Burnout des salariés : révéler une réalité occultée au sein de la société marocaine
Par Meryem Harmaz
Edvantis Higher Education Group- ISGA FES
Dans notre société, le travail revêt une grande importance, car il constitue le fondement de l’identité, une promesse d’épanouissement et de réalisation de soi. Les concepts de stress et d’épuisement sont fréquemment explorés dans le domaine du travail et de l’entreprise. Ils constituent des variables fondamentales, régulièrement invoquées lorsqu’il est question de bien-être au travail et de stress, notamment sous la forme du burnout. Le burnout, ce mal insidieux de notre époque moderne, reflète la fracture profonde entre ce que les individus sont et ce que leur vie professionnelle exige d’eux.
Ce phénomène érode lentement mais sûrement les valeurs, la dignité, l’esprit et la volonté des travailleurs. Jour après jour, cette usure constante les entraîne dans une spirale descendante dont il est de plus en plus difficile de s’extirper. Bien que non reconnu comme une condition médicale à part entière, le burnout peut avoir des conséquences sérieuses sur la santé et le bien-être individuel, ainsi que sur la performance et la viabilité organisationnelle. La reconnaissance des signes et des symptômes du burnout et une compréhension approfondie de ses causes sont impératives pour s’attaquer à ce problème omniprésent sur le lieu de travail et en prévenir les effets néfastes.
L’EMERGENCE DU SYNDROME
Il y a plus de trois décennies, l’Américain Freudenberger a introduit le terme «burnout», traduit en français par «épuisement professionnel». Selon Freudenberger, ce phénomène découle d’une utilisation excessive de l’énergie et des ressources individuelles, engendrant un sentiment d’échec, d’épuisement et de découragement.
D’après la définition établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2019, le burnout est un syndrome engendré par un stress chronique au travail mal géré et pas une maladie. Ainsi, l’OMS a permis de concevoir le burnout comme un processus de dégradation du rapport subjectif au travail, articulé autour de trois dimensions :
* Une sensation profonde d’épuisement émotionnel, où l’individu se sent complètement vidé de son énergie vitale.
* Un cynisme marqué ou des sentiments négatifs envers autrui et son environnement de travail.
* Un sentiment persistant de non-accomplissement personnel, accompagné d’une diminution notable de l’efficacité professionnelle.
Burnout au Maroc : urgence de la réglementation
Il est opportun de souligner que le burnout n’est pas universellement reconnu comme une maladie professionnelle dans tous les pays et contextes. En France, par exemple, il est identifié comme un problème d’origine professionnelle, mais il n’est pas répertorié dans le tableau des maladies professionnelles de la sécurité sociale. Il est mentionné dans la section «Facteurs influant sur l’état de santé ou sur les motifs de recours aux services de santé».
Au Maroc, l’épuisement professionnel ne bénéficie pas d’une reconnaissance formelle en tant que maladie professionnelle distincte selon les normes établies par le système de santé publique ou la législation.
Néanmoins, comme dans de nombreux autres pays, ses symptômes et ses impacts peuvent être considérés dans le cadre des troubles mentaux ou des pathologies associées au stress au travail. Ajoutons à cela qu’en l’absence d’un cadre réglementaire de référence pour ce phénomène, la probabilité qu’il ne soit pas correctement classifié augmente chaque jour davantage.
Burnout en entreprise : symptômes et impacts
Aujourd’hui, dans le monde de l’entreprise, un employé passe généralement par plusieurs phases. D’abord, il y a l’enthousiasme, où il déborde d’énergie et de motivation. Ensuite vient la stagnation, lorsque ses efforts ne mènent pas aux résultats escomptés.
Cette phase est souvent suivie de frustration, marquée par des troubles émotionnels, physiques et comportementaux, qui sont les signes avant-coureurs du burnout. Enfin, l’employé peut sombrer dans l’apathie, développant des comportements de protection pour se défendre contre cette frustration. Ce phénomène est fréquent dans les milieux professionnels soumis à un harcèlement moral et à une forte pression où les employés peuvent se sentir submergés, sans soutien et incapables de faire face aux demandes de leur emploi.
Par ailleurs, la forte existence de ce syndrome nous amène à constater une influence délétère sur les employés, les organisations et les clients. Il est corrélé à une détérioration de la santé physique, à des perceptions négatives des caractéristiques de l’emploi, à un surmenage compulsif, à une hausse de l’absentéisme et du roulement de personnel, à des troubles du sommeil, à la dépression, à des affects négatifs ainsi qu’à des problèmes conjugaux et familiaux.
Concrètement, le burnout ne surgit pas instantanément. Il est caractérisé par l’apparition de certains signes que tout manager doit connaître. La personne concernée devient notablement moins productive, éprouve des difficultés de concentration et une fatigue intense qui survient rapidement.
