Éco-Business

Prime d’investissement : une directive pour clarifier la compétence des experts-comptables

Pour garantir la crédibilité du dispositif des primes à l’investissement, une nouvelle directive de l’Ordre des experts-comptables encadre rigoureusement le rôle de certification des professionnels. Détails.

Dans un contexte de forte concurrence pour attirer les investissements étrangers, le Maroc renforce son cadre réglementaire pour l’octroi des primes à l’investissement. Publiée le 18 décembre 2024, une récente directive du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables du Maroc (OEC) vise à définir un cadre clair pour l’attestation des critères d’éligibilité aux primes à l’investissement prévues par la loi 03-22.

Selon l’OEC, «cette directive apporte de la transparence sur le rôle et les diligences de l’expert-comptable chargé de délivrer les attestations requises pour le déblocage des primes». Il faut dire que l’expert-comptable ou le commissaire aux comptes joue un rôle primordial dans le processus d’octroi des primes d’investissement.

Conformément aux conventions signées entre l’État et l’entreprise bénéficiaire, c’est à lui qu’incombe la mission de vérifier la concordance entre les déclarations de l’investisseur et la réalité comptable et extra-comptable de l’entreprise. Si, par exemple, une société déclare avoir créé 100 emplois pour bénéficier de la prime liée à l’emploi, l’expert-comptable devra s’assurer que ces 100 nouveaux postes figurent bien dans les livres de comptes, les déclarations sociales, les contrats de travail, etc.

Son rôle est donc essentiel pour garantir la sincérité des informations fournies et lutter contre la fraude. Sans cette vérification indépendante, le risque de voir des primes accordées indûment sur la base de données erronées serait bien trop élevé.

Quatre primes ciblées
La directive concerne spécifiquement quatre types de primes : «La prime liée aux investissements, la prime liée aux emplois stables, la prime liée au genre et la prime liée à l’intégration locale». Les autres primes prévues par la loi 03-22 ne sont pas couvertes.

Premièrement, la prime liée aux investissements encourage les entreprises à réaliser des projets d’investissement créateurs d’emplois et de richesses. Ainsi, une entreprise qui construit une nouvelle usine pourrait bénéficier de cette prime.

Deuxièmement, la prime liée aux emplois stables récompense les entreprises qui offrent des contrats à durée indéterminée plutôt que des emplois précaires.

Troisièmement, la prime liée au genre vise à promouvoir l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, en incitant les entreprises à recruter et promouvoir davantage de femmes.

Enfin, la prime liée à l’intégration locale encourage l’ancrage territorial des entreprises, par exemple en favorisant l’embauche de personnels locaux ou l’approvisionnement auprès de fournisseurs régionaux.

Des diligences détaillées
Selon la directive, l’expert-comptable doit d’abord examiner la convention d’investissement signée entre l’investisseur et le gouvernement pour identifier les primes éligibles. Ensuite, il doit vérifier la concordance entre les données fournies par l’investisseur et les pièces justificatives, en menant les diligences nécessaires selon son jugement professionnel.

Dans le cadre des missions d’attestation pour le déblocage des primes à l’investissement, l’expert-comptable doit effectuer des diligences spécifiques en fonction du type de prime concernée. Ces diligences visent à s’assurer de la concordance entre les données déclarées par l’investisseur et les pièces justificatives.

Pour la prime liée aux investissements, une prime débloquée en trois tranches (40%, 30%, 30%), l’expert-comptable doit contrôler la concordance des factures d’acquisition des immobilisations, des bons de livraison et des règlements bancaires correspondants avec les montants d’investissements déclarés par l’entreprise.

Ainsi, pour une entreprise qui a déclaré un investissement de 100 millions de dirhams pour son projet éligible, lors du déblocage de la première tranche (40%), l’expert-comptable devra vérifier que les factures, bons de livraison et paiements bancaires justifient bien un investissement d’au moins 40 millions de dirhams.

Pour la prime liée à l’emploi, également débloquée en trois tranches, l’expert-comptable doit s’assurer de l’existence de contrats de travail pour les emplois déclarés, de l’immatriculation des employés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la déclaration effective des salaires pendant une période minimale de 18 mois.

