeurs en 2023 à 1,638 million en 2024 (+58.000). Le taux de chômage est ainsi passé de 13% à 13,3% en un an. Cette hausse est la conséquence d’un accroissement de 42.000 chômeurs en milieu urbain et de 15.000 en milieu rural.

Avec un taux de croissance du PIB de 3,8%, prévu en 2025 au Maroc par le HCP, comment interprétez-vous cette nouvelle augmentation du taux de chômage à 13,3% en 2024 ? Les statistiques parlent d’augmentation et non pas du taux général qui a atteint plus de 21%, selon le Recensement général de la population et de l’habitat de 2024.

Cela est doublement significatif si l’on en croit les statistiques, avec ce niveau alarmant : un cinquième de la population marocaine est au chômage alors que la tendance annuelle de croissance est à deux chiffres. Cela devrait normalement pousser les décideurs à réagir vite et d’une façon urgente d’autant plus que le taux de croissance prévu de 3,8% n’a jamais pu permettre à un pays de lutter contre le chômage.

En effet, il faut atteindre le double si les investissements sont hautement créateurs d’emplois, mais vu la nature de la plupart des investissements au Maroc qui sont hautement capitalistiques, il serait improbable d’absorber au moins 200.000 emplois par an.

À cela s’ajoute le fait de grignoter sur le cumul de près de trois millions de chômeurs hérités d’une mauvaise orientation des investissements au Maroc, téléguidés par l’idéologie d’endettement de la Banque mondiale et du FMI.

Face à cette montée du chômage, l’économie marocaine est actuellement confrontée à sa propre capacité à créer de l’emploi en relation avec la question de l’investissement. À votre avis, comment réduire ce taux ?
La solution n’est pas économique, elle est humaine puisque il y a trois obstacles à mon avis, sur le plan humain.

Premièrement, les décideurs, qui n’ont aucune culture de l’importance de l’investissement social. Ils continuent à investir dans l’enjolivement des villes, au lieu d’investir dans l’urbanisation de la campagne. Or, un tiers du chômage incombe à l’exode rural.

Un second tiers provient probablement du grave déficit de la balance commerciale et le dernier tiers est dû au double effet négatif, l’analphabétisme, avec 10 millions d’analphabètes après 70 ans d’indépendance, et la rente, qui pourrait représenter autour de 20% du coût des marchés publics.

Deuxièmement, ces facteurs sont quasi absents dans de nombreux pays asiatiques. Vous comprenez pourquoi ces pays ont des taux de croissance permanents autour de 7%.

Troisièmement, la difficulté de garder et de responsabiliser les cadres qualifiés (ndlr: la «fuite» des médecins vers d’autres pays, par exemple, au moment où on parle de la couverture sanitaire (en France seulement, il y a 6.000 médecins marocains en exercice).

Quel est l’impact d’un taux d’activité en baisse sur la croissance économique du Maroc ? Une population active moins nombreuse peut-elle freiner le développement économique ?
Certainement. La perspective du vieillissement progressif de la population marocaine va avoir des répercussions à moyen terme sur le plan social, au niveau de la couverture des retraites. Peut-être que l’on va devoir bientôt emprunter, non pas seulement pour investir, mais aussi pour payer la retraites de nos fonctionnaires !

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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