Dr Imane Kendili : “La diplomatie sanitaire est un levier clé pour relever les défis transnationaux”
Dr Imane Kendili
Psychiatre addictologue, présidente d’African Global Health
Imane Kendili, présidente d’African Global Health (AGH), a récemment pris part à un événement organisé en marge du Forum de Davos, où elle a partagé l’expérience marocaine en matière de souveraineté sanitaire et de coopération Sud-Sud. Forte d’un engagement structurant en faveur de systèmes de santé inclusifs et résilients, elle défend une approche fondée sur le consensus et l’innovation.
Vous avez été invitée à partager l’expérience marocaine lors d’un événement organisé en marge du Forum de Davos en Suisse. Quelles leçons ou perspectives avez-vous transmises et quelles retombées attendez-vous de cette intervention ?
C’était l’occaion pour African Global Health (AGH) de mettre en avant la souveraineté sanitaire, la coopération Sud-Sud et les solutions innovantes en santé. La dignité humaine est au cœur de notre approche, avec le concept du patient-citoyen visant à autonomiser les populations.
Face à une perte de confiance envers les gouvernants, AGH préconise l’implication de figures crédibles (scientifiques, activistes, experts) pour renforcer la transparence et la proximité avec les citoyens. La diplomatie sanitaire est un levier clé pour relever les défis transnationaux.
À travers les conférences africaines et Sud-Sud pour la réduction des risques sanitaires, AGH, sous le haut patronage du roi Mohammed VI, a fédéré 83 délégations et initié une Charte panafricaine pour un système de santé souverain et équitable.
AGH œuvre également pour la justice sociale, notamment via l’éducation et l’autonomisation des jeunes et des femmes, considérés comme les piliers d’un avenir durable.
L’innovation et la durabilité sont au cœur de ses actions, intégrant intelligence artificielle et recherche scientifique pour repenser les mécanismes de gestion des crises. Ensemble, en plaçant la solidarité et l’inclusion au centre des priorités, AGH aspire à bâtir un monde résilient et juste pour les générations futures.
Comment définissez-vous le consensus dans le contexte des enjeux de santé globale, et pourquoi considérez-vous qu’il s’oppose au dogmatisme ?
Dans un monde en proie à des crises sanitaires et économiques, le consensus s’impose comme une réponse pragmatique et inclusive aux défis de santé globale. Il repose sur le dialogue, l’écoute et la co-construction entre gouvernements, experts, institutions et communautés locales.
À l’image des Conférences africaines et Sud-Sud pour la réduction des risques sanitaires, qui ont abouti à la Déclaration de Marrakech, cette approche permet de bâtir des systèmes de santé souverains, accessibles et équitables.
Le consensus valorise l’innovation en intégrant tradition et modernité, à l’instar de la vision portée par le Souverain. Il favorise l’adaptation aux réalités locales, contrairement au dogmatisme qui impose des solutions rigides et inadaptées. Là où ce dernier freine l’innovation et l’adhésion des populations, le consensus crée un espace de collaboration et d’acceptation collective, renforçant la légitimité des politiques publiques.
En diplomatie sanitaire, le Maroc a démontré la puissance du consensus en mobilisant des partenaires internationaux autour d’initiatives structurantes, comme la création d’un consortium panafricain. Ce modèle de gouvernance flexible et participatif permet de transformer les crises en opportunités, en plaçant la solidarité et la dignité humaine au cœur des priorités. Ainsi, le consensus devient un moteur de résilience et de progrès, ouvrant la voie à un avenir partagé, inclusif et durable.
Pouvez-vous expliquer en quoi l’approche de réduction des risques incarne une démarche basée sur le consensus, et quels en sont les bénéfices concrets ?
Nous parlons d’une approche qui place la dignité humaine et l’inclusion au cœur des politiques de santé. Plutôt que d’imposer des solutions rigides, elle privilégie le dialogue et la concertation entre gouvernements, experts, ONG et citoyens pour élaborer des réponses adaptées aux réalités locales.
