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Situation fiscale des personnes physiques : les avoirs et dépenses des MRE sous la loupe

La suppression de la notion de «Domicile fiscal au Maroc» dans l’article 216 du CGI étend la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale aux Marocains résidant à l’étranger (MRE), soulevant des interrogations sur l’imposition de leurs revenus.

L’examen de la situation fiscale des MRE sous la loupe après la modification de l’article 216 du CGI. Une nouveauté fiscale majeure a été introduite par la Loi de finances 2024 concernant la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale des personnes physiques au Maroc.

La principale modification apportée à l’article 216 du Code général des impôts est la suppression de la notion de «Domicile fiscal au Maroc» dans son libellé. Une suppression qui a une portée significative pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE). Comme l’explique Mohammed Rifi, expert-comptable et partner chez OMNIPACT, dans une récente publication, en vertu de la rédaction actuelle de l’article 216, «il est clair que l’absence de référence à la notion de domicile fiscal étend le champ d’application de la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale à toute personne physique, résidente ou non».

Ainsi, même s’ils ne sont pas domiciliés fiscalement au Maroc, les MRE sont désormais concernés par cette procédure de contrôle fiscal. Leurs avoirs liquides détenus dans des comptes bancaires marocains et leurs acquisitions de biens meubles ou immeubles au Maroc peuvent déclencher un examen de leur situation par l’administration fiscale.

«En cas d’avoirs et/ou de dépenses non justifiées, le revenu ainsi évalué est considéré comme étant un revenu professionnel, imposable au taux du barème progressif en vigueur au Maroc», souligne l’expert-comptable.

Toutefois, l’expert nuance : «Au sens conventionnel, la convention de non-double imposition peut s’opposer à l’imposition au Maroc des revenus non justifiés des MRE».

En effet, selon les critères retenus par la plupart des conventions fiscales, un MRE ne peut être imposé sur ses revenus professionnels au Maroc que s’il y dispose d’un établissement stable, c’est-à-dire s’il y séjourne plus de 183 jours sur 12 mois.

«Dans le cas contraire, les profits et revenus provenant d’une activité professionnelle réalisée au Maroc ne devraient pas être imposables à l’IR au Maroc pour un MRE», affirme l’expert.

Néanmoins, l’échange de renseignements fiscaux entre le Maroc et le pays de résidence d’un MRE peut avoir un impact. Rifi prévient : «Les résultats d’une procédure d’EESF infructueuse au Maroc peuvent être communiqués à l’autre État à des fins de contrôle et de lutte contre l’évasion fiscale». Il faut dire que ce sujet de l’EESF suscite autant d’intérêt que d’inquiétudes chez les contribuables car il touche au contrôle des dépenses personnelles non justifiées par les revenus déclarés, une préoccupation majeure de l’administration dans sa lutte contre la fraude fiscale.

Dépensez-vous plus de 240.000 dirhams ?
Rappelons que l’administration fiscale peut initier un examen de l’ensemble de la situation fiscale d’un contribuable lorsque ses dépenses annuelles dépassent de plus de 25% le montant de ses revenus déclarés. Parmi les dépenses prises en compte figurent les acquisitions de biens immobiliers non destinés à un usage professionnel.

Ainsi, des dépenses ou l’achat d’un immeuble à usage non professionnel pour un montant de 240.000 dirhams ou plus peut déclencher cette procédure si les revenus déclarés ne justifient pas une telle dépense. La Loi de finances 2024 du Maroc a réintroduit une mesure exceptionnelle de régularisation volontaire de la situation fiscale des contribuables.

Cette initiative permet aux personnes physiques de déclarer, avant le 31 décembre 2024, les profits et revenus imposables non déclarés avant le 1er janvier 2024, qui ont servi à financer des avoirs liquides déposés dans des comptes bancaires ou détenus en espèces ; l’acquisition de biens meubles ou immeubles à usage non professionnel ; ou encore des avances en comptes courants d’associés, des comptes de l’exploitant ou des prêts accordés à des tiers.

Impact de la nouvelle qualification des revenus sur l’imposition conventionnelle
Le Projet de loi de finances pour l’année 2025 apporte une nouveauté importante concernant la qualification fiscale des revenus évalués par la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale (EESF). Ce projet propose de considérer les revenus évalués à la suite de l’EESF comme étant d’«autres revenus et gains».

