Culture

Festival : Tanjazz joue tous les jazz

Pour sa 22e édition, du 19 au 22 septembre, Tanjazz devient le Festival des jazz (au pluriel). Les concerts se tiendront au palais des Arts et de la culture, au palais des Institutions italiennes, à Bab Marsa et dans la Kasbah, avec de grands noms comme les Gipsy King, Omar Sosa et Keziah Jones.

Produit par l’agence Seven PM et l’association JAM, soutenu par la fondation BMCI, le festival emblématique de la ville du détroit se réinvente. Cela passe par une nouvelle image et une programmation élargie. Si le jazz a de profondes racines à Tanger, le festival a tenu à mettre en scène la diversité et la variété d’une musique qui n’en finit pas de se métamorphoser et d’infuser dans toutes les cultures populaires.

La scène BMCI Palais fait son grand retour dans les jardins extérieurs du Palais. Elle accueillera deux concerts de têtes d’affiche. Les jardins extérieurs seront aménagés avec deux food courts et proposeront des animations, des fanfares entre les concerts pour faire vivre une expérience festive et chaleureuse. À l’intérieur du Palais, les cours de danse ouvriront le bal, les jams sessions les clôtureront dans le patio.

À la scène comme à la ville
Le 21 septembre, le virtuose et ancien pianiste du Buena Vista Social Club, Roberto Fonseca, redonnera vie aux nuits cubaines des années 30 avec son projet «La Gran Diversion». La scène Volkswagen Fleet Solutions proposera quant à elle du jazz sous toutes ses formes, ainsi que du rock. Wax & Boogie ft. Drew Davis, formation espagnole éclectique qui revisite le boogie des années 30, le swing des années 40 et le rhythm’n blues des années 50, s’y produira le 20 septembre.

Léon Phal, saxophoniste franco-suisse qui offre un jazz moderne et résolument groove, suivra à 23 h 30, avant la jam-session à 1 h 15. Tanjazz sera aussi un voyage à travers les ruelles anciennes de Tanger, où musique, art et culture se rencontrent, avec des animations et des concerts gratuits. Les déambulations vont démarrer dès jeudi 19 septembre, à 18 h, avec la fanfare Lazcar Volcano, qui animera chaque fin de journée, jusqu’au samedi 21 septembre, les ruelles de la Médina de Tanger, en démarrant par Bab El Kasbah et en passant par le Petit et le Grand Socco.

La scène BMCI Ville à Bab El Marsa offrira deux concerts gratuits par soir, mettant en avant de jeunes talents locaux et des artistes confirmés de la scène musicale marocaine, qu’il s’agisse de M’hamid Band, Jubantouja, Saad Tiouly, Maalem Hamid El Kasri, Gnawa Express ou le très rock Hoba Hoba Spirit. Par ailleurs, des afters électroniques sont programmés à l’hôtel Rembrandt (au Blue Pub), avec Daox et Sound of Mint, jeudi 19 et vendredi 20 septembre.

Cuba, l’Espagne et l’Éthiopie
L’une des affiches spectaculaires comporte le nom du Cubain Omar Sosa, un habitué des plus grands festivals de jazz, avec quatre nominations aux Grammy Award à son actif. Son Quarteto AfroCubano collaborera avec le Majid Bekkas Afro Gnaoua Blues Trio, pour une création originale qui sera le concert d’inauguration. Bekkas, natif de Salé, a travaillé avec Nass El Ghiwane avant d’apprendre la culture gnawa auprès du maâlem Ba Houmane. Guitariste, claviériste et chanteur, il use du ‘oud autant que du guembri pour jouer du blues dans les années 1990.

De nombreuses collaborations internationales et disques personnels lui ont valu des prix tels qu’un German Jazz Award en 2009, le trophée Al-Farabi en 2010 ou le prix «Coup de cœur» de l’Académie Charles Cros en 2015. Cette rencontre entre Omar Sosa et Majid Bekkas promet donc un croisement afro-cubain avec les sonorités gnaouies capables de propulser le public au sommet d’une musique transatlantique qui revient à ses sources pour mieux se transformer à nouveau. Sous les spotlights, brillera aussi le nom des Gypsy Kings, que l’on ne présente plus, avec Nicolas Reyes, l’un des membres fondateurs et voix originale du groupe. Ils se produiront le 20 septembre, sur la scène BMCI, juste après Mulato Astatke.

Légende de la musique éthiopienne et père de l’Ethio-jazz, il a été le premier étudiant africain à s’inscrire, dans les années 1950, au Berklee College of Music de Boston, qui lui a décerné, en 2012, un doctorat honoris causa. À Addis-Abeba, il avait eu ensuite l’occasion de jouer avec Alice Coltrane et Duke Ellington. Depuis, il a notamment signé une partie de la bande-son du film «Broken Flowers», de Jim Jarmusch, en 2005. Les cinéphiles se souviendront sûrement de ces moments de poésie improbable où Bill Murray l’écoute dans sa voiture.

Keziah Jones, père du blufunk
Le Nigérian Kéziah Jones vit entre Lagos, Londres et Paris. Après avoir joué dans les métros des deux capitales européennes, il a percé sur la scène internationale en 1992 avec son album «Blufunk is a Fact!», en forme de manifeste artistique pour son mélange savant de blues et de funk. Le morceau «Rhythm is Love» a été un tube mondial, suivi de succès tels que «Where is Life», «A Million Miles From Home», «Beautiful Emilie» ou «1973». Très influencé par Fela Kuti, Jimi Hendrix et Miles Davis, Keziah Jones revendique un dandysme punk pour croiser rythmes ou chants yoruba à des thèmes et sons variés, pris dans le monde entier. Lors d’un concert au Centre Pompidou, à Paris, en 2021, il se souvenait avoir joué autrefois devant le musée, un chapeau posé sur le sol. Il avait précisé : «La musique que je fais aujourd’hui est assez différente de celle que j’ai pu faire par le passé… peut-être moins torturée.

En tout cas, beaucoup plus instrumentale, plus influencée par les formes jazz». Des émeutes secouant alors la ville de Lagos, il ajoutait : «J’essaie de me concentrer sur le corps, le corps comme objet politique. Je crois vraiment au pouvoir du son ». Nourri de la figure de Fela Kuti, sans l’imiter, il a son projet personnel. Jones veut mettre en lumière le dynamisme de la culture urbaine africaine contemporaine, en particulier à Lagos, ville de 25 millions d’habitants. Il souligne que cette culture s’épanouit dans la musique, la mode et l’art, sous l’influence de la diaspora africaine. Il a par ailleurs déclaré : «Ce que je veux montrer au monde, c’est la modernité de l’Afrique postcoloniale, loin de l’image que le monde occidental se fait d’un continent dévasté par la famine ou la guerre. Je parle de la jeune Afrique urbaine». Tanger lui tend les bras.

Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO



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