Pour une entreprise qui déclare la création de 150 emplois, lors du déblocage de chaque tranche, l’expert-comptable devra vérifier les contrats de travail, les immatriculations CNSS et les bulletins de paie correspondants pour s’assurer de l’emploi effectif de ces 150 personnes sur la période requise.

Diligences spécifiques pour les primes liées au genre et à l’intégration locale
Outre les primes liées aux investissements et à l’emploi, la directive encadre également les diligences de l’expert-comptable pour l’attestation des primes favorisant l’égalité de genre et l’intégration locale des projets d’investissement. Pour la prime liée au genre, débloquée en une seule tranche, l’expert-comptable doit vérifier le calcul du ratio «masse salariale féminine / masse salariale totale» déclaré par l’entreprise, qui doit être supérieur à 30%.

Si, par exemple, l’entreprise déclare un ratio de 35% pour bénéficier de la prime liée au genre, l’expert-comptable devra contrôler le calcul de ce ratio en rapprochant la masse salariale féminine et la masse salariale totale issues des états de paie et des déclarations sociales. Quant à la prime d’intégration locale, elle est débloquée en une tranche unique pour récompenser les projets favorisant l’intégration économique locale. L’expert-comptable doit contrôler le taux d’intégration locale déclaré par l’entreprise, calculé sur la base des états de synthèse (comptes annuels).

Ainsi, pour une société qui déclare un taux d’intégration locale de 65% pour son projet, l’expert-comptable devra analyser les comptes annuels (compte de résultat, bilan, annexes) pour vérifier que les achats locaux, les sous-traitances locales et autres charges locales représentent bien 65% du total des charges d’exploitation. Dans tous les cas, l’expert-comptable doit appliquer des procédures d’audit appropriées pour émettre son attestation en toute indépendance et objectivité.

Une mission rigoureuse encadrée par l’OEC
L’Ordre des experts-comptables (OEC) insiste sur la rigueur attendue des professionnels dans leurs missions de certification pour l’octroi des primes d’investissement. Il n’est pas juste question d’apposer un simple tampon de complaisance.

Comme le souligne l’OEC, «l’attestation requiert du professionnel une obligation de moyens, c’est-à-dire la mise en œuvre des diligences requises». Concrètement, cela signifie que l’expert-comptable doit réaliser tous les contrôles et vérifications nécessaires avec professionnalisme. Par exemple, pour certifier l’éligibilité à la prime liée à l’intégration locale, il devra vérifier la domiciliation réelle des fournisseurs et sous-traitants, l’origine des achats et approvisionnements, etc.

Des délais minimums sont prévus pour permettre ce travail en profondeur. Une lettre de mission doit aussi être formalisée au préalable, et une lettre d’affirmation obtenue de l’entreprise avant émission définitive de l’attestation, de manière à bien cadrer les responsabilités respectives. Ce cadre rigoureux vise à garantir la crédibilité et la fiabilité du dispositif.

Un levier pour l’attractivité des investissements étrangers

Cette nouvelle directive sur l’encadrement des primes d’investissement aura un impact économique majeur en renforçant la confiance des investisseurs internationaux envers le Maroc. Soulignons que le Maroc a réussi à maintenir et accroître son attractivité pour les investissements directs étrangers (IDE) grâce à des politiques favorables.

Avec 32,5 milliards de dirhams d’IDE reçus en 2023, le Royaume confirme son attrait auprès des multinationales. Et cette directive qui instaure un cadre juridique renforcé et des process rigoureux va encore améliorer son image. Les grands groupes étrangers seront rassurés de voir que l’octroi des primes obéit à des règles claires, avec une vérification indépendante par des experts-comptables.

Grâce à ce nouveau cadre, les investisseurs pourront avoir la certitude que de telles primes sont bien méritées et attribuées en toute transparence selon des critères objectifs.

En définitive, cette directive de l’OEC apporte une boussole précieuse aux investisseurs souhaitant bénéficier des primes à l’investissement. En clarifiant le rôle et les diligences de l’expert-comptable, elle renforce la crédibilité du processus et participe ainsi à l’attractivité économique du Maroc.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



Secteur bancaire : l’IA, vecteur d’un nouvel essor


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page