Cette nouvelle qualification pourrait avoir des répercussions significatives au niveau de l’imposition conventionnelle de ces revenus pour les personnes non-résidentes, notamment les MRE. En effet, la plupart des conventions fiscales prévoient ce que l’on appelle la «clause balai» dans leur article 21. Cette clause stipule que les éléments du revenu d’un résident d’un État contractant, qui ne sont pas traités dans les autres articles de la convention, ne sont imposables que dans l’État de résidence du contribuable.

Ainsi, si les revenus évalués par l’EESF sont effectivement qualifiés d’«autres revenus et gains» au sens conventionnel, leur imposition serait réservée à l’État de résidence du contribuable selon la «clause balai». Pour un MRE, cela signifierait une impossibilité pour le Maroc de les imposer. Pour un MRE résident en France, en vertu de l’article 21 de la convention fiscale franco-marocaine, ces «autres revenus» ne seraient imposables qu’en France en tant qu’État de résidence de la personne.

Cependant, cette analyse reste théorique à ce stade. L’expert appelle à la vigilance : «Il conviendra d’examiner la position de l’administration fiscale marocaine sur la qualification exacte à retenir pour les revenus issus de l’EESF et son articulation avec les dispositions des conventions de non-double imposition. En effet, selon l’interprétation retenue, un risque de double imposition conventionnelle pourrait subsister si le Maroc considère ces revenus comme imposables sur son territoire malgré la «clause balai».

Cette problématique souligne une nouvelle fois la nécessité d’avoir un éclairage clair de la Direction générale des impôts sur l’application de la procédure d’EESF dans un contexte conventionnel, afin de sécuriser la situation fiscale des contribuables concernés.

Au-delà de cette problématique spécifique, il est nécessaire d’avoir un cadre juridique et réglementaire clair et stable encadrant la procédure d’EESF, qui fait toujours débat au sein de la communauté fiscale. Seul un tel éclaircissement permettra d’appliquer cette procédure de manière équitable et sécurisée pour tous les contribuables, qu’ils soient résidents ou non-résidents.

Régulariser sa situation fiscale avant le 31 décembre 2024 !

La Loi de finances 2024 a réintroduit une mesure exceptionnelle permettant aux contribuables, y compris les MRE, de régulariser leur situation fiscale de manière volontaire avant le 31 décembre 2024. Cette initiative offre une opportunité unique pour les MRE de se mettre en conformité avec leurs obligations fiscales au Maroc.

Concrètement, jusqu’au 31 décembre 2024, les MRE peuvent déclarer auprès d’un établissement bancaire agréé ou directement à l’administration fiscale, les profits, revenus imposables et avoirs non déclarés antérieurement. Cela concerne les avoirs liquides déposés dans des comptes bancaires ou détenus en espèces, l’acquisition de biens meubles ou immeubles à usage non professionnel, ainsi que les avances en comptes courants d’associés ou les prêts accordés à des tiers.

En contrepartie, les contribuables concernés ne s’acquittent que d’une contribution libératoire fixée à 5% de la valeur des avoirs et dépenses ainsi déclarés. Les montants régularisés ne seront alors pas pris en compte lors de futurs contrôles fiscaux, notamment dans le cadre de l’examen de l’ensemble de la situation fiscale.

Cette mesure représente donc une réelle opportunité pour les MRE de régulariser leur passé fiscal au Maroc à moindre coût avant le 31 décembre 2024. Passée cette date butoir, ils s’exposent à des risques bien plus lourds en cas de contrôle fiscal. Si des irrégularités sont révélées après le 31 décembre 2024, les contribuables devront s’acquitter de l’impôt sur le revenu dû, majoré de pénalités fiscales pouvant atteindre 100% des droits rappelés, sans compter d’éventuelles poursuites pénales en cas de manœuvres frauduleuses.

Il est donc vivement recommandé aux MRE concernés de profiter de cette ultime fenêtre de régularisation volontaire d’ici la fin de l’année 2024 pour éviter des conséquences fiscales et pénales potentiellement très lourdes.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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