Moumen Smihi : “Mes films cherchent à travailler notre identité, notre marocanité”
Moumen Smihi
Président de jury du long métrage de la 20e édition du festival International Cinéma et migrations
Au-delà de la dimension purement artistique et culturelle avec la projection d’une centaine de films, ce rendez-vous annuel, qui en est à sa 20e édition, réunira une la fine fleur locale des cinéastes, réalisateurs, acteurs, producteurs et critiques.
Avec plus d’un demi-siècle de pratique cinématographique, que ressentez-vous en tant que président du jury de cette 20e édition ?
Plusieurs fois dans des jurys internationaux tel que le festival de Marrakech en 2014 ou nationaux, notamment à Tanger, à Rabat et à Ouarzazate, mon sentiment est un peu identique quand je préside un jury. Il s’agit de sacrifier quelque chose auquel je tiens afin de respecter la position des autres ainsi que le consensus au sein des membres de jury. Concernant mes attentes au sujet des films en compétition cette année, surtout les longs métrages, par souci de transparence, le jury ne connait pas les films avant le festival. Mais Agadir étant un festival thématique, j’espère faire de sérieuses découvertes.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du cinéma sur la thématique des migrations ces dernières années au Maroc et quel regard portez-vous sur sa représentation dans le cinéma actuel ?
Aujourd’hui, la migration est une donnée fondamentale de l’économie mondiale. Ses conséquences sont énormes. Peu de discours, notamment économiques, sociologiques, artistiques comme le cinéma, sont proches de la vérité. C’est pourquoi il est très difficile de faire une synthèse dans une œuvre d’art comme le cinéma chez nous ou ailleurs.
Vous êtes natif de Tanger. Quelle relation entretenez-vous avec la ville d’Agadir sur le plan cinématographique ?
Enfant à Tanger, j’avais manifesté pour l’Indépendance dans les ruelles de la médina. Le tremblement de terre d’Agadir avait été un nouveau ciment de ce que nous découvrions comme notre patrie aux lointaines frontières. J’ai raconté cela dans ma «Trilogie de Tanger». Mais l’épisode tremblement de terre écrit, je ne l’ai pas tourné, faute de moyens. Notre économie du cinéma, faut-il le rappeler, est très rudimentaire. Et on le sait, avec le développement des GAFAM, le cinéma se classe parmi les grandes industries. Mes films cherchent à travailler notre identité, notre marocanité. Ce qui me pousse à des lectures de fond avant une réalisation.
Pour le film «44-Les Récits de la nuit», qui raconte notre colonisation, l’un de nos grands écrivains méconnus, Mokhtar Soussi, et son encyclopédie «Al Maassoul» m’ont permis de pouvoir parler de la Résistance dans le Souss. J’ai aussi tourné un mini-documentaire à Agadir en 1983, «Les travailleurs de la mer».
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO