Maroc

Loi sur la grève : le consensus, objectif ultime

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ayant adopté à l’unanimité son avis sur le projet de loi organique relative au droit de grève, le gouvernement réactive le processus du dialogue social à travers un nouveau round de négociations. Il est attendu que les discussions se poursuivent de manière intensive jusqu’à ce qu’un consensus soit trouvé.

Les choses vont-elles enfin avancer dans l’épineux dossier de la loi sur la grève ? Les rouages de cette machine, longtemps grippée à cause des tiraillements entre les partenaires sociaux, semblent en tout cas bouger. Ayant promis de progresser sur cette question à la rentrée, le gouvernement répond aujourd’hui présent, marquant l’entame du nouveau round du dialogue social.

Le ministre de l’Intégration économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, rencontre les syndicats afin de se pencher notamment sur les orientations tracées en la matière par le Conseil économique, social et environnemental. Ce nouveau round des négociations est particulièrement scruté, car il doit aborder des questions sensibles qui touchent au cœur des relations entre employeurs et salariés.

En effet, il ne s’agit pas seulement de mettre en place un cadre législatif encadrant le droit de grève, mais aussi de trouver un terrain d’entente sur les modalités d’application de ce droit dans les secteurs public et privé. De plus, la nécessité d’intégrer des conventions internationales et des normes de droits de l’Homme dans la législation nationale ajoute un niveau de complexité supplémentaire.

D’ailleurs, le 23 août dernier, une séance d’écoute organisée par la commission permanente chargée des questions sociales et de solidarité au Conseil économique, social et environnemental a permis au ministre Sekkouri de présenter les grandes lignes du projet de loi.

Cette session a marqué une étape importante, permettant aux différentes parties prenantes de faire entendre leur voix et de formuler des recommandations. Il s’agit désormais pour le gouvernement de capitaliser sur ces échanges pour avancer vers une solution qui satisfasse les différents acteurs.

D’ailleurs, le 10 septembre dernier, le Conseil économique, social et environnemental adoptait à l’unanimité son projet d’avis sur le projet de loi organique n° 97.15 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève. Le texte, élaboré sur la base d’une approche participative, débouche sur un large débat entre les différentes catégories du CES (experts, syndicats, organisations professionnelles, associations de la société civile et institutions ès-qualités) et sur des auditions organisées avec les principales parties prenantes : départements ministériels, syndicats, représentants du secteur privé et experts en législation sociale.

Une rencontre décisive
La rencontre du vendredi 13 septembre est ainsi déterminante. Le gouvernement doit répondre aux observations et revendications des partenaires sociaux, parmi lesquels figurent les représentants des principales centrales syndicales, à savoir l’Union marocaine du travail (UMT), l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), la Confédération démocratique du travail (CDT), ainsi que les acteurs économiques, tels que la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER).

L’enjeu de cette réunion est de taille. Les syndicats exigent une loi équilibrée qui préserve les droits des travailleurs sans porter atteinte à leur liberté de grève. Le secteur privé, de son côté, plaide pour une législation claire et précise, qui encadre l’exercice de ce droit tout en garantissant une continuité économique minimale en cas de mouvements sociaux.

Selon des sources proches des négociations, «les discussions devraient se poursuivre de manière intensive jusqu’à ce qu’un consensus soit trouvé. Ensuite, le projet de loi reviendra à la commission parlementaire de la Chambre des représentants pour une discussion détaillée et l’adoption d’une version consensuelle du texte».

Ce scénario semble d’ailleurs largement souhaité par les groupes parlementaires, qui avaient unanimement demandé, lors de la session de juillet, que la question soit résolue au plus vite. En outre, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, avait souligné l’urgence de l’adoption de cette loi lors de son passage à la Chambre des conseillers.

Présentant un exposé sur le thème «Dialogue social, un mécanisme de promotion des conditions des travailleurs et levier d’amélioration du rendement de l’économie nationale», Akhannouch avait affirmé que «pour surmonter l’impasse qui a marqué le débat sur l’organisation de l’exercice du droit de grève, le gouvernement a décidé de réinscrire la loi organique sur la grève parmi les priorités du nouveau round de dialogue social et de soumettre son contenu à l’institution législative cette année».

Selon lui, «plus de 60 ans après la consécration constitutionnelle du droit de grève, il n’est plus acceptable que le Royaume reste sans une loi organique encadrant l’exercice de ce droit fondamental».

Il faut dire que la loi sur la grève n’est pas le seul dossier épineux auquel le gouvernement doit s’atteler. La réforme du Code du travail, un autre pilier fondamental des relations professionnelles, est également inscrite à l’agenda des discussions. Lors de son exposé en juillet dernier, Akhannouch avait rappelé l’importance du dialogue social comme un outil stratégique pour renforcer la cohésion sociale et améliorer les performances économiques du pays.

Un dossier complexe et ancien

Le projet de loi organique n° 97.15, fixant les conditions et modalités d’exercice du droit de grève, est une longue saga législative. Soumis pour la première fois à la Chambre des représentants le 6 octobre 2016 par le gouvernement précédent, il avait alors été laissé en suspens, faute de consensus. La première mouture du texte avait suscité de vives réactions, notamment de la part des syndicats les plus représentatifs, qui y voyaient des restrictions sévères au droit de grève. Face à la fronde syndicale, le projet avait été relégué au second plan et n’avait jamais été inscrit à l’ordre du jour parlementaire.

Pourtant, la demande d’une législation encadrant ce droit constitutionnel est ancienne. Le droit de grève, consacré dans la Constitution de 1962, attendait depuis des décennies une loi organique pour en définir les contours. Après une longue période de blocage, le débat a été relancé via l’accord social du 30 avril 2022, où il a été officiellement convenu de programmer la discussion du projet de loi avec un calendrier précis, visant une adoption définitive en 2024.

Le gouvernement a organisé une série de discussions et de concertations, étalées sur plus de 20 mois, avec les syndicats et les représentants du secteur privé. Ces consultations ont abordé des questions telles que la définition de la grève, les entités habilitées à l’appeler, ainsi que les procédures à suivre et les délais à respecter.

H.K / Les Inspirations ÉCO



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