Burnout : regards sur la législation marocaine
Le Code du travail marocain ne prévoit aucune disposition spécifique pour protéger les employés en cas de burnout. Selon les dispositions du Code de travail, l’employeur et l’employé s’engagent à œuvrer conjointement à l’amélioration du bien-être et de la qualité de vie au travail, conformément aux stipulations de la loi n°65-99. Celle-ci est spécifiée aux articles 24 et 287.
L’article 24 du Code du travail prévoit que «de manière générale, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité des salariés dans l’accomplissement des tâches qu’ils exécutent sous sa direction et de veiller au maintien des règles de bonne conduite, de bonnes mœurs et de bonne moralité dans son entreprise. De son côté, l’article 287 interdit à l’employeur d’autoriser l’utilisation par les salariés de produits, substances, appareils ou machines susceptibles de nuire à leur santé ou compromettre leur sécurité.
Pourquoi le soutien psychologique est crucial contre le burnout
Au Maroc, il est alarmant de constater l’absence flagrante de réglementation concernant la protection mentale des employés victimes d’épuisement professionnel. Cette lacune rend impérieuse la nécessité d’intervenir en matière de soutien psychologique, que ce soit dans le secteur privé ou public. Le soutien psychologique en cas de burnout est d’une importance cruciale. Il permet aux individus de comprendre et de gérer les causes profondes de leur épuisement, facilitant ainsi leur récupération.
En outre, ce soutien enseigne des stratégies efficaces pour prévenir les récidives, améliorant ainsi la qualité de vie tant professionnelle que personnelle. De surcroît, il renforce également la résilience des personnes, les rendant plus aptes à affronter les défis futurs. En maintenant leur motivation et leur productivité, le soutien psychologique profite autant aux employés qu’aux employeurs, contribuant à un environnement de travail plus sain et plus performant. Comment prévenir et gérer efficacement le burnout. Tel phénomène représente un des risques psychosociaux les plus prégnants. Les managers se trouvent fréquemment démunis face aux employés affectés, une fois que le burnout s’installe, les pratiques de gestion sont souvent remises en question.
D’une part, les entretiens individuels, qu’ils se tiennent à mi-année ou en fin d’année, offrent aux responsables une opportunité précieuse pour détecter d’éventuelles situations à risque parmi les employés. En complément, l’employeur peut recourir à des entretiens anonymes et collectifs pour évaluer les répercussions psychologiques de l’environnement de travail sur les individus, permettant ainsi une analyse plus globale du climat organisationnel.
D’autre part, le soutien psychologique efficace réduit les coûts liés à l’absentéisme, aux erreurs de travail et au turnover élevé. En somme, le soutien psychologique est essentiel non seulement pour la santé et le bien-être des individus, mais aussi pour la performance et la stabilité des organisations. La prévention du burnout implique des actions à la fois au niveau individuel et organisationnel. Pour les individus, il est essentiel de gérer leur temps de manière efficace, d’adopter des pratiques favorisant le bien-être, et de développer des compétences en gestion du stress et en communication assertive. De plus, il est important de chercher du soutien auprès de collègues, d’amis ou de professionnels de la santé mentale pour partager les difficultés rencontrées et obtenir des conseils appropriés.
Du côté des organisations, plusieurs mesures sont essentielles pour prévenir ce syndrome. Premièrement, il est crucial d’améliorer les conditions de travail. Deuxièmement, la reconnaissance des efforts des employés et l’instauration de systèmes de récompense appropriés sont nécessaires. Troisièmement, il est important de promouvoir un environnement de travail collaboratif et solidaire.
Enfin, former et sensibiliser les managers ainsi que les employés à la détection et à la gestion du burnout est fondamental pour une prévention et une intervention efficaces face à ce phénomène. Souvent perçu comme phénomène tabou, le burnout au travail représente un défi majeur qui touche tant les employeurs que les employés à l’échelle mondiale. Les statistiques récentes révèlent une prévalence préoccupante, particulièrement dans certains secteurs et groupes démographiques.
Pour atténuer ce phénomène, il est crucial de mettre en place des initiatives de soutien psychologique, d’offrir une flexibilité accrue et de garantir des congés appropriés. Le burnout, en tant que problème grave, requiert une attention soutenue de la part des individus et des organisations. En approfondissant notre compréhension des causes et en adoptant des stratégies efficaces de prévention et de gestion, nous pouvons réduire son impact et promouvoir un environnement de travail plus sain et productif. La reconnaissance des signes de burnout et une action proactive sont essentielles pour lutter contre ce syndrome et protéger le bien-être des travailleurs.