Le Maroc a fait de cette approche un levier stratégique, comme en témoignent les Conférences africaines et Sud-Sud pour la réduction des risques sanitaires, réunissant 83 délégations internationales et aboutissant à une Charte panafricaine en faveur de systèmes de santé souverains et inclusifs.
Cette approche, opposée au dogmatisme, repose sur l’innovation et la flexibilité, intégrant des outils comme la télémédecine et l’intelligence artificielle. Elle a prouvé son efficacité en réduisant la transmission de maladies comme le VIH et l’hépatite C, tout en diminuant les coûts liés aux hospitalisations.
Sur le plan social, elle favorise la réintégration des populations marginalisées et renforce la cohésion en créant un climat de confiance entre citoyens et gouvernants.
S’inscrivant dans une dynamique internationale prônée par des leaders comme António Guterres, la réduction des risques transcende les crises sanitaires pour devenir un modèle global, conciliant pragmatisme, solidarité et résilience. Le Maroc illustre brillamment cette vision, offrant un exemple de gouvernance humaine et durable.
En tant que présidente d’AGH, vous mettez un fort accent sur la coopération Sud-Sud. Quelles initiatives concrètes ont vu le jour grâce à cette vision, et quelles sont vos priorités futures ?
Convaincue que le développement de l’Afrique doit être porté par les Africains eux-mêmes, AGH a initié des projets majeurs, comme les conférences africaines et Sud-Sud pour la réduction des risques sanitaires, rassemblant 83 délégations internationales sous le haut patronage royal.
Ces rencontres ont abouti à la Déclaration de Marrakech et jeté les bases d’une charte panafricaine pour une santé souveraine et équitable. Notre engagement va au-delà de la santé.
La campagne «Des livres pour tous» vise à réduire les inégalités éducatives, car l’investissement dans la jeunesse est essentiel pour bâtir une Afrique prospère. AGH a aussi consolidé ses alliances à travers 12 missions stratégiques en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine, en Asie et en Amérique du Nord, tissant des partenariats avec l’Union Africaine, le CDC et des experts de renom.
Rabat accueillera la première Conférence mondiale sur la réduction des risques, un événement historique réunissant 150 nations pour lancer une charte mondiale inédite. Cet événement positionnera le Maroc comme un leader de la diplomatie sanitaire, illustrant sa capacité à transformer la coopération en levier de progrès global. AGH poursuivra cette dynamique en portant haut les valeurs de solidarité, d’innovation et de dignité humaine.
Quelle est la portée de la Conférence sur la réduction des risques organisée par AGH à Marrakech, et comment participe-t-elle à renforcer la souveraineté sanitaire des pays africains ?
Cet évènement s’est imposé comme un tournant majeur pour la souveraineté sanitaire africaine. Les deux premières éditions ont réuni plus de 80 pays, engageant gouvernements, experts et institutions autour d’une vision commune : renforcer des systèmes de santé souverains et résilients.
La première édition a posé les bases d’une coopération panafricaine en identifiant les défis liés à la dépendance aux importations de médicaments et au manque d’infrastructures locales. Elle a abouti à des engagements concrets sur la formation des professionnels de santé et le renforcement des mécanismes de prévention. La deuxième édition en 2023 a amplifié ces avancées en intégrant de nouvelles priorités, comme l’impact du changement climatique sur la santé et la sécurité alimentaire.
Un consortium stratégique panafricain a été initié avec Africa CDC, Zenith Global Health et ABCHealth, visant à formaliser une Charte panafricaine pour la souveraineté sanitaire. Ces conférences ont également souligné le rôle du Maroc comme modèle d’innovation, illustré par l’usine de production de vaccins de Benslimane et le développement de la télémédecine et de l’intelligence artificielle pour améliorer l’accès aux soins.
Dans un contexte mondial marqué par des inégalités accrues, comment le Maroc peut-il jouer un rôle de leadership dans la santé globale et la coopération régionale ?
