Reconversion professionnelle : entre aspiration personnelle et pression du marché
Par Hiba Mabrouk
Professeure de lettres et de philosophie Fondatrice et CEO de MindBridge-Edtech.
Le monde du travail a sérieusement pris un coup de vieux, un peu comme un fax oublié dans une start-up de la Silicon Valley. À l’heure où technologie, intelligence artificielle et urgence écologique redessinent l’avenir, de nombreux travailleurs marocains se retrouvent face à un dilemme : s’accrocher à leur carrière comme à un souvenir d’enfance, ou se lancer dans une reconversion pour enfin trouver ce job «qui a du sens». Mais attention, la reconversion professionnelle n’est plus réservée aux quelques âmes intrépides en quête de nouveauté ; elle devient une nécessité à l’échelle mondiale !
Aujourd’hui, plus de 35 % des actifs marocains songent à tourner la page de leur carrière, d’après l’«African Scientific Journal». Un chiffre qui grimpe à 55 % chez les moins de 30 ans. Oui, la jeune génération est sur les starting-blocks, prête à donner un coup de pied à la routine et à se diriger vers un emploi qui lui ressemble. Voilà pour «l’argument noble», mais franchement, avons-nous vraiment le choix ?
Derrière l’envie de changement
Derrière cette aspiration se cachent des motivations variées. D’abord, cette fameuse quête de sens : les travailleurs cherchent un emploi dans lequel ils ne se sentent pas comme des robots (et paradoxalement, on se plaint de l’IA, alors qu’elle est là justement pour nous libérer des tâches ingrates !). Ajoutez à cela le changement climatique, qui s’invite également dans cette quête.
De plus en plus de Marocains envisagent de travailler dans des secteurs verts, où ils peuvent dire qu’ils sauvent un peu la planète tout en payant leurs factures. Et puis, il y a cette grande tendance à vouloir réconcilier travail et vie personnelle. L’idée est de trouver un boulot qui permettrait de s’épanouir sans finir épuisé à la maison. Avec le rythme «métro-boulot-dodo», beaucoup rêvent d’un emploi permettant de gérer tout ça sans renoncer aux repas de famille.
L’intelligence artificielle, l’invitée surprise qui s’est imposée au menu
Et puis il y a la «Lalla Moulati» l’intelligence artificielle, on a envie de lui dire OK tu es superbe mais ne gâche pas tout non plus. C’est comme quand ta belle mère débarque, elle s’occupe des enfants, cuisine des plats plus délicieux les uns que les autres mais quand ta compagne t’annonce qu’elle ne repart plus… tu as une sueur froide.
Pareil, l’IA est extrêmement utile mais elle s’amuse à transformer littéralement des secteurs entiers; l’automatisation de nombreuses tâches et la disparition complète de certains métiers ne laissent plus le choix à des millions de personnes : la reconversion professionnelle est en marche ! La reconversion devient donc aussi une question de survie professionnelle. D’ici quelques années, les experts prédisent que près de 20 % des emplois marocains pourraient être automatisés. Alors oui, il va falloir s’adapter, et vite !
Les défis de la reconversion
Heureusement, les formations et les écoles se multiplient pour accompagner les travailleurs dans cette transition vers les métiers d’avenir. Mais entre nous, ces nouvelles compétences, surtout dans le numérique, l’informatique et les technologies de pointe, restent souvent inaccessibles et franchement complexes à maîtriser pour beaucoup d’entre nous. Et puis, il y a le courage qu’il faut pour se lancer. Quitter un poste stable pour l’inconnu n’est pas facile, surtout quand l’inconnu rime avec baisse de salaire, instabilité ou statut moins glorieux. On se croirait dans une pièce de théâtre d’Albert Camus, ce moment où le personnage se demande si cela vaut vraiment la peine de tout quitter pour quelque chose de potentiellement… absurde ? Pourtant, cette question trotte bien dans la tête de nombreux Marocains aujourd’hui.
Les entreprises face au changement
Les entreprises, elles aussi, ne savent plus trop sur quel pied danser avec les profils en reconversion. Certaines hésitent encore à embaucher des candidats avec un parcours atypique, préférant les CV bien lisses. Mais cette peur de l’inconnu limite leur capacité d’innovation. À croire que le changement, c’est bon pour les autres mais pas pour elles !
Vers une reconversion réussie
Face à ces défis, le Maroc doit réagir et repenser la reconversion pour en faire une véritable passerelle vers l’avenir. La première étape ? Aider les travailleurs à valoriser leurs compétences humaines, comme la créativité et la résilience. On pourrait presque dire que la reconversion, c’est une transition vers… plus d’humanité ! Il serait également temps de rendre les formations plus accessibles, en adaptant les contenus et les horaires pour que même les plus éloignés des grandes villes puissent en bénéficier.
Encore de la digitalisation… navrée pour les réticents, mais c’est indispensable aujourd’hui ! Les pouvoirs publics et les entreprises ont une belle carte à jouer en proposant des subventions et en collaborant pour rendre la reconversion plus fluide avec des formations en entreprise par exemple. Peut-être que cette transformation pourrait même être une chance pour le Maroc de devenir un modèle d’adaptation, dans la lignée de la stratégie Maroc Digital 2030.
Et la jeunesse dans tout ça ?
Mais pendant que nos quinquagénaires s’efforcent de réinventer leur parcours, que fait-on pour les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ? On leur propose encore des formations basées sur des programmes parfois vieux comme le Minitel. N’est-il pas temps de repenser en profondeur notre système éducatif ? Il y a de quoi s’inquiéter. Si l’on veut que la jeunesse soit prête à affronter les défis de demain (et éviter qu’elle ne soit dépassée par une IA au premier entretien d’embauche), il est urgent de réformer nos programmes éducatifs.
À mes yeux, il faut prendre le taureau par les cornes et s’intéresser aux enfants et aux adolescents en intégrant dans nos programmes scolaires des cours de programmation dès le primaire, des ateliers de créativité numérique, de la philosophie dès le plus jeune âge ou encore des formations à l’éthique de l’IA. Et pourquoi pas une matière «Survie en Entreprise 4.0» pour apprendre à cohabiter avec nos collègues robots ? Les plus jeunes passent leur bac mais se sentent complètement dépassés par les avancées technologiques fulgurantes qui apparaissent à un rythme soutenu depuis quelques années.
Transformer les défis en opportunités, une profession à la fois
En somme, la reconversion professionnelle n’est plus seulement une option, c’est une nécessité imposée par les évolutions rapides de notre monde. Entre aspiration personnelle et pression du marché, il est temps pour chacun de repenser son parcours et pour la société de créer les conditions favorables à cette transition. Et dites-moi, vous avez déjà rencontré un architecte de villes intelligentes, un médecin augmenté ou un agriculteur numérique ? Pensez-y, c’est des métiers bien réels ! Autant vous dire que, quel que soit votre métier aujourd’hui, il va falloir sauter dans le train du changement… ou changer de gare ! Petite touche philosophique pour finir en beauté; comme disait le philosophe grec Héraclite, «Rien n’est permanent, sauf le changement».