Porté par des valeurs de solidarité et de dignité humaine, le Royaume œuvre pour l’autonomisation sanitaire de l’Afrique, en témoignent des initiatives stratégiques comme l’usine de production de vaccins de Benslimane, réduisant la dépendance du continent aux importations.
Le Maroc renforce également son engagement international à travers la coopération Maroc-OMS 2023-2027, axée sur la résilience sanitaire, l’équité dans l’accès aux soins et le renforcement des systèmes de santé. En parallèle, le Royaume modernise son propre système de santé avec le soutien de la Banque mondiale, garantissant des soins de qualité même dans les régions reculées.
L’innovation est un autre levier clé : la télémédecine, déployée pour améliorer l’accès aux soins dans les zones isolées, pourrait être étendue à d’autres pays africains. En conjuguant technologie, expertise et coopération Sud-Sud, le Maroc offre un modèle inspirant de gouvernance sanitaire. Bien plus qu’un acteur régional, le Maroc incarne une voix de leadership et d’espoir pour l’Afrique, prouvant que le continent peut construire son avenir sanitaire souverain et prospère, porté par une vision humaniste, pragmatique et solidaire.
Le manifeste pour la réduction des risques prend de l’ampleur. Quelles mesures spécifiques ont été mises en œuvre au Maroc et dans d’autres pays pour appuyer cette initiative ?
Le manifeste illustre l’approche visionnaire du Maroc en matière de santé publique et de résilience globale. Ancré dans l’expérience marocaine, il traduit la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en faveur d’une coopération Sud-Sud et de solutions adaptées aux réalités locales. Il a inspiré des initiatives concrètes, comme l’amélioration des politiques de réduction des risques liés aux addictions, la prévention des maladies chroniques et l’intégration de la résilience climatique dans les stratégies de gouvernance.
La deuxième édition prévue en 2025 élargira cette approche en intégrant les défis émergents, tels que les instabilités économiques et numériques. Elle mettra un accent particulier sur la jeunesse, avec l’ambition d’introduire la réduction des risques dans l’éducation, afin de préparer les nouvelles générations à gérer les crises de manière proactive.
Ce manifeste ne se limite pas à la réflexion : il engage gouvernements, institutions et communautés locales dans une dynamique de transformation durable. Son lancement lors de la troisième conférence africaine sur la réduction des risques en juin 2025 à Rabat souligne son rôle clé dans la coopération régionale et la souveraineté sanitaire du Sud global. Plus qu’un ouvrage, ce manifeste est une plateforme d’action, confirmant le Maroc comme un leader mondial dans la promotion de solutions innovantes et inclusives.
Quels objectifs prioritaires visez-vous pour la conférence de Rabat prévue en juin 2025, et quels impacts espérez-vous sur les politiques publiques des pays participants ?
Nous voyons cette rencontre comme un tournant stratégique pour la coopération sanitaire et la souveraineté des nations. Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc affirme son rôle de leader en santé globale, plaçant la résilience sanitaire et la prévention des crises au cœur des politiques publiques internationales.
L’un des objectifs majeurs de cette conférence est l’adoption d’une Charte internationale pour la souveraineté sanitaire, un cadre ambitieux visant à guider les gouvernements dans la gestion des risques sanitaires, climatiques et alimentaires. Inspirée par la diplomatie sanitaire marocaine, cette initiative encourage la coopération Sud-Sud et le transfert de technologies, comme en témoigne la production locale de vaccins à Benslimane.
Au-delà des enjeux de santé, la conférence abordera des défis transversaux tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire, l’éducation et l’égalité des genres, illustrant une approche holistique et humaniste où l’humain est au centre des priorités. Elle servira de laboratoire d’idées et de catalyseur d’actions concrètes, renforçant la confiance entre gouvernements et citoyens.
Grâce à cette plateforme, le Maroc appelle à une mobilisation mondiale pour un avenir solidaire et durable, transformant les crises en opportunités de progrès. Rabat 2025 sera bien plus qu’un sommet : ce sera une révolution dans la gouvernance sanitaire et le développement mondial
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO